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Baby Loup : Respecter le service public, respecter la liberté de religion

Actualités du droit - Gilles Devers, 20/03/2013

Dans l’affaire Baby Loup, la Chambre Super-sociale de la Cour de...

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Dans l’affaire Baby Loup, la Chambre Super-sociale de la Cour de cassation revient aux bases, et ça fait du bien là où ça faisait mal. Cet arrêt est ressenti comme un tremblement de terre laïcarde... En réalité, c’est un rappel des fondamentaux, qui joue comme un break dans un épisode délirant. Je rappelle que la HALDE, puisant dans les antériorités, avait déjà retenu cette solution, avant que Sarko ne parachute la soldate Bougrab Jeannette à la présidence… pour reprendre le dossier et faire adopter une résoultio inverse… avec les cantiques du chœur des allumés : Badinter Madame (Philosophe publicitaire, fin du XX°), Ni Putes Ni Soumises, et Valls l’ami des Blancos...

Hier, les allumés de l’intérieur étaient tellement pressés de pleurnicher – comme Le Nouvel Observateur (de mes vieilles peurs) qui parle de coup de poignard à la laïcité… – qu’ils n’ont même pris le temps de lire ce qui a été jugé. Prenons ce temps.

La Cour de cassation n’a pas rendu un arrêt, mais deux, qui se complètent.

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CPAM de Saint-Denis (Arrêt 537 du 19 mars 2013, n° 12-11.690)

La première affaire concerne la CPAM de la Seine Saint-Denis qui avait licencié une salariée travaillant comme « technicienne de prestations maladie » parce qu’elle portait le foulard. Cas intéressant, car les caisses sont des organismes privés gérant un service public : but d’intérêt général et mission exercée au nom de l’Etat, avec pour conséquences l’ouverture des mêmes droits à tous, et la permanence du service.

La Cour de cassation, et c’est une première, juge que les principes de neutralité et de laïcité du service public, tels que définis par le Conseil d’Etat, sont alors applicables.

Les dispositions du code du travail ne disparaissent pas. Mais les salariés des caisses sont soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait « qu’ils participent à une mission de service public ». Parmi ces contraintes, l’interdiction posée par le Conseil d’Etat de manifester ses croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires.

La salariée portait le foulard, et son licenciement de la salariée est déclaré fondé.

Ici, cinq remarques.

1/ De nombreuses structures privées se voient confier des missions de service public, dont notamment bien des établissements de santé. On retrouve alors pour le personnel un statut privé, marqué par la mission de service public. Cette dualité est toujours complexe.

2/ La Cour de cassation ne se prononce pas sur le principe de neutralité strict. Elle le considère comme fait acquis, car relevant de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Ce n'est pas illogique.

3/ Le Conseil d’Etat a, je crois, une vision trop rigide interdisant tout extériorisation des signes religieux. Cela n’a pas toujours été son analyse, et ce n’est pas celle de la CEDH, reconnaissant dans l’affaire Dahlab que l’interdiction devait s’apprécier au regard de la mission confiée (en l’occurrence une institutrice auprès de jeunes enfants).  

4/ En prenant pour critère la fonction et non pas le caractère public de l’organisme, la Cour de cassation pousse dans le sens de la CEDH. Elle n’encourage pas à une interdiction de principe, mais à des limites liées à la mission exercée. La juridiction administrative aura à se prononcer sur le statut des allocataires de recherche. Donc, des étudiantes qui doivent se consacrer à leur thèse, sans activé d’enseignement et à qui on prohibe le port du voile car elles sont de statut public. Cet absolutisme n'a pas de sens et ne pourra pas toujours tenir.

5/ Tôt ou tard, viendra une refondation, car le critère organique du Conseil d’Etat est faible. Des collectivités publiques exercent des missions parfois éloignées du pré-carré du service public, et des structures de droit privé sont de plus en plus impliquées aux côtés du service public. Regardez l’aberration : le directeur d’un théâtre public peut programmer un spectacle très critique sur la religion, mais s’il vient avec une médaille de baptême au cou, il est viré.  

