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Conseil constitutionnel, décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009

- wikisource:fr, 30/12/2009


Conseil constitutionnel
29 décembre 2009


Séance plénière – Loi de finances pour 2010 – 2009-599 DC


Saisine par 60 députés



Sommaire

Visas

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances pour 2010, le 22 décembre 2009, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Mme Delphine BATHO, M. Patrick BLOCHE, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Jérôme CAHUZAC, Thierry CARCENAC, Bernard CAZENEUVE, Guy CHAMBEFORT, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Pierre COHEN, Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Pascal DEGUILHEM, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, Valérie FOURNEYRON, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, David HABIB, François HOLLANDE, Mme Françoise IMBERT, MM. Henri JIBRAYEL, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, Albert LIKUVALU, François LONCLE, Victorin LUREL, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Mmes Jeanny MARC, Marie-Lou MARCEL, Martine MARTINEL, Sandrine MAZETIER, MM. Didier MIGAUD, Pierre-Alain MUET, Alain NÉRI, Mmes Françoise OLIVIER-COUPEAU, Dominique ORLIAC, George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Martine PINVILLE, Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Simon RENUCCI, Mme Chantal ROBIN RODRIGO, MM. Alain RODET, Marcel ROGEMONT, René ROUQUET, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mmes Odile SAUGUES, Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Manuel VALLS, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés,

et, le 23 décembre 2009, par M. Jean-Pierre BEL, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Claude BÉRIT-DÉBAT, Jacques BERTHOU, Jean BESSON, Mme Marie-Christine BLANDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, M. Didier BOULAUD, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mmes Nicole BRICQ, Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mmes Françoise CARTRON, Monique CERISIER-ben GUIGUA, M. Yves CHASTAN, Mme Jacqueline CHEVÉ, MM. Gérard COLLOMB, Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Didier GUILLAUME, Edmond HERVÉ, Mmes Odette HERVIAUX, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, M. Claude JEANNEROT, Mmes Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Jacky LE MENN, Mmes Raymonde LE TEXIER, Claudine LEPAGE, MM. Claude LISE, Jean-Jacques LOZACH, Roger MADEC, Marc MASSION, Louis MERMAZ, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Robert NAVARRO, Jean-Marc PASTOR, Georges PATIENT, Jean-Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Daniel RAOUL, François REBSAMEN, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Michel SERGENT, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI, Richard TUHEIAVA, Mme Dominique VOYNET et M. Richard YUNG, sénateurs.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L.O. 1114-1 à L.O. 1114-4 ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code des douanes ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 ;

Vu la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;

Vu la loi de finances rectificative pour 2009, définitivement adoptée le 23 décembre 2009, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-600 DC du 29 décembre 2009 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 2009 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Motifs

1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2010 ; qu’ils contestent sa sincérité ; qu’ils formulent des griefs contre ses articles 22, 77 et 78 qui suppriment la taxe professionnelle et instituent notamment une contribution économique territoriale ; qu’ils contestent également son article 9 relatif à la contribution carbone, son article 8585 modifiant le régime fiscal des indemnités journalières d’accident du travail, son article 94 sur la majoration de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants et, enfin, son article 135 qui étend le revenu de solidarité active à certains jeunes de moins de vingt-cinq ans ;

SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES :

2. Considérant que les requérants soutiennent que la loi déférée méconnaît le principe de sincérité budgétaire ;

3. Considérant que l’article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée dispose : « Les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu’il en résulte que la sincérité de la loi de finances de l’année se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine ;

4. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que les hypothèses économiques de croissance qui fondent la loi de finances ont été sous-évaluées de sorte que l’affectation des recettes supplémentaires serait soustraite à l’appréciation du Parlement ;

5. Considérant, d’une part, qu’il ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que les évaluations de recettes pour 2010 soient entachées d’une volonté délibérée de les sous-estimer, compte tenu des aléas inhérents à leur évaluation et des incertitudes particulières relatives à l’évolution de l’économie en 2010 ; que, d’autre part, en application du 10° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, le paragraphe IV de l’article 67 de la loi déférée dispose que les éventuels surplus des impositions de toutes natures « sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire » ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, selon les requérants, les autorisations de crédits votées en loi de finances méconnaissent le principe de sincérité budgétaire compte tenu, d’une part, de la sous-dotation de certaines missions et, d’autre part, de la mise en réserve de crédits qui pourrait être « utilisée finalement pour financer en cours de gestion les besoins de crédits manifestement sous-estimés » ;

7. Considérant, d’une part, qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, d’apprécier le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement votés ; qu’à les supposer établies, les insuffisances dénoncées ne sont pas manifestement incompatibles avec les besoins prévisibles ; que, d’autre part, l’indication jointe au projet de loi de finances du taux de mise en réserve pour les crédits limitatifs répond aux dispositions de l’article 51 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ;

8. Considérant, en troisième lieu, que les requérants font valoir qu’en n’inscrivant pas en loi de finances initiale le « grand emprunt » de 35 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement, la loi déférée a méconnu le principe de sincérité budgétaire ;

9. Considérant que les informations données par le Gouvernement en cours d’examen de la loi de finances sur les mesures envisagées d’un recours supplémentaire à l’emprunt, qui devront donner lieu à un projet de loi de finances rectificative en application de l’article 35 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, n’affectent pas la sincérité de la loi de finances initiale ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés du défaut de sincérité de la loi déférée doivent être écartés ;

SUR L’INSTAURATION DE LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE ET L’IMPOSITION FORFAITAIRE SUR LES ENTREPRISES DE RÉSEAUX :

