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Rupture conventionnelle et congé de maternité : l’annonce d’un revirement de jurisprudence ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick Berjaud, Batcheva Verse, 25/02/2014

Par un arrêt du 6 novembre 2013, la Cour d’appel de Lyon s’est prononcée sur la possibilité de conclure une convention de rupture conventionnelle pendant un congé de maternité. (CA Lyon, 6 novembre 2013, n°11/08266)
La rupture conventionnelle prévue par les articles L.1237-11 du Code du travail permet, on le sait, à l’employeur et au salarié de rompre d’un commun accord le contrat de travail qui les lie.

Fruit de la volonté libre et éclairée des parties, la rupture conventionnelle et l’un des modes prévus par le Code du travail permettant de mettre fin au contrat de travail.
Il est en effet également possible de rompre un contrat en ayant recours au licenciement (L 1232-1 et L 1233-1 Code du travail) ou à la démission (Article L 1237-1 Code du travail).

Toutefois, alors que l’article L 1225-4 du Code du travail exclut la possibilité de licencier une salariée en état de grossesse, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la possibilité pour une telle employée d’avoir recours à une rupture conventionnelle.

C’est pourquoi, la direction générale du travail, dans une circulaire 2009-4 du 17 mars 2009, précise que « dans les cas où la rupture du contrat est rigoureusement encadré durant certaines périodes de suspension du contrat (par exemple en période de congé maternité en vertu de l’article L1226-9, ou pendant l’arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle en vertu de l’article L1226-9 etc.) la rupture conventionnelle ne peut être signée. »

Rejoignant la position de l’administration, les juges, de manière constante annulaient toute rupture conventionnelle intervenue pendant cette période de suspension du contrat de travail (CA Lyon 14 décembre 2012, n°12/01916 et CA Rennes 8 février 2013, n°11/05356).
Les juridictions estimaient en effet que la protection particulière accordée à une employée en état de grossesse, interdisant notamment à l’employeur de recourir au licenciement pendant cette période ainsi que pendant les quatre semaines suivant son expiration devait également trouver à s’appliquer en matière de rupture conventionnelle.

Toutefois, à contre-courant de cette jurisprudence bien établie, la Cour d’Appel de Lyon dans un arrêt du 6 novembre 2013 (n°11/08266), valide une convention de rupture conventionnelle conclue pendant un congé de maternité. Elle précise ainsi :

« Attendu que selon l’article L1225-4 du code du travail aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a le droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes,
Attendu que cette disposition relative au seul licenciement n’exclut pas l’application de celles précitées relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail ».


La Cour d’appel de Lyon répond ainsi au souhait de la doctrine, laquelle estimait que puisque une salariée en état de grossesse était libre de démissionner, elle devait, a fortiori, pouvoir avoir recours à la rupture conventionnelle homologuée, plus avantageuse pour elle qu’une démission. La rupture conventionnelle lui permet en effet, de bénéficier notamment d’allocations chômage. (La semaine Juridique Social, n°4, 25 Janvier 2011, 1022, « la rupture conventionnelle du contrat de travail suspendu » par Marc Patin)

En l’espèce, la Cour d’appel, rappelle que le critère essentiel est celui de l’existence d’un accord entre les parties puis étudie de manière circonstanciée la réalité du consentement des co-contractants.
La Cour d’appel relève ainsi que des entretiens avaient eu lieu à sept semaines d’intervalle ce qui laissait à chaque partie un moment important de réflexion ainsi que la possibilité de changer d’avis, puis précise que la salariée n’avait pas exercé son droit de rétractation. Dès lors, « la salariée avait consenti librement à la rupture du contrat de travail ce qui la rend exempte de nullité ».

La position de la Cour d’appel annonce-t-elle un revirement de jurisprudence ?

L’actualité jurisprudentielle en droit social ne permet pas l’énoncé d’un verdict certain.

En effet, la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt en date du 8 février 2013 avait jugé qu’une rupture conventionnelle ne pouvait intervenir au cours de la période de protection due à la maternité. Une divergence de jurisprudence demeure.

Cette décision prise en matière de suspension du contrat de travail lié à un état de grossesse est à rapprocher des arrêts relatifs à la rupture conventionnelle intervenant lors d’un congé maladie.
En effet, en matière de congé maladie, la jurisprudence était constante. Toutes les conventions de rupture conclues entre un employeur et un salarié en congé maladie étaient invalidées. (CA Orléans 1er octobre 2013, n°12/02133)
Toutefois, dans un arrêt du 14 février 2013, la Cour d’Appel de Lyon, après avoir précisé que le consentement des parties était bien réel, valide une convention de rupture conclue pendant une telle période de suspension. (CA Lyon 14 février 2013, n° 11/07843)

La Cour d’Appel de Lyon semble avoir adopté une position constante : en l’absence de textes, l’application stricte du code du travail doit prévaloir.
C’est pourquoi, la rupture conventionnelle peut être conclue aussi bien durant un congé de maternité qu’un congé maladie, dès lors que le consentement des parties n’est pas vicié.

Une question demeure donc : la position de la Cour d’Appel de Lyon restera-t-elle isolée ou annonce-t-elle bien au contraire un véritable revirement de jurisprudence ?


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