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France : deux décrets sur les fichiers de renseignements critiqués par l'opposition

- wikinews:fr, 12/01/2012

Sommaire

18 octobre 2009. – Le Journal officiel vient de publier ce matin, deux décrets sur les fichiers de renseignement en matière de sécurité publique et aux enquêtes administratives y afférentes. Ces textes remplacent celui qui avait institué le fichier EDVIGE et provoqué une polémique aboutissant à son retrait.

La CNIL[1] a émis un avis favorable sur chacun des deux décrets. Elle a pris acte des textes prenant en compte ses observations lors de l'élaboration du précédent texte instituant feu le fichier EDVIGE. Toutefois, la Commission écrit, en préliminaire : « À titre liminaire, la commission estime qu'elle doit être tenue informée des conditions dans lesquelles sera opérée la répartition des données entre les différents fichiers qui se substitueront aux fichiers anciennement détenus par les services des renseignements généraux. Enfin, elle regrette de n'avoir toujours pas été rendue destinataire du décret portant création du traitement dénommé « CRISTINA », entré en vigueur le 27 juin 2008, et sur lequel elle s'est pourtant prononcée le 16 juin 2008. »

Les mesures prises par ces décrets

Les deux textes ont été signé le vendredi 16 octobre 2009, le jour de la Sainte… Edwige.

Le premier décret crée un fichier de renseignements en cas d'atteinte à la sécurité publique. Ce texte « a notamment pour finalité de recueillir, de conserver et d'analyser les informations qui concernent les personnes susceptibles d'être impliquées dans des actions de violence collectives, en particulier en milieu urbain ou à l'occasion de manifestations sportives ». La durée de conservation ne peut excéder dix ans à compter du dernier événement « de nature à faire apparaître un risque d'atteinte à la sécurité publique ayant donné lieu à un enregistrement ». Aucune interconnexion avec d'autres bases de donnée n'est autorisée.

La fiche devra comporter les indications suivantes :

  1. Motif de l'enregistrement ;
  2. Informations ayant trait à l'état civil, à la nationalité et à la profession, adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
  3. Signes physiques particuliers et objectifs, photographies ;
  4. Titres d'identité ;
  5. Immatriculation des véhicules ;
  6. Informations patrimoniales ;
  7. Activités publiques, comportement et déplacements ;
  8. Agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale ;
  9. Personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec l'intéressé.

Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie, précise le texte. Les mineurs de plus de treize ans pourront être également fichés avec une conservation des données ramenée à trois ans.

Réservée aux forces de police, (voir le décret pour plus de détails), « les consultations du traitement automatisé font l'objet d'un enregistrement comprenant l'identifiant du consultant, la date, l'heure et l'objet de la consultation ».

Le deuxième décret concerne les enquêtes administratives liées à la sécurité publique. Il collecte les informations suivantes :

  1. Le motif de l'enquête ;
  2. Les informations ayant trait à l'état civil, à la nationalité et à la profession, adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
  3. Les photographies ;
  4. Les titres d'identité.

Est également conservé le rapport de l'enquête administrative, contenant les éléments permettant de déterminer si le comportement de la personne concernée n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées, compte tenu de leur nature, précise le décret. Les données sont conservées pendant 5 ans et concernent aussi les mineurs de plus de seize ans. Aucune interconnexion n'est permise avec les autres fichiers.

En revanche, les fichiers ne collecteront ni ne traiteront « des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci »[2].

Une polémique qui prend de l'ampleur

Ces textes n'ont pas échappé à Mme Delphine Batho, députée socialiste. Dans un communiqué elle dénonce un passage en force du Gouvernement et une volonté d'y écraser le Parlement. « Alors qu'un consensus s'était créé sur la nécessité de légiférer sur les fichiers de police, alors que la commission des Lois de l'Assemblée nationale avait adopté à l'unanimité un rapport parlementaire, puis une proposition de loi sur les fichiers de police, le ministère de l'Intérieur vient de décider, dans le dos du Parlement, de créer les remplaçants d'Edvige par simple décret » confie-t-elle aux journalistes.

« La méthode choisie est une fois de plus celle d'un pouvoir qui veut passer en force sur tout, tout le temps, qui refuse le débat démocratique, écrase le Parlement et sa propre majorité (…) Cette méthode est la même que celle qui avait été choisie pour Edvige avant qu'une mobilisation citoyenne obtienne son retrait » a-t-elle ajouté en substance.

Par la suite, la polémique prend de l'ampleur entre partisans et défenseur de ces textes réglementaires. Jean-Pierre Chevènement estime que ces « Fichiers, c'est évidemment une chose tout à fait essentielle parce qu'il y a beaucoup de récidivistes ». Selon lui, l'origine démographique de ces personnes ne constitue pas « une stigmatisation, ça fait partie des indications dont la police a besoin ».

Noël Mamère, tout comme son homologue socialiste, Delphine Batho, dénonce des mesures prise dans le dos du Parlement : « Comme s'il s'agissait de profiter du sommeil et du repos des gens pour balancer deux fichiers. On n'a pas le droit de lancer des fichiers qui s'attaquent à la vie des gens sans consulter le Parlement, or là c'est un décret qui est prononcé dans le dos du Parlement, donc c'est un passage en force y compris sur la propre majorité du pouvoir. »

Notes
  1. Commission Nationale Informatique et Libertés.
  2. Interdiction prévue par l'article 8-I la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés

Voir aussi

Sources


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