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Conseil d’État, 318710

- wikisource:fr, 2/04/2010


Conseil d’État
31 mars 2010


Section du contentieux – 318710 – Ville de Paris


M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public



Visas

Vu le pourvoi, enregistré le 22 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présenté pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler l’arrêt du 27 mai 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant d’une part, à l’annulation du jugement du 26 octobre 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. Alain A, la décision du 18 juin 2003 du maire de Paris refusant de lui accorder la protection prévue par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel et de rejeter la demande de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A, le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 février 2010, présentée pour la VILLE DE PARIS ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Motifs

Considérant que M. A, inspecteur général de la Ville de Paris, ayant été mis en cause par un article de presse portant atteinte à son honneur et à sa considération, a porté plainte avec constitution de partie civile sur le fondement de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et a obtenu, à l’occasion des poursuites ainsi entreprises, la protection instituée par les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; que successivement le tribunal de grande instance de Paris, puis la cour d’appel de Paris l’ont débouté de sa demande, au motif qu’il ne remplissait pas, au fond, les conditions permettant de se prévaloir des dispositions précitées de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881; qu’ayant décidé de se pourvoir en cassation contre cet arrêt et sollicité à nouveau, à cet effet, le bénéfice de la protection statutaire, il s’est vu opposer un refus par une décision du maire de Paris en date du 18 juin 2003 ; que la Ville de Paris se pourvoit en cassation contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel a confirmé le jugement du tribunal administratif ayant prononcé, sur la demande de M. A, l’annulation de cette décision du maire de Paris ;

Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. (… ) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (…) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires ; que l’article 31 de la loi 29 juillet 1881 prévoit une peine particulière pour sanctionner la diffamation commise (…), à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique (…) » ; que les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu’ils ont été victimes d’attaques dans l’exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général ; que si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l’agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu’il a subis¸ laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l’agent concerné dans les poursuites judiciaires qu’il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d’apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l’objectif poursuivi ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le pourvoi en cassation envisagé par M. A avait pour objet de faire juger, contrairement à ce qu’avaient décidé les premiers juges, que celui-ci entrait bien dans le champ d’application des dispositions de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 précitées ; que le maire de Paris, pour lui refuser à ce stade le bénéfice de la protection juridique, a estimé qu’au vu de la jurisprudence, il n’avait aucune chance d’obtenir la cassation de l’arrêt de la cour d’appel et que dans ces conditions, le souci de la gestion des deniers publics conduisait à rejeter sa demande ; que pour rejeter la requête de la Ville de Paris dirigée contre le jugement qui, à la demande de M. A, a annulé cette décision, la cour administrative d’appel s’est fondée sur ce que à supposer même que le pourvoi n’ait pas eu de chances de succès compte tenu d’une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, il répondait au souhait de l’intéressé, non de voir trancher une question de principe mais de voir porter une appréciation sur l’applicabilité des dispositions de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 à sa situation ; qu’en jugeant par ces motifs que la protection ne pouvait pas être refusée à ce stade à M. A, alors qu’elle lui avait été accordée aux étapes antérieures de la procédure et que le pourvoi en cassation portait sur une question d’application de la loi utile à sa défense et ne pouvait ainsi être regardé, en tout état de cause, comme manifestement dépourvu de toute chance de succès, la cour administrative d’appel n’a pas fait une application inexacte des dispositions de l’article 11 précité de la loi du 13 juillet 1983 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que la VILLE DE PARIS n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la VILLE DE PARIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE

Article 1er : Le pourvoi de la VILLE DE PARIS est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS et à M. Alain A.

Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.


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