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Conseil d’État - 279302

- wikisource:fr, 16/12/2007


Conseil d’État
26 novembre 2007


7ème/2ème SSR - Éric A. - 279302


M. Didier Casas, commissaire du gouvernement



Sommaire

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 29 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour M. Eric A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’État :

  1. d’annuler l’arrêt du 30 novembre 2004 de la cour administrative d’appel de Nantes en tant qu’il a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 12 décembre 2001 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Brest à lui verser une somme de 214 661,24 euros correspondant à l’indemnisation du préjudice que lui ont occasionné les inondations de l’officine pharmaceutique qu’il exploite à Brest et d’autre part à la condamnation de la communauté à lui payer cette somme avec les intérêts au taux légal à compter de l’enregistrement de sa demande ;
  2. statuant au fond, d’annuler le jugement du 12 décembre 2001 du tribunal administratif de Rennes et de condamner la communauté urbaine de Brest à lui verser la somme de 214 661,24 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’enregistrement de sa requête introductive d’instance et leur capitalisation à compter du 29 juillet 2005 ;
  3. de mettre à la charge de la communauté urbaine de Brest la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi du 28 pluviôse An VIII Vu le code de justice administrative ;

Motifs

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi

Considérant que par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Nantes a écarté la responsabilité de la communauté urbaine de Brest, à l’égard de M. A, pharmacien à Brest, en raison des dommages subis par son officine entre 1995 et 1997 du fait d’un dysfonctionnement du réseau d’évacuation des eaux pluviales à l’égard duquel il était tiers, au motif que ce réseau avait été confié, par la communauté urbaine propriétaire, à la Compagnie des eaux et de l’ozone dans le cadre d’un contrat d’affermage du service de l’eau et de l’assainissement ;

Considérant qu’en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l’ouvrage, comme c’est le cas en matière d’affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante ; que ce n’est qu’en cas de concession d’un ouvrage public c’est-à-dire d’une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l’existence ou au fonctionnement de cet ouvrage ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que la Compagnie des eaux et de l’ozone, ayant en sa qualité de fermier reçu délégation de la seule exploitation de l’ouvrage, sa responsabilité ne pouvait être recherchée qu’au titre de cette exploitation, la communauté urbaine de Brest demeurant responsable des dommages aux tiers imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement ; qu’ainsi, en écartant, la responsabilité de la communauté urbaine de Brest, propriétaire des installations du réseau d’évacuation des eaux pluviales, au seul motif que le fermier, en vertu du contrat d’affermage, était chargé de l’entretien de tous les ouvrages et canalisations nécessaires à l’exécution du service d’eau et d’assainissement qu’il avait le droit exclusif d’assurer, la cour a commis une erreur de droit ; que, dés lors, le requérant est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant d’une part à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 décembre 2001 rejetant ses conclusions tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Brest à indemniser les dommages dont il a été victime ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’État, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés en appel par M. A

Considérant que la communauté urbaine de Brest, propriétaire de l’ouvrage, a confié l’exploitation de son réseau d’eau et d’assainissement à la Compagnie des eaux et de l’ozone par un contrat d’affermage prenant effet à compter du 1er avril 1987 ; que l’officine pharmaceutique que M. A exploite quartier de Kérinou à Brest (Finistère) a été inondée à quatre reprises, le 17 janvier 1995, les 24 février et 10 août 1996 et le 7 août 1997 ; qu’il résulte de l’instruction et notamment, du rapport de l’expert désigné par ordonnance du 5 novembre 1997 du juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, que ces inondations répétées trouvent leur origine dans une insuffisance de dimensionnement du réseau public d’évacuation des eaux pluviales dont les conséquences ont été aggravées par un défaut d’entretien de celui-ci ;

Considérant qu’il est constant et non contesté que la victime, M. A, est tiers par rapport à l’ouvrage dont la communauté urbaine de Brest est propriétaire et que les dommages causés à l’officine de M. A sont en partie imputables à l’insuffisance de capacité du réseau d’eaux pluviales ; que, dans ces conditions et limites, ils engagent la responsabilité de la communauté urbaine de Brest ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande au motif que la responsabilité de la communauté urbaine de Brest n’était pas engagée ;

Sur la responsabilité

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert, que les inondations qui ont affecté l’officine de M. A ont pour origine d’une part l’insuffisance de capacité du réseau d’évacuation pluviale et d’autre part le défaut d’entretien du réseau par l’exploitant ; que les pluies qui sont à l’origine de ces inondations ne présentent pas un caractère imprévisible et exceptionnel de nature à exonérer la communauté urbaine de Brest de la responsabilité qu’elle encourt du fait des préjudices ainsi causés à M. A à raison de l’insuffisante capacité du réseau d’évacuation des eaux ; que la part de responsabilité de la communauté urbaine dans la survenance des dommages, eu égard aux circonstances de l’espèce, doit être fixée à 50% ;

Sur le préjudice

Considérant M. A n’établit pas l’existence d’un préjudice certain lié à la perte de valeur vénale de son officine de pharmacie ; qu’il n’apporte pas d’éléments permettant d’établir la réalité des préjudices allégués et relatifs au travail supplémentaire imposé aux employés de l’officine, à la perte de clientèle pendant les inondations et aux divers inconvénients subis ;

Considérant qu’en revanche, le préjudice subi par M. A en raison de l’absence de réparation par sa compagnie d’assurance de l’intégralité des dommages matériels imputables aux inondations dont son officine a été victime est établi ; que ce préjudice est évalué par M. A, sans être contesté, à la somme de 5 806,09 euros ; que compte tenu de la part de responsabilité incombant à la communauté urbaine de Brest, il y a lieu de la condamner à verser à M. A la somme de 2 903 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts

Considérant que M. A a droit aux intérêts de la somme de 2 903 euros à compter du 11 septembre 1998, jour de l’enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Rennes ; que la capitalisation de ces intérêts a été demandée le 29 juillet 2005 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que, dés lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur l’appel en garantie formé par la communauté urbaine de Brest

Considérant que la communauté urbaine de Brest demande à être garantie par la Compagnie des eaux et de l’ozone, des condamnations prononcées contre elle ; qu’il résulte de l’instruction que la Compagnie des eaux et de l’ozone n’a pas commis de faute à l’égard de la communauté urbaine de Brest de nature à fonder cette demande ;

Sur l’application de l’article L. 761-l du code de justice administrative

Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la communauté urbaine de Brest la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens… (Annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en date du 13 juin 2005 en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif et à la condamnation de la communauté urbaine de Brest ; annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 décembre 2001 ; condamnation de la communauté urbaine de Brest à verser à M. A la somme de 2 903 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 1998. Capitalisation de ces intérêts à compter du 29 juillet 2005 pour produire eux-mêmes intérêts ; rejet du surplus des conclusions de la requête ; condamnation de la communauté urbaine de Brest à verser à M. A une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.)



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