11. Considérant que la loi déférée supprime la taxe professionnelle pour la remplacer par une contribution économique territoriale, composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que par plusieurs impositions perçues au profit des collectivités territoriales ; qu’au nombre de celles-ci figure l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux ;

12. Considérant que les requérants font valoir que certaines dispositions des articles 2, 77 et 78 de la loi déférée méconnaissent l’objectif d’intelligibilité de la loi ainsi que la compétence du législateur et sont contraires au principe d’égalité devant l’impôt et au principe de libre administration des collectivités territoriales ;

En ce qui concerne la contribution économique territoriale :

- Quant au régime particulier applicable à certaines catégories de contribuables employant moins de cinq salariés et non soumis à l’impôt sur les sociétés :

13. Considérant que le 1.2 de l’article 2 de la loi déférée est relatif aux « règles générales de la cotisation foncière des entreprises » ; qu’il donne une nouvelle rédaction de l’article 1467 du code général des impôts ; que le 2° de cet article institue un régime particulier pour les titulaires de bénéfices non commerciaux, les agents d’affaires, les fiduciaires pour l’accomplissement de leur mission et les intermédiaires de commerce, employant moins de cinq salariés et non soumis à l’impôt sur les sociétés ; que, pour ces catégories de contribuables, la cotisation foncière n’est pas assise sur la seule valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière mais prend également en compte 5,5 % de leurs recettes ;

14. Considérant que le 2.1 de l’article 2 de la loi déférée instaure la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; qu’il insère, dans le code général des impôts, un article 1586 ter qui assujettit à cette imposition les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 152 500 euros ; qu’il insère, dans le même code, un article 1586 quater qui dispense de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros ;

15. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

16. Considérant que les contribuables visés au 2° de l’article 1467 du code général des impôts qui emploient plus de quatre salariés mais dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros seront soumis au droit commun en matière de cotisation foncière des entreprises, alors que les mêmes contribuables, s’ils emploient moins de cinq salariés, seront imposés sur une base comprenant, outre la valeur locative de leurs biens, 5,5 % de leurs recettes ; que ces contribuables seront, dans ces deux hypothèses, dispensés du paiement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que le dispositif prévu conduit ainsi à traiter de façon différente des contribuables se trouvant dans des situations identiques au regard de l’objet de la loi ; que le fait d’imposer davantage, parmi les contribuables visés ci-dessus réalisant moins de 500 000 euros de chiffre d’affaires, ceux qui emploient moins de cinq salariés constitue une rupture caractérisée du principe d’égalité devant l’impôt ;

17. Considérant qu’il s’ensuit que doivent être déclarés contraires à la Constitution, au 1° de l’article 1467 du code général des impôts, les mots : « Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2°, », le premier alinéa de son 2° et, par voie de conséquence, le second alinéa du paragraphe I de l’article 1586 ter du même code ;

18. Considérant que les autres dispositions de l’article 1467 du code général des impôts ne sont pas contraires à la Constitution ;

Quant au « nouveau ticket modérateur » :

19. Considérant que le 3.2 de l’article 77 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 1647-0 B septies ; que cet article définit les modalités de mise en œuvre d’un « nouveau ticket modérateur » qui fait financer par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre une fraction du montant du dégrèvement de la cotisation économique territoriale accordé aux entreprises dont la cotisation totale représente plus de 3 % de la valeur ajoutée ; que cette fraction sera mise à la charge des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à compter de 2013 si le dégrèvement est accordé pendant plus d’une année ;

20. Considérant que les requérants soutiennent que ce dispositif est contraire au principe de libre disposition des ressources posé au premier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution ; qu’il conduirait à instituer une tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ; que sa complexité ne permettrait pas d’atteindre le but fixé et remettrait en cause l’objectif d’intelligibilité de la loi ; que les requérants font également valoir que ce dispositif peut conduire à ce que des communes appliquant la même politique fiscale contribuent au financement de ce dégrèvement dans des proportions très différentes ; que, dès lors, il entraînerait une différence de traitement entre communes qu’aucun motif d’intérêt général ne viendrait justifier ;

21. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre… » ; que les deux premiers alinéas de l’article 72-2 de la Constitution disposent : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. - Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine » ;

22. Considérant que l’article 85 de la loi de finances pour 2006 a créé un mécanisme de participation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale au régime de plafonnement de l’impôt en fonction de la valeur ajoutée des entreprises ; que la loi déférée, qui transpose ce dispositif à la contribution économique territoriale, ne met à leur charge que l’augmentation du dégrèvement, au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée depuis 2010, pour les seules entreprises plafonnées deux années de suite ;

23. Considérant, en deuxième lieu, que le « caractère technique » que revêt le dispositif de plafonnement de la contribution économique territoriale à 3 % de la valeur ajoutée des entreprises n’est pas à lui seul de nature à rendre ce plafonnement contraire à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;

24. Considérant, en dernier lieu, que le plafonnement de la contribution économique territoriale n’a pas pour effet d’instaurer une tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ; que ce nouveau dispositif, au demeurant plus favorable que le précédent pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

25. Considérant, dès lors, que l’article 1647-0 B septies du code général des impôts n’est pas contraire à la Constitution ;

Quant au mode de calcul de la « compensation relais 2010 » :

