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Léonardo obtient devant le juge administratif la suspension de la sanction infligée par la Commission supérieure d’appel de la FFF le 3 juillet 2013

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesné, Marc Sénac de Monsembernard, 18/10/2013

Focus sur les failles de la procédure disciplinaire applicable au football professionnel
Par une ordonnance du 15 octobre 2013, le tribunal administratif de Paris, saisi en référé, a suspendu, jusqu’à ce que le tribunal statue au fond, la sanction disciplinaire que la commission supérieure d’appel de la FFF avait infligée le 3 juillet 2013 à Léonardo de Araújo de suspension de 12 mois à la suite, d’une bousculade avec l’arbitre à l’issue de la rencontre entre le PSG et le Valencienne Football Club (VAFC) au Parc des Princes du 5 mai 2013.

Il a été jugé que les deux conditions du référé suspension étaient remplies :

- une situation d’urgence du fait d’une décision dont l’exécution porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate à la situation de Leonardo de Araújo ;

- l’existence d’un moyen sérieux sur la légalité de la décision.

A bien des égards, la sanction prononcée par le juge envers la FFF et la procédure disciplinaire suivie était, pour un juriste, aussi prévisible que l’était la sanction de la commission supérieure d’appel de la FFF.

D’une part, l’urgence était caractérisée.

La suspension frappant Leonardo de Araújo, « le privant de jouer, d’être présent sur le banc de touche, dans le vestiaire des arbitres et dans l’enceinte de l’aire du jeu et d’assurer toute fonction officielle, c'est-à-dire toute participation directe au déroulement d’une rencontre à quelque titre que ce soit ou toute fonction de représentation auprès ou au sein des instances sportives jusqu’au 30 juin 2014 » et assortie en outre, d’une demande « d’extension de cette sanction aux autres associations nationales membres de la FIFA », interdisait à l’intéressé l’exercice de son activité professionnelle pendant une saison sportive. (voir pour une solution équivalente : CE, ord. Réf., 17 septembre 2008, req. n° 319832, Bastien Four, : sanction interdisant à un sportif professionnel de pratiquer des activités sportives et le privant ainsi d’une source importante de revenus).

D’autre part, l’illégalité faisait peu de doute.

La FFF, comme toute fédération sportive agréée, est soumise au règlement disciplinaire type figurant à l’annexe I-6 du code du sport en application de l’article R. 131-3 du même code du sport. Or, l’article 2 du règlement disciplinaire type des fédérations sportives agréées dispose que « il est institué un ou plusieurs organes disciplinaires de première instance et un ou plusieurs organes disciplinaires d’appel investis du pouvoir disciplinaire à l’égard des associations affiliées à la fédération, des membres licenciés de ces associations et des membres licenciés de la fédération ».

Ceci est la conséquence naturelle du fait qu’un pouvoir disciplinaire suppose qu’il existe un lien contractuel entre l’entité sanctionnant et la personne sanctionnée.

Or, c’est la licence qui crée le lien contractuel entre la fédération et le sportif.

Dès lors, faute de lien contractuel avec Léonardo de Araújo, la LFP et la FFF sont incompétentes pour le sanctionner.

Pour sa défense, la FFF n’a d’ailleurs pas contesté l’absence de licence de Léonardo de Araújo mais a soutenu devant le juge des référés que « priver les fédérations sportifs de tout pouvoir disciplinaire à l’encontre de personnes qui se sont délibérément abstenues de solliciter la délivrance d’une licence, reviendrait à nier la réalité du lien qui unit ces personnes et la fédération ».

S’il n’est pas interdit de s’interroger sur les raisons pour lesquelles Leonardo de Araujo pouvait exercer ses fonctions sans être licencié, le raisonnement finaliste de la FFF peut paraître inapproprié dès lors que la fédération conserve la possibilité de sanctionner le club qui emploie des salariés.

Enfin, au-delà de ses conséquences sur la situation de Monsieur Léonardo Araújo, cette ordonnance souligne l’utilité du contrôle juridictionnel des sanctions disciplinaires.
La volonté des ligues et de fédérations de faire respecter la dimension éthique du comportement sportif se traduit aujourd'hui par une politique disciplinaire sévère qui, au regard de la procédure suivie n’est toutefois pas exempte de critiques.

En effet, si, en théorie, les règles cardinales de la procédure disciplinaire inscrites dans le règlement disciplinaire type sont respectées, dans les faits, certaines d’entre elles sont neutralisées si fréquemment qu’elles sont, de fait, méconnues.

Tel est, en particulier, le cas de l’effet suspensif de l’appel et du principe selon lequel une sanction ne peut être aggravée en cas d’appel formé par l’intéressé (principes du bénéfice desquels Léonardo Araujo avait été privé).

Ces deux principes sont certes assortis d’exceptions : eu égard à des circonstances particulières, la commission de discipline peut décider, par décision motivée, que l’appel sera non suspensif ; la commission d’appel peut aggraver la sanction en cas d’appel incident.

Or, à ce jour, toutes les décisions disciplinaires sont assorties d’une exécution provisoire, par un motivation type et circonstanciée, privant de fait d’effet la règle du caractère suspensif de l’appel devant la commission supérieure d’appel de la FFF alors même que cette voie de recours interne est obligatoire avant de pouvoir saisir le juge auquel on n’accédera, en tout état de cause, qu’après avoir saisi le CNOSF : la contestation de la sanction disciplinaire devient ainsi un sport de combat dont on ne peut sortir victorieux qu’une fois que les coups ont porté.

De même, pour faire échec à l’interdiction d’aggravation de la sanction, la fédération française de football fait systématiquement un appel incident, sans égard au fait que la sanction de première instance soit jugée suffisante ou ne le soit pas.

Le rétablissement de l’effectivité de ces règles cardinales de la procédure disciplinaire s’impose.

Il s’impose d’autant plus que le règlement contentieux ne peut, dans bien des cas, intervenir suffisamment tôt, du fait, notamment de l’obligation d’épuiser les voies de recours internes et du délai d’instruction d’appel de six mois, à laquelle s’ajoute celle de saisir le CNOSF aux fins de conciliation.


Marc Sénac de Monsembernard, auteur du fascicule « Contentieux du sport » du Répertoire du contentieux administratif (Dalloz)


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