 

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Baby Loup (Arrêt 536 du 19 mars 2013, n° 11-28.845)

Tout part de la notion de service public. Il s’agit d’une crèche privée qui, en dépit de sa mission d’intérêt général, ne peut être considérée comme gérant un service public. Dans un village, la boulangerie remplit une mission d’intérêt général, mais elle ne devient pas un service public !

Or, rappelle la Cour de cassation, le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. A part la chorale délirante des extrémistes laïcards – qui refusent de s’intégrer – personne ne l’a jamais soutenu, et il n’existe pas le moindre argument de droit en ce sens.

La Cour de cassation poursuit : « Le principe de laïcité ne peut dès lors être invoqué pour priver ces salariés de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail ».

Alors, certes, on ne fait pas tout chez un employeur privé, qui peut fixer des limites à l’exercice des libertés individuelles. Mais il doit le faire en respectant les classiques, à savoir les articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du code du travail intégrant les dispositions de la directive de l’Union européenne du 27 novembre 2000 prohibant les discriminations fondées notamment sur les convictions religieuses.

Et voici le principe : « Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ». Une belle intramusculaire jurisprudentielle pour notre ami Valls...

Tel n’était pas le cas de la clause générale de laïcité et de neutralité figurant dans le règlement intérieur de l’association Baby Loup, applicable à tous les emplois de l’entreprise. Une telle clause étant invalide, le licenciement pour faute grave aux motifs que la salariée contrevenait aux dispositions de cette clause du règlement intérieur constitue une discrimination en raison des convictions religieuses et doit être déclaré nul.

« Discrimination en raison des convictions religieuses… » Pas forts, les charlottes et les charlots… Les mêmes qui donnent tant de leçons aux dirigeants arabes de Tunisie et d'ailleurs...

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Et la suite ?

La Cour d’appel de Paris

L’affaire sera jugée par la Cour d’appel de Paris, qui  n’a plus beaucoup de marge. La lettre de licenciement vise le règlement intérieur, qualifié d’invalide. A ce stade, on ne peut plus substituer de motif, alors l’affaire est carbonisée. Cette très courageuse salariée va percevoir des indemnités. Elle les a bien méritées.

Le Parlement

Pas de doute qu’il existe au Parlement une majorité pour voter une loi imbécile imposant la neutralité religieuse absolue dans les crèches privées. Les francs-maçons Radicaux de Gauche veulent faire voter une loi en ce sens pour les nounous… Eh bien qu’ils votent, vu qu’ils aiment bien abuser  de  leur pouvoir ! Ça sera l’affaire de quelques années, et on cassera la loi devant le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, la CEDH ou le Comité des droits de l’homme, le choix ne manque pas.

La vraie question

La vraie question est de savoir pourquoi la religion les fait-elle tant flipper ? Au point qu’ils deviennent irrationnels ?

Deux facteurs jouent.

La religion dominante était en France l’Eglise catholique, et le pouvoir républicain s’est historiquement affirmé contre celui de l’Eglise. C’est un fait, qui ne résume pas tout, mais qui est central. Au cours du XX° siècle, l’Eglise catholique a beaucoup perdu de terrain, et plus d’un a pu croire à une fin en pente douce. Il n’ay avait donc pas à résoudre la question de la cohabitation. L’indifférence suffisait. Or, voilà un renouveau religieux, qui ravive cette absence de réflexion. Dans tous les pays du monde, pouvoir et religion se côtoient, trouvant toujours des équilibres évolutifs… C’est notre sort, comme pour les autres… et il faudra bien y arriver.

Le second point est lié au fait que ce renouveau religieux est d’abord venu de l’Islam, nous amenant à revoir une histoire que tant souhaitaient voir enfouie. Cette histoire, c’est celle de la France « puissance musulmane », comme la glorifiait les discours prononcés lors de l’inauguration de la Grande Mosquée de Paris en 1926, alors que siégeaient à l’Assemblée nationale nombre de députés musulmans. L’Islam n’est pas de 2° ou 3° génération. Il est de dix générations, depuis le cœur du XIX°.

La question n’est pas une pièce de tissu qu’on ne veut pas voir, mais une histoire qu’on veut renier. Or, la France ne serait pas la France sans l’Islam. Mettez-vous bien çà dans le crâne, et préparez demain les yeux ouverts, au lieu de vous voiler la face. 

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