26. Considérant que, selon le II de l’article 1640 B, inséré dans le code général des impôts par le 4.1 de l’article 2 de la loi déférée, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre recevront au titre de l’année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais ; que le montant de cette dernière est, pour chaque collectivité ou établissement public, égal au plus élevé des deux montants suivants : « - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait… de l’application, au titre de l’année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009. Toutefois, dans le calcul de ce produit, d’une part, il est fait application des délibérations applicables en 2009 relatives aux bases de taxe professionnelle, d’autre part, le taux retenu est le taux de taxe professionnelle… pour les impositions au titre de l’année 2009 dans la limite du taux voté pour les impositions au titre de l’année 2008 majoré de 1 % ; - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l’établissement public au titre de l’année 2009 » ; que la même disposition prévoit qu’en outre, les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre percevront, le cas échéant, une somme tenant compte des effets du « taux relais » de contribution foncière des entreprises qu’ils auraient voté en application du I du même article ;

27. Considérant que les requérants soutiennent que le dispositif retenu porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et à la libre disposition par ces dernières de leurs ressources propres ; qu’il se traduirait par un manque à gagner pour ces collectivités ; qu’il instituerait des inégalités entre les collectivités selon qu’elles ont augmenté ou non leur taux de taxe professionnelle en 2009 ; qu’il conduirait à ne pas tenir compte des taux de taxe professionnelle votés en 2009 ; qu’enfin, il les priverait de la possibilité de prévoir leurs ressources pour l’année 2010 ;

28. Considérant que l’article 72-2 de la Constitution dispose : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. - Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. - Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre » ; qu’en outre, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

29. Considérant que le mode de calcul tant de la « compensation relais » que de l’augmentation éventuelle de celle-ci au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre, mis en œuvre au titre de la seule année 2010, permet qu’il soit fondé sur les délibérations prises par les collectivités territoriales au cours de l’année 2009 ; qu’en raison du caractère transitoire de cette mesure, consécutive à la suppression de la taxe professionnelle, la loi déférée a pu poser la règle selon laquelle le taux de la taxe professionnelle voté en 2009 ne serait pris en compte que dans la limite du taux applicable en 2008 majoré de 1 %, afin de faire obstacle à une augmentation supérieure du taux de cette taxe qui n’aurait été motivée que par l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle ;

30. Considérant qu’il suit de là que les dispositions retenues par l’article 1640 B du code général des impôts pour calculer le montant de la « compensation relais » versée par l’État aux collectivités territoriales en 2010 ne portent pas une atteinte inconstitutionnelle au principe de libre administration et de libre disposition de leurs ressources propres par les collectivités territoriales et n’instituent pas entre elles une inégalité de traitement qui ne serait pas fondée sur un motif d’intérêt général ; qu’elles n’ont pas non plus pour effet de les priver de la possibilité de prévoir le montant de leurs ressources au cours de l’année 2010 ;

31. Considérant, dès lors, que l’article 1640 B du code général des impôts, tel que rédigé par le 4.1 de l’article 2 de la loi déférée, n’est pas contraire à la Constitution ;

En ce qui concerne en particulier la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

Quant à l’incompétence négative :

32. Considérant que le 2.1.1 de l’article 2 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 1586 ter ; qu’aux termes des troisième et quatrième alinéas du paragraphe II de cet article : « Pour les entreprises de navigation maritime ou aérienne qui exercent des activités conjointement en France et à l’étranger, il n’est pas tenu compte de la valeur ajoutée provenant des opérations directement liées à l’exploitation de navires ou d’aéronefs ne correspondant pas à l’activité exercée en France. - Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de l’alinéa précédent » ;

33. Considérant que les requérants font valoir que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence en laissant au décret la possibilité de modifier l’assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;

34. Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ; qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ;

35. Considérant que l’article 2 de la loi déférée détermine précisément l’assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que le renvoi au décret précité a pour objet de préciser les modalités pratiques permettant la perception de cette imposition ; que, par conséquent, les troisième et quatrième alinéas de l’article 1586 ter du code général des impôts, dans leur rédaction issue du 2.2.1 de l’article 2 de la loi déférée, ne sont entachés d’aucune incompétence négative ;

Quant au principe d’égalité devant l’impôt :

36. Considérant, en premier lieu, que l’article 2 de la loi déférée fixe les modalités de calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; qu’il prévoit, dans l’avant-dernier alinéa de l’article 1586 ter précité du code général des impôts, que les entreprises sont en principe redevables de cette cotisation au taux de 1,5 % quel que soit leur chiffre d’affaires dès lors qu’il est supérieur à 152 500 euros ; qu’il insère, dans le code général des impôts, un article 1586 quater, qui organise un mécanisme de dégrèvement de cotisation en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise ;

37. Considérant que les requérants font valoir que le dispositif adopté introduit une rupture d’égalité entre les contribuables dans la mesure où il met en place une progressivité de l’impôt dû par les entreprises sur la base du chiffre d’affaires, lequel n’entrerait pas dans la définition de l’assiette de l’impôt et ne reflèterait pas leurs capacités contributives réelles ;

38. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

39. Considérant que le Conseil constitutionnel n’a pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu’il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé ; qu’en retenant le chiffre d’affaires des entreprises comme critère de capacité contributive, le législateur n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation ;

40. Considérant, en deuxième lieu, que le 2.1.1 de l’article 2 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 1586 sexies ; que le 7° du paragraphe I de cet article institue un mécanisme de plafonnement de la valeur ajoutée servant d’assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que ce plafonnement de la valeur ajoutée est de 80 % du chiffre d’affaires pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 7,6 millions d’euros et de 85 % du chiffre d’affaires pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à ce montant ;

41. Considérant que les requérants font valoir que le dispositif de plafonnement mis en place ne respecterait pas le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques ; qu’en effet, à valeur ajoutée équivalente, et nonobstant le système de dégrèvement prévu, deux entreprises redevables théoriquement d’une cotisation sur la valeur ajoutée d’un montant identique pourraient acquitter des cotisations d’un montant très différent dès lors que, pour l’une d’entre elles, la valeur ajoutée représenterait une part plus importante de son chiffre d’affaires ; qu’une telle différence de traitement ne serait fondée sur aucun motif d’intérêt général ;

