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Droit du travail : A quoi sert le Parlement ?

Actualités du droit - Gilles Devers, 10/11/2015

Démocrates convaincus, nous serions tous très fiers si notre pays...

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Démocrates convaincus, nous serions tous très fiers si notre pays connaissait une participation électorale de 90 % comme dans ce grand pays démocratique qu’est la Turquie. Il faut dire que là-bas, l’essentiel du pouvoir revient à l’Assemblée, alors qu’en France, c’est le pouvoir du chef, avec des parlementaires souvent à la ramasse. La manière dont nos élus sont exclus de la réforme du Code du travail est de ce point de vue tristement remarquable.41SnXgB+MSL._SX330_BO1,204,203,200_.jpg

Comme on nous bassine à longueur d’année que la République est « laïque » selon l’article 1 de la Constitution, je rappelle qu’au titre du même article, elle est également « sociale ». Aussi, quand le pays songe à réécrire le Code du travail, on peut imaginer que cela va être une tâche majeure pour le Parlement, et pour le gouvernement qui en dépend… vu qu’on touche au « sacré social ». Tu parles…

Notre si compétente ministre

Pour ce qui est du gouvernement, nous avons tous pu apprécier les immenses compétences de la ministre, un vrai morceau de bravoure.

Il faut dire que sa nomination était purement casting : femme, jeune, zarabe et incompétente, c’était parfait car le but du jeu était de faire une jolie photo, et de laisser le pouvoir à Macron. Après le départ de Rebsamen, Macron voulait la compétence sur l’économie et le social. Excellente idée pour Hollande, mais impossible d’agir franco : on a donc collé une tanche au social, et Macron a eu ce qu’il voulait. Grande victoire pour la Gauche « sociale-libérale » qui a détruit le ministère du Travail. Une pensée pour Ambroise Croizat, Daniel Meyer, Jean Auroux, Philippe Seguin et Martine Aubry…

Le législateur satellisé

On ne s’arrête pas là : Hollande et Valls attaquent la fonction même du législateur. Car, pour écrire le code du travail, ils ont dégagé le parlement et l’ont remplacé par six personnes : quatre juges, un prof et le père Badinter, l’un des plus à Droite de la smala. On les appelle « la commission des Sages », ce qui nous montre bien que les parlementaires sont nuls et discrédités, je n’invente rien. Voici l’extrait sur la méthode :

« Une mission des Sages sera constituée dès novembre pour définir des principes fondamentaux du droit du travail. Elle sera composée de deux Conseillers d’État, de deux magistrats de la Cour de cassation et de deux universitaires spécialistes du droit du travail. Elle proposera au gouvernement d’ici janvier 2016 les principes fondamentaux qui seront intégrés au projet de loi pour guider les travaux de réécriture du code. Cette réécriture aura lieu en deux ans et sera confiée à la mission élargie à des personnalités qualifiées (juristes, universitaires, praticiens des relations sociales). Le mandat lui sera donné par la loi ; elle rendra des comptes réguliers aux partenaires sociaux et au législateur ».157.a3021139.png

Les principes seront donc posés par cette commission des Sages, et ensuite viendra un « mandat » donné par la loi à une mission élargie, qui « rendra compte » de son travail aux parlementaires,... dont il se confirme bien qu’ils sont exclus de la rédaction.

Question : pourquoi voter pour les législatives si les parlementaires ne font plus la loi, et une loi aussi importante que le code du travail ?

L’affaire s’aggrave quand on connaît la source d’inspiration de ce plan, à savoir le livre Le Travail et la Loi, un ouvrage considérable de 80 pages publié ce mois de juin, pendant le vote de la loi Macron, comme le hasard fait bien les choses, rédigé par Badinter et le prof Lyon-Caen.

Badinter comme spécialiste du droit du travail, ça fait bien rire, mais par compte défenseur du Medef, c’est déjà plus crédible. D’ailleurs ce petit livre a fait l’enthousiasme de Gattaz…

L’axe de base de ce travail monumental est que le lien entre le chômage de masse et le droit du travail : « Parmi les éléments négatifs qui contribuent à cet échec collectif, il en est un fréquemment dénoncé : la complexité du droit du travail ». Aucune étude n’a étayé l’hypothèse d’un lien entre le chômage de masse et la rédaction du Code du travail, mais peu importe. Il y a embauche si les commandes sont là et que l’entreprise peut dégager des marges.

Le faux argument de la complexité

La complexité du droit du travail est vraiment le faux argument. D’abord il existe des juristes au niveau dans les entreprises ou chez les avocats, à l’aise avec le droit du travail, et argumenter sur les 3000 pages du code, c’est du niveau bistrot. D’abord, ce chiffre est dans la moyenne de tous les codes. Ensuite, c’est totalement idiot de soutenir que tout chef d’entreprise passe son temps à batailler au milieu de ces 3000 pages. Il y en a tout au plus une cinquantaine qui l’intéressent, et les points les plus litigieux résultent de règles simples. La difficulté, c’est la preuve, et l’insaisissable, c’est le rôle du juge.

Par exemple, l’essentiel du contentieux prud’homal est celui du licenciement pour motif personnel, qui est régi par le très ancien article L. 1232-1 d’une complexité remarquable comme vous pouvez vous en apercevoir :

« Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse ».9782081248793.jpg

Une décision motivée laissant paraître une cause réelle et sérieuse : c’est tout ce qu’il y a dans la loi, tout le reste relève de la jurisprudence. Alors on simplifie quoi, les p’tits gars ?

Des propositions irréalistes et dangereuses

Pour faire « de Gauche », la vedette morale du Medef propose des « principes fondamentaux », qui ne font pas avancer l’affaire d’un centimètre… En effet, la France a ratifié de longue date les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui ont une force supérieure à la loi, et exposent ces principes avec beaucoup de pragmatisme.

Pour le reste, les propositions de Badinter-Medef, c’est pas triste.

Dans ce droit simplifié, on trouve quelques perles du genre l’article 21 : « Le salarié bénéficie de congés qui lui permettent de concilier sa vie au travail avec sa vie personnelle, familiale et civique ». Wahou, là on a progressé…

Pas mal aussi, l’article 47 : « Toute mesure prise à l'égard d'un salarié pour avoir saisi la justice d'un différend est nulle », qui est du pur toc, car en droit, il existe deux régimes de nullité très différents, et si la loi ne distingue pas, elle ne veut rien dire.

Très drôle, l’article 9 expliquant que le CDI « est la forme normale de la relation de travail » mais que le CDD « permet de répondre aux besoins temporaires de l’entreprise ». Une avancée majeure.

Super article 12 : « Le salarié a droit, lors de son embauche, à une information complète et écrite sur les éléments essentiels de la relation de travail ». On va bien rire pour déterminer ce qu’est un élément essentiel de la relation de travail ?

Au passage, l’égérie du Medef dégage la durée légale du travail à l’article 38, pour retenir une notion de « durée normale du travail effectif », qui est « établie par les conventions et accords collectifs et à défaut, par la loi ».

J’aime beaucoup aussi l’article 41, qui explique que la rémunération ne peut pas seulement être proportionnée à « l’ampleur » et à la « qualité » du travail. Tout est dans le « pas seulement »… On va donc garder une base objective, mais en tant que patron, je pourrai ajuster la paye des secrétaires en fonction de critères subjectifs, le premier étant « l’ampleur » du travail, ce qui ne veut rien dire, et le second la « qualité », dont je suis le seul juge.

Ça va être idéal pour la bonne ambiance au bureau…

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