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Cour de cassation - 07-83.829

- wikisource:fr, 23/10/2007



Chambre criminelle - X… Adrianus et Y… Cornelius - Arrêt n° 5141


Pourvoi n° 07-83.829



Sommaire

Visas

Demandeur(s) à la cassation : M. Adrianus X…, M. Cornelius Y…

Statuant sur les pourvois formés par :

  • X… Adrianus,
  • Y… Cornelius,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Limoges date du 10 mai 2007, qui, dans l’information suivie contre eux pour recel de vols aggravés, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction ayant rejeté leur déclinatoire de compétence et a dit que le moyen tiré de l’autorité de chose jugée serait examiné dans le cadre de l’ordonnance de règlement ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 22 juin 2007, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Motifs

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1, 111-3 et 113-2 du code pénal2 du code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a rejeté l’exception d’incompétence du juge d’instruction français et a ordonné qu’il lui soit fait retour du dossier ;

« aux motifs propres qu’une infraction est réputée commise sur le territoire de la République, ce qui rend applicable la loi pénale française dès lors que l’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire (article 113-2 du code pénal) ; que le délit de recel ne peut être constitué que si la chose détenue provient d’une action qualifiée de crime ou délit par la loi ; qu’aux termes du réquisitoire introductif qu’il a pris le 22 juillet 1999, le procureur de la République a saisi le juge d’instruction de Limoges pour qu’il informe sur des faits qu’il qualifiait de recels aggravés de vols, en fournissant toutes précisions nécessaires à l’identification de ces vols (dates et lieux) ; que l’existence de ces vols est absolument nécessaire à la perpétration des délits de recels, objet de l’information, au point d’en être l’un des faits constitutifs, au sens de l’article 113-2 du code pénal ; que la totalité de ces vols, dont proviennent les œuvres d’art recelées, ont été commis sur le territoire français ; que le juge d’instruction de Limoges est, en conséquence, compétent pour application de l’article 113-2 du code pénal, peu important que l’appréhension matérielle desdits objets ait eu lieu sur le territoire belge, hollandais ou sur un autre territoire étranger et par une personne de nationalité étrangère ;

« et aux motifs adoptés qu’en l’espèce, l’information a été ouverte par réquisitoire introductif du 27 juillet 1999 après la note de l’office central de lutte contre le trafic de biens culturels, ledit réquisitoire introductif visant des faits de recel de vols aggravés ; qu’il n’est pas contestable que ce réquisitoire n’a pas été précédé d’une plainte des victimes ou d’une dénonciation officielle de l’autorité du pays où le fait a été commis ; que, toutefois, conformément à l’article 321-1 du code pénal, l’infraction de recel n’est constituée que si les choses détenues proviennent d’une action qualifiée crime ou délit par la loi et dont l’existence est établie en tous ses éléments constitutifs ; qu’il n’est pas contesté que les vols visés au réquisitoire introductif ont été commis en France et que ces vols sont la condition préalable de l’infraction de recel, sans lesquels l’infraction ne peut être caractérisée ; qu’en outre, le recel est une infraction continue et que les biens volés ont pu, en l’espèce, être recelés à un certain moment sur le territoire français ; qu’en effet, il résulte d’une jurisprudence constante que la prise de possession en France d’objets en provenance frauduleuse, réalisée par l’intermédiaire de tiers agissant pour le compte d’un étranger résidant hors du territoire national, caractérise l’élément matériel constitutif du délit de recel justifiant la compétence de la juridiction répressive française ; qu’il résulte de ces cinq éléments que l’un des éléments constitutifs de l’infraction de recel visée dans le réquisitoire introductif du 27 juillet 1999 a été accompli en France et que, par conséquent, le juge d’instruction français est compétent en application de l’article 113-2 du code pénal2 du code pénal ;

« 1°) alors que l’infraction n’est réputée commise sur le territoire de la République, en vertu de l’article 113-2 du code pénal, que si l’un de ses éléments constitutifs a eu lieu sur ce territoire ; que l’infraction de recel est un délit autonome, distinct de l’infraction de vol, qui ne peut être assimilé à un fait d’assistance ou de coopération ; que, dès lors, en considérant, pour retenir la compétence du juge d’instruction français, que l’existence de vols commis en France était l’un des faits constitutifs de l’infraction de recel quand il ne s’agissait que d’infractions préalables, la cour d’appel a violé les textes susvisés par fausse application ;