42. Considérant qu’en retenant, pour le plafonnement de la valeur ajoutée servant d’assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, deux taux différents selon que le chiffre d’affaires de l’entreprise est ou non supérieur à 7,6 millions d’euros, le législateur a entendu prendre en considération la situation particulière des activités à forte intensité de main-d’œuvre ; que, dès lors, le dispositif de plafonnement ne conduit pas à traiter de façon différenciée des contribuables se trouvant dans des situations objectivement identiques ;

43. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort du paragraphe III de l’article 1586 octies, inséré dans le code général des impôts, par le 2.1.1 de l’article 2 de la loi déférée, que la valeur ajoutée est imposée dans la commune où le contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois ; que, lorsqu’un contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois dans plusieurs communes, la valeur ajoutée est imposée dans chacune de ces communes et répartie entre elles au prorata de l’effectif qui y est employé ; que le paragraphe III de l’article 1586 quater du code général des impôts précité organise un dispositif dit « anti-abus » qui prévoit notamment, et sous certaines conditions restrictives, qu’en cas d’apport, de cession d’activité ou de scission d’entreprises réalisée à compter du 22 octobre 2009, le chiffre d’affaires à retenir pour le calcul de la cotisation est égal à la somme des chiffres d’affaires des entités détenues à plus de 50 % ;

44. Considérant que les requérants font valoir que l’absence de consolidation générale du chiffre d’affaires de l’ensemble des entités composant une société conduit à imposer différemment des entreprises qui ont réalisé un chiffre d’affaires identique selon qu’elles possèdent un ou plusieurs établissements ; que le dispositif dit « anti-abus » ne corrigerait pas véritablement cette rupture d’égalité qui ne serait pas davantage justifiée par un motif d’intérêt général ;

45. Considérant que le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose : « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre » ;

46. Considérant que le respect de l’autonomie financière définie à l’article 72-2 de la Constitution ainsi que le principe d’égalité des collectivités territoriales devant les charges publiques s’apprécient par catégories de collectivités territoriales ; qu’en ne retenant pas le chiffre d’affaires consolidé au niveau national pour les entreprises qui possèdent des établissements situés dans plusieurs communes, le législateur a entendu imposer la valeur ajoutée dans la commune où le contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois ; que la disposition contestée n’est pas contraire au principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales et ne porte pas atteinte au principe d’égalité devant l’impôt ;

47. Considérant, dès lors, que les articles 1586 ter, 1586 quater, 1586 sexies et 1586 octies ne sont pas contraires à la Constitution ;

En ce qui concerne en particulier la péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

48. Considérant que les paragraphes I et II de l’article 1648 AA du code général des impôts, issu du 4.3 de l’article 78 de la loi déférée, créent, à compter de 2012, un « fonds régional » et un « fonds départemental » de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;

49. Considérant que chacun de ces deux fonds est alimenté par un prélèvement annuel sur les ressources fiscales, selon le cas, de certaines régions ou de certains départements ; que ce prélèvement est égal à la moitié de la différence entre, d’une part, le produit de ladite cotisation au cours de l’année, minoré du prélèvement ou majoré du reversement du « Fonds national de garantie individuelle des ressources » régionales ou départementales, et, d’autre part, le produit perçu en 2011 au titre de la même cotisation, minoré ou majoré dans les mêmes conditions, et multiplié par le rapport, à compter de 2012, entre le produit total de la cotisation perçue au titre de l’exercice précédent et celui perçu au titre de l’année 2010 ; que, pour les régions, ce prélèvement versé au « fonds régional » est dû par celles dont le « potentiel fiscal » par habitant est « supérieur » à la moyenne et pour lesquelles la différence susmentionnée est positive ; que, pour les départements, ce prélèvement versé au « fonds régional » est dû par ceux dont le « potentiel financier » par habitant est « inférieur » à la moyenne et pour lesquels la différence susmentionnée est positive ;

50. Considérant que les ressources de chaque fonds sont réparties entre les collectivités d’une même catégorie dont le potentiel fiscal, pour les régions, ou financier, pour les départements, par habitant est inférieur à la moyenne et au prorata du produit de l’écart à cette moyenne par la population de la collectivité territoriale ;

51. Considérant que le 4.4 de l’article 78 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 1648 AB ; que cet article crée, à compter du 1er janvier 2011, dans son paragraphe I, un « fonds régional » et, dans son paragraphe II, un « fonds départemental » de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;

52. Considérant que chacun de ces deux fonds est alimenté par un prélèvement annuel égal au quart des recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçues la même année, respectivement, par les régions ou par les départements ;

53. Considérant que les ressources du fonds régional, institué par l’article 1648 AB du code général des impôts, sont réparties entre les régions, à raison d’un tiers respectivement au prorata de leur population, de leur effectif de lycéens et stagiaires de la formation professionnelle, ainsi que de leur superficie dans la limite du double du rapport entre leur population respective et la densité de population moyenne de l’ensemble des régions ; que celles du fonds départemental, institué par le même article, sont réparties entre les départements à raison d’un tiers respectivement au prorata de leur population, du nombre de bénéficiaires des minima sociaux et de l’allocation personnalisée d’autonomie, ainsi que de la longueur de la voirie départementale ;

54. Considérant que l’article 78 prévoit, en son 11.2, pour les départements, et en son 1.3, pour les régions, d’une part, que le prélèvement opéré à partir de 2011 sur le fondement de l’article 1648 AB du code précité vient augmenter la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit soit des régions, soit des départements et, d’autre part, que le reversement opéré sur le même fondement vient réduire cette même dotation ;

