Actions sur le document

Conseil constitutionnel, décision n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010

- wikisource:fr, 29/06/2010


Conseil constitutionnel
18 juin 2010


Séance plénière – SNC Kimberly Clark – n° 2010-5 QPC




Visas

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 avril 2010 par le Conseil d’État (décision n° 327166 du 23 avril 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SNC KIMBERLY CLARK et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa du 1 de l’article 273 du code général des impôts, issu de l’article 18 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d’affaires et diverses dispositions d’ordre financier ;

Vu le décret n° 67-1164 du 15 décembre 1967 assurant la mise en harmonie du code général des impôts avec les dispositions de la loi du 6 janvier 1966 susvisée ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour la SNC KIMBERLY CLARK par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 mai 2010 ;

Vu les observations produites par le Président de l’Assemblée nationale, enregistrées le 12 mai 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 mai 2010 ;

Vu les nouvelles observations produites pour la SNC KIMBERLY CLARK, enregistrées le 26 mai 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Arnaud de Chaisemartin pour la SNC KIMBERLY CLARK et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 15 juin 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;


Motifs

1. Considérant que l’article 271 du code général des impôts est relatif aux règles de déductibilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le 1 de l’article 273 du même code, issu de l’article 18 de la loi du 6 janvier 1966 susvisée, dispose que des décrets en Conseil d’État déterminent les conditions d’application de l’article 271 ; qu’en particulier, son troisième alinéa, qui fait l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité, prévoit que ces décrets fixent « la date à laquelle peuvent être opérées les déductions » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions du troisième alinéa du 1 de l’article 273, qui renvoient à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions de taxe sur la valeur ajoutée, porteraient atteinte au droit énoncé à l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et dont disposent « tous les citoyens » de « constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » ; que ces dispositions méconnaîtraient également le droit de propriété proclamé à son article 17 ; qu’elles seraient, par suite, entachées d’incompétence négative ;

3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;

4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures… Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique… » ; que les dispositions de l’article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l’article 34 de la Constitution et n’instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l’occasion d’une instance devant une juridiction, à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ;

5. Considérant, d’autre part, que le 1 de l’article 273 du code général des impôts, en ce qu’il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions auxquelles ont droit les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, ne porte pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ;

6. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE

Article 1er.- Le troisième alinéa du 1 de l’article 273 du code général des impôts, issu de l’article 18 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966, est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et M. Pierre STEINMETZ.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...