Actions sur le document

Respect du droit de propriété et pénalités contractuelles

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, 9/02/2015

La protection constitutionnelle du droit de propriété devrait être dûment prise en considération dans la gestion des pénalités contractuelles. Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2014-449 QPC du 6 février 2015, soc. Mutuelle des transports assurances (article L. 612-33 du code monétaire et financier), JORF n° 33 du 8 février 2015, p. 2326,
En général, sous réserve des déclinaisons contractuelles qui peuvent y être apportées - en particulier par les CCAG rendus applicables, lorsque le titulaire d’un marché encourt la sanction d’une pénalisation, l’acheteur public lui notifie, successivement, un décompte provisoire de pénalités sur lequel le titulaire peut faire valoir ses observations ; puis, un décompte définitif de pénalités qui lui est, alors, exécuté.

La pratique de certaines administrations, notamment de certaines agences d’acquisition du ministère de la défense, a longtemps été et demeure peut-être encore de ne pas attendre le stade du décompte définitif après les observations du titulaire. Selon cette pratique, dès la décision provisoire (ou décompte provisoire) de pénalités destinée à permettre au titulaire de faire valoir ses observations, l’acheteur public applique les pénalités immédiatement et concrètement. S’il est, par ailleurs, débiteur du même titulaire pour d’autres prestations du marché situées totalement en dehors du champ de la pénalisation, par exemple pour le versement d’acomptes et même s’il s’agit de lots de liquidation financière différente, l’acheteur public procède par compensation et précompte sur ce qu’il doit le montant des pénalités ayant simplement fait l’objet de sa décision provisoire.

Si cette pratique est régulièrement contestée par les opérateurs économiques, il ne semble pas qu’elle ait été directement sanctionnée au contentieux. Il faut, pourtant, en apprécier la légalité au regard de la décision du Conseil constitutionnel du 6 février 2015 n° 2014-449 QPC.

Était en cause la faculté ouverte à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, par le 8° du paragraphe I de l'article L. 612-33 du code monétaire et financier, d’adopter une mesure conservatoire ayant pour effet le transfert d’office d’un portefeuille de contrats d’assurance en cas de doute sur la solvabilité ou la liquidité d’une société d’assurance ou sur la garantie des intérêts des assurés. Ce dispositif vient d’être déclaré contraire à la Constitution en ce qu’il entraîne une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 sans respecter les exigences de garantie légale qui résultent de cet article.

Le Conseil constitutionnel rappelle que la propriété est au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et ajoute que les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux (considérant n° 6).

L’on fera valoir, certes, que cette décision intervient dans un domaine relevant d’un régime de police administrative tendant à garantir les droits des assurés et la stabilité du marché et qu’elle ne peut pas être transposée telle quelle en matière contractuelle. L’argument est loin d’être décisif. En effet, l’appréciation extensive du droit de propriété à laquelle invite le Conseil constitutionnel ne rend pas déraisonnable de considérer que la privation d’une partie du patrimoine du titulaire du marché dès le stade du décompte provisoire de pénalités porte atteinte à un droit de propriété. Et l’on ne se départira pas de l’idée que le mécanisme des pénalités contractuelles emprunte sa nature à celle d’une sanction, tout en soulignant que bien rares sont les cas dans lesquels l’acheteur public pourra démontrer que ce mécanisme est issu de la rencontre de consentements libres dans un univers purement contractuel.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...