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Catégorie professionnelle : Indices d’appartenance et impact de l’invalidation sur l’homologation du PSE

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick Berjaud, Cindy Boulenger, 23/01/2018

La Cour administrative d’appel de Versailles a redéfini, dans un arrêt du 12 décembre 2017, les indices permettant de définir les catégories professionnelles pour lesquelles certains emplois sont visés par des licenciements économiques dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi soumis à homologation par la Direccte, et l’impact de l’invalidation de la définition d’une ou plusieurs catégories professionnelles sur cette homologation.
En cas de licenciement économique de plus de 10 personnes sur une période de moins de 30 jours dans une entreprise de plus de 50 salariés, l’employeur est soumis à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), par accord majoritaire ou par document unilatéral, qui font l’un et l’autre l’objet d’une homologation par la Direccte.

L’employeur doit alors établir un ordre des licenciements envisagés par catégorie professionnelle visée par le projet de licenciement, en se fondant sur plusieurs critères qui sont fixés par l’article L 1233-5 du code du travail, au nombre de quatre :

1 - les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2 - l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3 -
la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4 - les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Le périmètre des catégories professionnelles retenu dans le cadre d’un PSE élaboré dans le cadre d’un document unilatéral fait l’objet d’un contrôle particulièrement strict par la Direccte lors de sa demande d’homologation ; l’accord majoritaire quant à lui ne subit qu’un contrôle restreint au cours duquel la définition des catégories professionnelle n’est pas appréciée.

La catégorie professionnelle est, depuis plusieurs années, définie par la jurisprudence judiciaire (notamment Cass. soc 13 février 1997, n° 95-16648, Cass. soc., 18 mai 2011 n°10-13.618) et administrative (CE, 30 mai 2016, n° 387798, arrêt « FNAC ») comme un ensemble de salariés exerçant une activité de même nature supposant une formation commune ou une formation d’adaptation de quelques mois seulement, n’excédant pas les obligations de l’employeur.

Autrement dit, il doit être question d’une certaine permutabilité entre salariés d’une même catégorie professionnelle, ce que doit pouvoir démontrer l’employeur. C’est un principe qui s’est précisé avec l’arrêt dit « FNAC » du Conseil d’État du 30 mai 2016, annulant la décision de la Cour administrative d’appel qui avait reconnu deux catégories professionnelles distinctes mentionnées dans le document unilatéral relatif au PSE établi par l’employeur, en l’occurrence « vendeurs de livres » et « vendeurs de disques », alors que les salariés de l’une et l’autre de ces deux catégories étaient totalement interchangeables sur chacune des activités, eu égard à leur formation de base et leur formation complémentaire.

Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 12 décembre 2017 donne l’occasion de réaffirmer ce principe, mais également de préciser la portée de l’invalidation d’une ou plusieurs catégories professionnelles sur l’intégralité du PSE.

En l’espèce, une société commissionnaire spécialisée dans le transport de marchandises par voie aérienne et maritime, en proie à des difficultés économiques, a été contrainte de procéder à des licenciements économiques, dans le cadre d’un PSE ayant fait l’objet d’un document unilatéral.

Afin de définir l’ordre de licenciements envisagés, elle a notamment distingué deux catégories professionnelles : « agents de transit maritime » et « agents de transit aérien », faisant notamment valoir que les personnels relevant de ces deux catégories n’exerceraient pas des activités de même nature, appréciation étayée d’après la société par une formation initiale différente et une connaissance de normes spécifiques à l’un et l’autre des domaines.

La décision d’homologation du PSE en l’état a d’abord fait l’objet d’une annulation devant le tribunal administratif de Montreuil le 19 juillet 2017.

La société a interjeté appel de cette décision, à titre principal sur l’irrégularité de la définition de la catégorie professionnelle retenue par les juges du fond et à titre subsidiaire, en demandant à limiter les effets de l’annulation de l’homologation uniquement aux catégories professionnelles invalidées par la décision attaquée.

La Cour administrative d’appel de Versailles a néanmoins, par arrêt prononcé le 12 décembre 2017, confirmé la décision de première instance, au motif que rien ne permettant de distinguer concrètement les fonctions des agents maritimes et aériens, ni leur formation initiale, complémentaire ou leurs connaissances spécifiques, ni leur fiche de poste, ils étaient donc polyvalents et permutables. Les distinctions entre catégories professionnelles définies par la société Necotrans étaient dès lors invalidées, impliquant l’annulation totale par la Cour administrative d’appel de la décision d’homologation du PSE.

Un arrêt intéressant à deux titres :
- non seulement il rappelle que le principe de permutabilité des salariés, qui décide de l’appartenance ou non à une catégorie professionnelle doit être solidement démontré par l’employeur, lequel doit prouver qu’ils partagent bien un socle commun de formation de base ou complémentaire n’excédant pas les obligations de l’employeur (en matière de formation), et leur permettant d’être interchangeables sur leurs postes respectifs.

- A contrario, si les éléments avancés par l’employeur ne sont pas suffisants pour légitimer l’existence de certaines catégories professionnelles distinctes, celles-ci sont dès lors invalidées, ce qui ne peut qu’entraîner l’annulation totale de la décision d’homologation du document unilatéral établissant le PSE.

La Cour administrative d’appel s’affranchit ici de la possibilité d’autoriser l’exécution d’un PSE uniquement aux catégories professionnelles reconnues valides, ce qui aurait probablement eu pour conséquence de laisser trop d’incertitudes sur la procédure à initier à la suite d’une telle décision, notamment quant aux modalités d’application d’un PSE partiel, de refonte du PSE ou encore de l’application des critères d’ordre des licenciements lesquels, en tout état de cause, s’apprécient par catégorie professionnelle.

En annulant totalement la décision d’homologation du document unilatéral relatif au PSE – bien que l’illégalité ne porte que sur la distinction entre deux catégories professionnelles, la Cour donne ainsi une pleine portée à sa décision et sécurise un peu plus encore le contentieux des catégories professionnelles.


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