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Les médicaments sans prescription médicale vendables par Internet

Actualités du droit - Gilles Devers, 16/02/2013

Le Conseil d’Etat a rendu le 14 février 2013 une ordonnance (n°365459)...

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Le Conseil d’Etat a rendu le 14 février 2013 une ordonnance (n°365459) qui va faire l’effet d’une révolution dans le monde des pharmacies : tous les médicaments sans prescription médicale sont vendables par Internet. L’impact va être considérable, mais auscultons d’abord cette ordonnance… et disons tout de suite que le problème est sérieux, mais que le Conseil d’Etat n’avait pas de marge…

Le Code communautaire du médicamentcalendrier-publicitaire-pharmacie.jpg

Le texte de base est la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 qui a institué un code communautaire du médicament. Le médicament est, avec les diplômes, l’un des rares domaines du droit de la santé qui soit très européen, et cela tient à sa nature : un produit, qui doit librement circuler, et qui doit trouver de gros marchés pour assurer la pérennité des entreprises. Le droit français doit donc s’inscrire dans ce code communautaire.

Ce code a été modifié par une directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, qui a apporté plusieurs évolutions notamment sur la vente des médicaments sur internet, et cette modification a été transposée par une ordonnance du 19 décembre 2012. Une ordonnance est un texte ayant valeur de loi mais signée par le gouvernement que le parlement a habilité pour se décharger du travail (Constitution, article 38).

Le référé

Un pharmacien d’officine à Caen qui a ouvert un site de vente de médicaments en ligne en novembre 2012, a demandé en référé la suspension des dispositions de cette ordonnance concernant ce sujet.

Il agissait en visant l’article L. 521-1 du code de justice administrative qui permet au juge des référés d’ordonner la suspension de l’exécution d’un acte administratif « lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer « un doute sérieux quant à la légalité ».xl_50328-affiche-publicitaire-farine-lactee-nestle.jpg

Petite précision, comme le sous-ministre Hamon pleurnichait hier sur cette décision du Conseil d’Etat… La transposition de la directive par les voies naturelles aurait conduit à statuer par la loi, et le Conseil d’Etat n’aurait pas pu être saisi… Mais bien sûr, s’il faut réfléchir avant de prendre des décisions…  

Ce qu’a jugé le Conseil d’Etat

Le code communautaire (Art. 70 à 72) classe les médicaments en deux catégories : médicaments soumis à prescription médicale et médicaments non soumis à prescription.

Au sein de cette seconde catégorie, le droit français distingue certains médicaments dits de médication officinale (Art. R. 5121-202 CSP), vendu par le pharmacien au comptoir, et des produits de santé, (Art. R. 4235-55 CSP) que le pharmacien d’officine peut présenter en accès direct au public. Or, l’ordonnance de transposition précisait que ne pouvait être vendus par Internet que cette seconde catégorie.

Or, l’interprétation de la directive est claire. Elle résulte de son considérant 24 et d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt C-322/01 du 11 décembre 2003), d’où il ressort que ne peuvent être exclus de la vente par Internet que « les médicaments soumis à prescription ». Ainsi, le gouvernement ne pouvait limiter la vente aux seuls « produits de santé », en accès direct. En pratique, la liste de références pouvant être vendus en ligne passe ainsi de 455 à près de 4000.

Alors, la suite ?antoine-galland-vins-de-france-sante-gaiete-esperance-n-2645545-0.jpg

L’ordonnance de référé est une décision provisoire de suspension. Mais la solution est très claire, et l’ordonnance sera annulée dans le cadre de la procédure au fond.

La vente des médicaments n’est pas possible de suite, sauf pour les officines qui s’étaient vite lancées sur cette pratique, car le gouvernement impose désormais l’adoption d’un code de bonne pratique, en cours de rédaction. Juste un peu de répit.

Le choix de la voie parlementaire aurait permis de gagner beaucoup de temps, car les recours sont bien moins efficaces. Mais le vrai problème est la directive, et s’il y a vraiment un risque de santé publique, alors c’est la directive qu’il faut modifier, ce qui est parfaitement possible avec un peu de volonté politique.

L’argument est très recevable, car la prestation du pharmacien n’est pas la vente mais la dispensation du médicament, c’est-à-dire un acte qui ajoute le conseil et l’attention thérapeutique.

Passer chez le pharmacien et embarquer une boîte de Doliprane, en moins de 30 secondes, ça arrive. Mais le pharmacien doit toujours être disponible pour conseiller, et il peut alerter le patient sur des signes cliniques qui imposent de consulter un médecin, ou sur des contre-indications, des incompatibilités, des effets secondaires…

Le pharmacien reste le seul professionnel de santé que l’on peut consulter à tout moment et sans rendez-vous. Il doit aussi toujours faire des efforts pour être à l’écoute. Mais faire croire qu’une commande par Internet est aussi simple que passer à la pharmacie ne convainc pas, loin de là. Même dispensé de prescription médicale, un médicament peut être très dangereux. Si une loi pour définir les bonnes pratiques est souhaitable, un petit recadrage du code communautaire ne serait pas mal venu.

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