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La circoncision religieuse : droit des parents contre droit de l’enfant

Le blog Dalloz - bley, 27/09/2012

Lorsque l’on examine a priori la circoncision sans en connaître les fondements religieux ; que l’on perfectionne ses connaissances en visionnant une vidéo (voire plusieurs…) sur l’intervention proprement dite, notre conviction est rapidement faite. Comment un tel acte peut-il être infligé à plus de 30 % des hommes, dont les deux tiers sont musulmans (OMS, Male circumcision [...]

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Lorsque l’on examine a priori la circoncision sans en connaître les fondements religieux ; que l’on perfectionne ses connaissances en visionnant une vidéo (voire plusieurs…) sur l’intervention proprement dite, notre conviction est rapidement faite. Comment un tel acte peut-il être infligé à plus de 30 % des hommes, dont les deux tiers sont musulmans (OMS, Male circumcision : global trends and determinants of prevalence, safety and acceptability, 2007) ? Cette interrogation a trouvé un semblant de réponse en Allemagne et, plus précisément, à Cologne. En 2010, un médecin généraliste allemand a circoncis un garçon turc de quatre ans, à la demande de ses parents musulmans. En post-opératoire, l’enfant, qui a fait une hémorragie, a dû être admis aux urgences pédiatriques de l’hôpital universitaire de Cologne. Le parquet engagea des poursuites contre le médecin pour atteinte à l’intégrité physique au moyen d’un scalpel (C. pén. Allemand, art. 223, al. 1er, et art. 224, al. 1er n° 2). Le tribunal de première instance de Cologne (21 sept. 2011, n° 528, Ds 30/11) a relaxé le médecin aux motifs que l’intervention avait été réalisée dans les règles de l’art et que l’attente à l’intégrité physique était due à l’autorisation effective des parents (C. civ. allemand, art. § 1627, exercice de l’autorité parentale). Le procureur ayant interjeté appel, par décision du 7 mai 2012 (n° 151, Ns 169/11), le tribunal de grande instance de Cologne a confirmé le jugement et a considéré qu’en l’espèce, la question de la légalité de la circoncision sur la base du consentement des parents n’étant pas définie par le droit allemand, le médecin ne peut être tenu pour responsable. Il précise que le droit des parents à l’éducation religieuse des enfants prime sur le droit de l’enfant à l’intégrité physique. En conséquence, le consentement à la circoncision est en contradiction avec le bien-être de l’enfant. Enfin, le tribunal constate que la circoncision a durablement et irrémédiablement changé le corps de l’enfant et considère que cela affecte sa faculté de décider ultérieurement de son appartenance religieuse.

Exit donc le droit des parents à leur liberté religieuse, le droit de l’enfant à son intégrité est sauf. Sauf que chez les musulmans, la circoncision est fortement recommandée à titre de coutume, mentionnée dans plusieurs hadiths (recueils des actes et paroles de Mahomet) et chez les juifs, elle est obligatoire (Genèse 17.9-14 : « À l’âge de huit jours, tout mâle parmi vous sera circoncis, selon vos générations [...] Un mâle incirconcis, qui n’aura pas été circoncis dans sa chair, sera exterminé du milieu de son peuple : il aura violé mon alliance ». Lévitique 12.3 : « Le huitième jour, l’enfant sera circoncis »). Par ailleurs, elle est fortement recommandée par l’OMS (Organisation mondial de la santé) et l’ONUSIDA (Organisation des nations unies Sida) dans les pays d’Afrique subsaharienne, comme un moyen de réduire le risque de transmission du VIH (virus de l’immunodéficience humaine) jusqu’à 60 % et mise en pratique à grande échelle dans ces pays : programme international à l’appui.

Si les tribunaux allemands ne sont pas liés par le jugement de Cologne, ce jugement a le mérite de poser les bonnes questions : comment concilier liberté religieuse, droit à l’éducation des enfants et l’intégrité physique de ces derniers ? Comment faire si la circoncision était interdite ?

En France, la circoncision est actuellement tolérée comme une« pratique religieuse admise » (CE, Un siècle de laïcité – Rapport public 2004, p. 331) sans pour autant faire l’objet d’une réglementation légale (sauf en Alsace-Moselle). Interdire la circoncision religieuse au motif qu’il y a atteinte à l’intégrité corporelle de l’enfant, au même titre que l’excision, semble impossible pour les enfants nés de mères juives, la transmission de la judéité étant matrilinéaire. Si l’on décidait d’interdire toutes atteintes corporelles à visée non thérapeutique chez les enfants, on remettrait en cause les oreilles percées de certains bébés, les piercings et tatouages des adolescents, l’otoplastie, etc. Interdire la circoncision, elle sera effectuée dans la clandestinité et dans des conditions d’hygiène qui pourraient, justement, conduire aux urgences pédiatriques.

Face au jugement de Cologne, le Bundestag a adopté le jeudi 19 juillet 2012 une résolution demandant au gouvernement de déposer un projet de loi autorisant les circoncisions pour motif religieux, tout en protégeant l’intégrité physique des enfants, la liberté de religion et le droit des parents à l’éducation. Une telle conciliation risque d’être difficile à mettre en œuvre, voire impossible. Affaire à suivre en Allemagne et à définitivement encadrer en France…

Peggy Grivel
Juriste spécialisée en droit de la santé


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