Quant au respect de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi :

55. Considérant qu’en premier lieu, les requérants contestent l’intelligibilité du paragraphe II de l’article 1648 AA précité qui, d’une part, ferait contribuer des départements au « fonds régional » et, d’autre part, ne ferait participer au financement de ce fonds que les départements ayant un potentiel fiscal « inférieur » à la moyenne en contradiction avec l’objectif de péréquation ; qu’ils estiment, en second lieu, que tant l’identité de la dénomination des fonds créés par l’article 1648 AB et de celle des fonds créés par l’article 1648 AA que les modalités de l’articulation entre ces deux dispositifs sont également contraires à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;

56. Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui impose d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

57. Considérant, en premier lieu, que les requérants ont à juste titre relevé des erreurs rédactionnelles faisant obstacle à la compréhension de la loi ; que, toutefois, en procédant, dans l’article 97 de la loi de finances rectificative pour 2009 susvisée, adoptée définitivement le 23 décembre 2009, au remplacement au 3 du A du paragraphe II de l’article 1648 AA précité des mots « inférieur » et « régional » respectivement par les mots « supérieur » et « départemental », le législateur a opportunément corrigé ces erreurs et rendu ainsi le texte intelligible ;

58. Considérant, en second lieu, qu’en adoptant les articles 1648 AA et 1648 AB du code général des impôts, le législateur a, nonobstant leur dénomination identique, créé deux catégories distinctes de fonds, caractérisées par des modalités de financement et des critères de répartition de leurs ressources différents et définis de manière suffisamment claire et précise ; qu’en outre, en prévoyant que le prélèvement créé sur le fondement de l’article 1648 AA est opéré à partir des ressources totales de cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises de chaque collectivité, y compris les reversements du fonds créé par l’article 1648 AB, il a organisé de manière suffisamment claire et précise l’articulation entre les deux catégories de fonds ;

59. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi doivent être écartés ;

Quant au respect de l’autonomie financière des collectivités territoriales :

60. Considérant que les requérants soutiennent qu’en organisant la redistribution d’une part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises fondée sur des critères qui sont « sans lien avec l’impôt », l’article 1648 AB ne permet pas de qualifier cette part comme une ressource propre ; qu’en conséquence, ils font grief à cet article de méconnaître le principe d’autonomie financière des collectivités territoriales et, en particulier, de celle des régions ;

61. Considérant qu’aux termes des trois premiers alinéas de l’article 72-2 de la Constitution : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. - Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. - Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources… » ; que l’article L.O. 1114-2 du code général des collectivités territoriales définit, au sens du troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, la notion de « ressources propres des collectivités territoriales » ; qu’il prévoit que ces ressources « sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l’assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette… » ; qu’il ressort de la combinaison de ces dispositions que les recettes fiscales qui entrent dans la catégorie des ressources propres des collectivités territoriales s’entendent, au sens de l’article 72-2 de la Constitution, du produit des impositions de toutes natures non seulement lorsque la loi autorise ces collectivités à en fixer l’assiette, le taux ou le tarif, mais encore lorsqu’elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette ;

62. Considérant, d’une part, qu’aux termes du paragraphe III de l’article 1586 octies du code général des impôts inséré par le 22.1.1 de l’article 2 de la loi déférée, « la valeur ajoutée est imposée dans la commune où le contribuable la produisant dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois » ; qu’à compter du 1er janvier 2011, l’article 1599 bis du même code, inséré par le 2.3 de l’article 77 de la loi déférée, dispose : « Les régions et la collectivité territoriale de Corse perçoivent… 3° Une fraction égale à 25 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, prévue à l’article 1586 ter, due au titre de la valeur ajoutée imposée dans chaque commune de son territoire, en application de l’article 1586 octies » ; qu’à compter du 1er janvier 2011, l’article 1586, dans sa rédaction issue du 2.2 de l’article 77 de la loi déférée, dispose : « Les départements perçoivent… 6° Une fraction égale à 48,5 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, prévue à l’article 1586 ter, due au titre de la valeur ajoutée imposée dans chaque commune de son territoire, en application de l’article 1586 octies » ; que les ressources ainsi perçues par les régions et les départements sont déterminées à partir d’une part locale d’assiette ; qu’il s’ensuit qu’elles constituent une ressource propre de ces collectivités ;

63. Considérant, d’autre part, que les ressources des fonds créés par l’article 1648 AB sont constituées d’une fraction du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises déterminé, selon le cas, dans chaque région ou chaque département ; qu’ainsi elles sont elles-mêmes déterminées à partir d’une part locale d’assiette ; qu’elles constituent donc une ressource propre ;

64. Considérant, enfin, qu’il ne résulte ni de l’article 72-2 de la Constitution ni d’aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale ; que, dès lors, le grief tiré de ce que les régions perdraient le pouvoir de fixer le taux d’une de leurs ressources fiscales est inopérant ;

65. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d’autonomie financière des régions et des départements doit être écarté ;

Quant à la mise en place par la loi de dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales :

66. Considérant que les requérants contestent la fonction de péréquation des fonds créés par l’article 1648 AB du code général des impôts ; qu’ils font ainsi valoir que, compte tenu de l’intervention d’une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit des régions et des départements qui tient compte des prélèvements et des reversements opérés par chaque collectivité à ces fonds, le niveau des ressources des régions et des départements ne s’en trouverait pas modifié, en contradiction avec le mécanisme de redistribution que suppose la mise en œuvre de la péréquation ; qu’ils font également valoir que les critères de répartition des ressources de ces fonds, qui sont sans lien avec l’assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, seraient également contraires à la péréquation ;

67. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales » ; qu’il est loisible au législateur de mettre en œuvre la péréquation financière entre ces collectivités en les regroupant par catégories, dès lors que la définition de celles-ci repose sur des critères objectifs et rationnels ; que cette péréquation peut corriger non seulement les inégalités affectant les ressources, mais également les inégalités relatives aux charges ; qu’elle peut également être mise en œuvre par une dotation de l’État ou grâce à un fonds alimenté par des ressources des collectivités territoriales ;

68. Considérant que, pour assurer la mise en œuvre du dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, le législateur a, dans l’article 1648 AB du code général des impôts, organisé une redistribution des ressources tirées d’une fraction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçue par les régions ou les départements et tenant compte des inégalités de charges entre ces collectivités au sein d’une même catégorie ; que ce dispositif de redistribution peut s’accompagner, sans remettre en cause l’objectif de péréquation, d’un mécanisme de compensation par une dotation de l’État des pertes ou des gains de ressources résultant de la péréquation et destiné à assurer aux régions et aux départements une stabilité de leurs ressources ; qu’en conséquence, le grief tiré de la méconnaissance des dispositions constitutionnelles relatives à la péréquation doit être rejeté ;

69. Considérant qu’il s’ensuit que les articles 1648 AA et 1648 AB du code général des impôts ne sont pas contraires à la Constitution ;

En ce qui concerne l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux :

70. Considérant que le 3 de l’article 2 de la loi déférée instaure une « imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux » ; qu’à cet effet, il insère, dans le code général des impôts, l’article 1635-0 quinquies ainsi que les articles 1519 D à 1519 H, 1599 quater A, 1599 quater B et 1649 A ter ; que cette imposition s’applique à des entreprises du secteur de l’énergie électrique, du secteur des transports de voyageurs et du secteur des télécommunications ; qu’elle est perçue au profit des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale ;

71. Considérant que les requérants font valoir qu’en prévoyant explicitement que la mise en œuvre de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux s’accompagne d’une reprise d’une partie des gains liés à la réforme de la taxe professionnelle pour certains secteurs économiques, l’article 2 de la loi déférée permet certes de limiter utilement le coût de la réforme pour les finances publiques mais conduit à une rupture d’égalité entre les entreprises de ces secteurs et l’ensemble des autres entreprises ;

72. Considérant que, si l’article 13 de la Déclaration de 1789 n’interdit pas de faire supporter des charges particulières à certaines catégories de personnes pour un motif d’intérêt général, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

73. Considérant qu’à la suite du remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, le législateur a entendu préserver les ressources des collectivités territoriales en soumettant les entreprises de réseaux à cette nouvelle imposition forfaitaire ; qu’eu égard au domaine d’activité de ces entreprises, de leurs conditions d’exercice et de leur implantation sur l’ensemble du territoire, il n’a pas créé de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

74. Considérant qu’il s’ensuit que l’article 1635-0 quinquies ainsi que les articles 1519 D à 1519 H, 1599 quater A, 1599 quater B et 1649 A ter du code général des impôts ne sont pas contraires à la Constitution ;

En ce qui concerne le taux d’autonomie financière des collectivités territoriales :

75. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution : « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre » ; qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L.O. 1114-3 du code général des collectivités territoriales, pour chacune des catégories de collectivités territoriales définies à l’article L.O. 1114-1 du même code : « La part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l’année 2003 » ; qu’en vertu de ces dispositions organiques, le Conseil constitutionnel ne pourrait que censurer des actes législatifs ayant pour conséquence nécessaire de porter atteinte au caractère déterminant de la part des ressources propres d’une catégorie de collectivités territoriales, tel qu’il est défini par lesdites dispositions ;

76. Considérant toutefois, qu’il ne ressort pas des éléments fournis au Conseil constitutionnel que l’instauration de la contribution économique territoriale portera la part des ressources propres de chaque catégorie de collectivités territoriales à un niveau inférieur à celui de 2003 ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’autonomie financière des collectivités territoriales doit être écarté ;

SUR LA CONTRIBUTION CARBONE :

77. Considérant que l’article 7 de la loi déférée institue au profit du budget de l’État une contribution carbone sur certains produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible ; que l’article 9 institue un crédit d’impôt en faveur des personnes physiques afin de leur rétrocéder de façon forfaitaire la contribution carbone qu’elles ont acquittée ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est afférente ; que l’article 10 dispose que la consommation de fioul domestique, de fioul lourd et de divers autres produits énergétiques par les agriculteurs fait l’objet d’un remboursement des trois quarts de la contribution carbone ;

78. Considérant, en particulier, que l’article 7 fixe, pour chacune des énergies fossiles qu’il désigne, le tarif de la contribution sur la base de 17 euros la tonne de dioxyde de carbone émis ; que cet article et l’article 10 instituent toutefois des exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques ; que sont totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l’électricité, les émissions des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions des secteurs de l’industrie chimique utilisant de manière intensive de l’énergie, les émissions des produits destinés à un double usage, les émissions des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d’électricité, les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs ; que sont taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime ;

79. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement » ; que son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » ; que, selon son article 4, « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi » ; que ces dispositions, comme l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, ont valeur constitutionnelle ;

80. Considérant que, conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général, pourvu que les règles qu’il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ;

81. Considérant qu’il ressort des travaux parlementaires que l’objectif de la contribution carbone est de « mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions » de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement de la planète ; que, pour atteindre cet objectif, il a été retenu l’option « d’instituer une taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles » afin que les entreprises, les ménages et les administrations soient incités à réduire leurs émissions ; que c’est en fonction de l’adéquation des dispositions critiquées à cet objectif qu’il convient d’examiner la constitutionnalité de ces dispositions ;