« 2°) alors qu’une infraction doit être déterminée en tous ses éléments constitutifs ; qu’en considérant que les faits de vols étaient l’un des faits constitutifs de l’infraction de recel quand le crime ou le délit dont peut provenir la chose ou le produit recelé n’est pas limitativement énuméré par l’article 321-1 du code pénal, et comme tel soumis aux évolutions de la loi pénale, la cour d’appel, qui a assimilé à un élément constitutif de l’infraction de recel un élément indéterminé, a violé les textes susvisés ;

« 3°) alors que la juridiction française est compétente pour connaître des faits commis à l’étranger par un étranger dès lors que ces faits apparaissent comme formant un tout indivisible avec les infractions également imputées en France à cet étranger et dont elle est légalement saisie ; qu’en l’espèce où il ne résulte pas des constatations de l’arrêt que les faits de recel reprochés à Cornelius Y… et Adrianus X… se seraient déroulés en France, ni que ces derniers seraient poursuivis en France pour des faits indivisiblement liés à ces faits de recel, la chambre de l’instruction ne pouvait retenir la compétence du juge d’instruction français sans violer les textes susvisés » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite de la découverte, à Louvain, au domicile de Cornelius Y…, d’œuvres d’art provenant de vols commis en France dans des églises, entre 1960 et 1978, à Chatelaudren (Côtes d’Armor), Winnezeele (Nord), Saint-Morel (Ardennes) et Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), le procureur de la République de Limoges a requis l’ouverture d’une information contre Cornelius Y… et tous autres des chefs de recels aggravés de vols ; que, mis en examen de ces chefs, Cornelius Y…, de nationalité belge, et Adrianus X…, de nationalité néerlandaise, ont décliné la compétence des juridictions françaises ;

Attendu que, pour retenir la compétence des tribunaux français sur le fondement de l’article 113-2 du code pénal, l’arrêt énonce que le délit de recel ne peut être constitué que si la chose détenue provient d’un acte qualifié crime ou délit par la loi ; que les juges ajoutent que les vols dont proviennent les œuvres d’art recélées ont tous été commis sur le territoire national ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

Qu’en effet, selon l’article 113-2 du code pénal, il suffit, pour que l’infraction soit réputée commise sur le territoire de la République, qu’un de ses faits constitutifs ait eu lieu sur ce territoire ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-9 du code pénal9 du code pénal, 692, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale

« en ce que l’arrêt attaqué a dit que le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée sera examiné dans le cadre de l’ordonnance de règlement du dossier et a ordonné le retour du dossier au juge d’instruction saisi ;

« aux motifs que Cornelius Y… invoque également l’autorité de chose jugée qui serait attachée à l’arrêt rendu sur les mêmes faits par la 23e chambre du tribunal de première instance de Louvain le 28 novembre 2003 et qui interdirait de le poursuivre en France, par application des dispositions de l’article 113-9 du code pénal ; que le moyen de défense tiré de l’autorité de la chose jugée ne peut donner lieu, à le supposer bien fondé, qu’à une ordonnance de non-lieu qui n’est pas sollicitée en l’espèce et doit s’apprécier, à la fin de la procédure d’instruction, lors de l’analyse finale des charges pouvant être retenues à l’encontre d’un mis en examen ; qu’une telle appréciation doit être faite par le juge d’instruction lors du règlement du dossier, non dans le cadre d’un déclinatoire de compétence dont l’objet est distinct et unique ;

« alors que l’exception de chose jugée à l’étranger est de nature à faire obstacle à l’exercice de poursuites en France et, par conséquent, à remettre en cause la compétence de la juridiction française du chef d’infractions commises hors de son territoire ; que, dès lors, en considérant que l’autorité de chose jugée ne pouvait être évoquée dans le cadre d’un déclinatoire de compétence, la chambre de l’instruction a violé l’article 113-9 susvisé par refus d’application » ;

Attendu que l’exception de chose jugée prévue aux articles 113-9 du code pénal9 du code pénal et 692 du code de procédure pénale ne saurait faire obstacle à l’exercice des poursuites exercées sur le fondement de la compétence territoriale française ;

D’où il suit que le moyen est inopérant ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois ;


Président : M. Cotte
Rapporteur : Mme Ponroy, conseiller
Aocat général : M. Fréchède
Avocat : la SCP Nicolaÿ et de Lanouvelle


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