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Conseil constitutionnel, décision n° 2010-11 QPC du 9 juillet 2010

- wikisource:fr, 9/07/2010


Conseil constitutionnel
9 juillet 2010


Séance plénière – Mme Virginie M. – n° 2010-11 QPC




Visas

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mai 2010 par le Conseil d’État (décision n° 324976 du 18 mai 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Virginie M. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du c du 1 de l’article 195 du code général des impôts.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, notamment son article L. 1 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour Mme M. par la SCP Tiffreau-Corlay, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 juin 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 juin 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Pascal Tiffreau pour Mme M. et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 29 juin 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;


Motifs

1. Considérant que le c du 1 de l’article 195 du code général des impôts dispose que le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n’ayant pas d’enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables « sont titulaires, soit pour une invalidité de 40 % ou au-dessus, soit à titre de veuve, d’une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre reproduisant celles des lois des 31 mars et 24 juin 1919 » ;

2. Considérant que, selon la requérante, veuve d’un militaire portugais décédé pendant son service militaire au Portugal, ces dispositions, en opérant une distinction en fonction de la nationalité, portent atteinte au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’elles porteraient atteinte également au principe d’égalité devant les charges publiques garanti par son article 13 ;

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

5. Considérant que, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, le c du 1 de l’article 195 du code général des impôts attribue, sous certaines conditions, une demi-part supplémentaire de quotient familial aux titulaires d’une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ou à leurs veuves ; qu’en témoignage de la reconnaissance de la République française, le législateur a entendu accorder une telle mesure à ces personnes sans considération liée à la nationalité ; qu’en leur réservant cette mesure, il a pris en considération leur situation particulière et répondu à un objectif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi ; que l’allégement d’impôt qui en résulte ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte portée au principe d’égalité doivent être rejetés ;

6. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE

Article 1er.- Le c du 1 de l’article 195195 du code général des impôts est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.


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