82. Considérant que des réductions de taux de contribution carbone ou des tarifications spécifiques peuvent être justifiées par la poursuite d’un intérêt général, tel que la sauvegarde de la compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale ; que l’exemption totale de la contribution peut être justifiée si les secteurs économiques dont il s’agit sont spécifiquement mis à contribution par un dispositif particulier ; qu’en l’espèce, si certaines des entreprises exemptées du paiement de la contribution carbone sont soumises au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, il est constant que ces quotas sont actuellement attribués à titre gratuit et que le régime des quotas payants n’entrera en vigueur qu’en 2013 et ce, progressivement jusqu’en 2027 ; qu’en conséquence, 93 % des émissions de dioxyde de carbone d’origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de contribution carbone ; que les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre ; que la contribution carbone portera essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l’une des sources d’émission de dioxyde de carbone ; que, par leur importance, les régimes d’exemption totale institués par l’article 7 de la loi déférée sont contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

83. Considérant qu’il s’ensuit que l’article 7 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution, à l’exception du E de son paragraphe I qui est relatif à l’exonération temporaire, dans les départements d’outre-mer, du prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes ; qu’il en va de même, par voie de conséquence et sans qu’il soit besoin d’examiner les griefs des saisines, de ses articles 9 et 10 ainsi qu’à l’article 22, des mots : « et la contribution carbone sur les produits énergétiques » figurant au vingt et unième alinéa du paragraphe I de l’article 1586 sexies du code général des impôts et des mots : « et de la contribution carbone sur les produits énergétiques » figurant au dix-septième alinéa de son paragraphe VI ;

SUR L’IMPOSITION DES INDEMNITÉS JOURNALIÈRES D’ACCIDENT DU TRAVAIL :

84. Considérant que l’article 85 modifie les articles 80 quinquies80 quinquies et 8181 du code général des impôts ; qu’il soumet à l’impôt sur le revenu, suivant les règles applicables aux traitements et salaires, les indemnités temporaires d’accident du travail, à concurrence de 50 % de leur montant ;

85. Considérant que, selon les requérants, cet article porte atteinte de façon rétroactive aux situations légalement acquises et méconnaît le droit à réparation des victimes d’accident du travail ainsi que le principe d’égalité devant les charges publiques sans considération des capacités contributives des personnes assujetties ; qu’ils dénoncent en particulier la différence de traitement avec le régime applicable aux indemnités journalières des personnes en affection de longue durée ;

86. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu du II de l’article 85, le nouveau dispositif n’est applicable qu’aux indemnités journalières versées à compter du 1er janvier 2010 ; qu’ainsi, le grief tiré de l’atteinte aux situations légalement acquises manque en fait ;

87. Considérant, en deuxième lieu, que les indemnités journalières d’accident du travail constituent un revenu de remplacement consécutif à un accident du travail ; que le législateur a pu, pour prendre en compte la nature particulière de ces indemnités ainsi que l’origine de l’incapacité de travail, prévoir qu’elles soient regardées comme un salaire à hauteur de 50 % de leur montant ; que, dès lors, il n’a pas créé une différence de traitement injustifiée entre les bénéficiaires d’indemnités journalières d’accident du travail et les autres personnes qui perçoivent des indemnités journalières parce qu’elles se trouvent dans l’incapacité de travailler en raison de leur état physique ;

88. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qu’affirment les requérants, ces dispositions ne portent pas atteinte au droit à réparation des personnes victimes d’accident du travail ;

89. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 85 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;

SUR LA MAJORATION DE LA TAXE INTÉRIEURE DE CONSOMMATION :

90. Considérant que le I de l’article 94 de la loi déférée insère, dans le code des douanes, un article 265 A bis ; que cet article ouvre aux conseils régionaux et à l’assemblée de Corse la faculté d’augmenter le tarif de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants vendus aux consommateurs sur leur territoire, dans la limite de 0,73 euro par hectolitre pour les supercarburants et de 1,35 euro par hectolitre pour le gazole ; que les recettes issues de ces majorations devront être exclusivement affectées au financement d’une infrastructure de transport durable, ferroviaire ou fluvial, mentionnée aux articles 11 et 12 de la loi de programmation du 3 août 2009 susvisée ;

91. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent les principes de libre administration et d’autonomie fiscale des collectivités territoriales au motif que les infrastructures à financer sont définies et programmées par l’État ; qu’en outre, elles ne respecteraient pas le principe d’universalité budgétaire énoncé à l’article 6 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée et, en particulier, la règle de non-affectation des recettes aux dépenses, applicables au budget de l’État comme à celui des collectivités territoriales ;

92. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes des premier et quatrième alinéas de l’article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74… - Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences » ;

93. Considérant que les dispositions contestées ouvrent seulement aux conseils régionaux et à l’assemblée de Corse une faculté dont ils ne sont pas contraints d’user ; que, par suite, elles ne sauraient porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ;

94. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article 72-2 de la Constitution : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. - Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine » ; que ces dispositions ne garantissent aucun principe d’autonomie fiscale des collectivités territoriales ; que, par suite, le grief tiré de la violation de ce principe par les dispositions contestées est inopérant ;

95. Considérant, en dernier lieu, que l’article 6 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, soumettant le budget de l’État au principe d’universalité budgétaire, n’est pas applicable au budget des collectivités territoriales ; que, par suite, le grief invoqué est inopérant ;

96. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 94 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;

SUR L’EXTENSION DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE :

97. Considérant que le paragraphe I de l’article 135 de la loi déférée insère, dans le code de l’action sociale et des familles, un article L. 262-7-1 aux termes duquel : « Par dérogation au 1° de l’article L. 262-4, une personne âgée de dix-huit ans au moins et de vingt-cinq ans au plus bénéficie du revenu de solidarité active sous réserve d’avoir, dans des conditions fixées par décret, exercé une activité professionnelle pendant un nombre déterminé d’heures de travail au cours d’une période de référence précédant la date de la demande » ;

98. Considérant que, selon les requérants, cette disposition ne trouverait pas sa place dans une loi de finances ; qu’elle créerait une discrimination non seulement selon l’âge, ce qui serait contraire aux dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, mais également entre deux salariés du même âge ; qu’elle introduirait enfin des inégalités territoriales et limiterait l’autonomie financière des départements ;

99. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu du 7° du II de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, la loi de finances de l’année peut « comporter des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l’année » ; qu’en vertu du paragraphe IV de l’article 135 de la loi déférée, la totalité des sommes payées au titre de l’allocation de revenu de solidarité active versée aux jeunes de moins de vingt-cinq ans mentionnés à l’article L. 262-7-1 du code de l’action sociale et des familles est financée, pour l’année 2010, par le fonds national des solidarités actives ; qu’en vertu de l’article L. 262-24 du même code, l’État assure l’équilibre de ce fonds en dépenses et en recettes ; qu’il s’ensuit que l’article 135 a sa place en loi de finances ;

100. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du dixième alinéa du Préambule de 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu’en vertu de son onzième alinéa : « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » ;

101. Considérant que les exigences constitutionnelles résultant des dispositions précitées impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées ; qu’il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu’en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; qu’il ne lui est pas moins loisible d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu’il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;

102. Considérant, d’une part, que, comme le faisait auparavant le dispositif prévu pour le revenu minimum d’insertion, l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles en vigueur exclut du bénéfice du revenu de solidarité active les jeunes de moins de vingt-cinq ans à l’exception de ceux qui assument la « charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître » ; que les dispositions contestées ont pour objet d’en étendre le bénéfice à ceux qui ont exercé une activité professionnelle ; qu’ainsi, elles tendent à réduire une disparité de traitement entre les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui ont une expérience professionnelle et ceux de vingt-cinq ans placés dans la même situation ;

103. Considérant, d’autre part, que les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui ont exercé une activité professionnelle pendant une période qui sera fixée par décret sont, au regard de l’objet de la loi qui est de compléter un revenu d’activité insuffisant, dans une situation différente de celle des jeunes qui ne remplissent pas cette condition ;

104. Considérant que, dans ces conditions, les griefs tirés de la violation du principe d’égalité et des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 doivent être écartés ;

105. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans ce cas, il n’est fait obligation au législateur que d’accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d’apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales ;

106. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, pour l’année 2010, la totalité des sommes résultant de l’application de l’article 135 sera financée par le fonds national des solidarités actives ; que, pour les années ultérieures, s’appliqueront les dispositions de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, lesquelles ne méconnaissent pas le quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution ;

107. Considérant, par suite, que l’article 135 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;

SUR LA PLACE DE CERTAINES DISPOSITIONS DANS LA LOI DE FINANCES :

108. Considérant que l’article 108 de la loi déférée précise les conditions de consultation du comité des finances locales et de la commission consultative d’évaluation des normes mentionnée à l’article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales ;

109. Considérant que l’article 116 de la loi déférée ouvre une possibilité de dévolution du patrimoine monumental de l’État et de ses établissements publics aux collectivités territoriales volontaires ;

110. Considérant que l’article 145 de la loi déférée modifie les articles L. 112-2L. 112-2 et L. 112-3 du code monétaire et financier ainsi que les articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce pour réformer le régime d’indexation de certains loyers ;

111. Considérant que ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État ; qu’elles n’ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État ; qu’elles n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières ; qu’elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu’ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001 ; qu’il suit de là que les articles 108, 116 et 145 de la loi déférée ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;

112. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution,

DÉCIDE

Article premier.– Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances pour 2010 :

  • à l’article 2, les mots : « Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2°, », figurant au 1° de l’article 1467 du code général des impôts, le premier alinéa de son 2° et le second alinéa du paragraphe I de l’article 1586 ter du même code ;
  • au même article 22, les mots : « et la contribution carbone sur les produits énergétiques » figurant au vingt et unième alinéa du paragraphe I de l’article 1586 sexies du code général des impôts et les mots : « et de la contribution carbone sur les produits énergétiques » figurant au dix-septième alinéa de son paragraphe VI ;
  • l’article 7, à l’exception du E de son paragraphe I, ainsi que les articles 9, 10, 108, 116 et 145.


Article 2.– Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances pour 2010 :

  • au 1.2 de l’article 22, le surplus de l’article 1467 du code général des impôts ;
  • au 22.1 de l’article 22, les articles 1586 quater et 15861586 octies, ainsi que le surplus des articles 1586 ter et 1586 sexies du même code ;
  • au 3 de l’article 22, les articles 1519 D à 1519 H, 1599 quater A, 1599 quater B, 1635-0 quinquies et 1649 A ter du même code ;
  • au 3.2 de l’article 777, l’article 1647-0 B septies du même code ;
  • au 4.1 de l’article 22, l’article 1640 B du même code ;
  • au 4.3 et au 4.4 de l’article 788, les articles 1648 AA et 1648 AB du même code ;
  • les articles 8855, 94 et 1355.

Article 3.– La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 2009, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.

Contribution climat-énergie

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