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La propriété intellectuelle, une affaire d’experts ?

Paralipomènes - Michèle Battisti, 11/08/2013

Propriété intellectuelle. Géopolitique et mondialisation. Mélanie Dulong du Rosnay et Hervé Le Crosnier, CNRS Éditions, 2013 (Les Essentiels d’Hermès). A découvrir sur le site du CNRS Un ouvrage pour « faire sortir les débats de la sphère des juristes » Les débats autour du droit d’auteur ou

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Propriété intellectuelle. Géopolitique et mondialisation. Mélanie Dulong du Rosnay et Hervé Le Crosnier, CNRS Éditions, 2013 (Les Essentiels d’Hermès). A découvrir sur le site du CNRS

Un ouvrage pour « faire sortir les débats de la sphère des juristes »

Les débats autour du droit d’auteur ou des brevets vous semblent complexes ? La propriété intellectuelle ne serait-elle que le domaine des juristes  alors qu’elle détermine l’accès à la connaissance, aux médicaments, aux semences et à bien d’autres éléments fondamentaux ? Si, dans le monde actuel, le capital immatériel est un enjeu essentiel, le droit de la propriété intellectuelle est un instrument politique qui concerne tous les secteurs d’activités et qui a des incidences sur l’équilibre du monde.

Pour le démontrer, quelques mots-clés et exemples tirés de ce livre pour attirer l’attention sur certaines facettes de la question qui, avec bien d’autres, y sont présentées.

Histoire. Un retour sur le passé pour comprendre puisque le droit d’auteur et les brevets ont de tout temps fait l’objet de débats et qu’une innovation technique qui perturbe les modèles économiques en place est un phénomène récurrent, souvent évoqué. Mais saviez-vous pourquoi les États-Unis n’ont signé la Convention de Berne qu’en 1989 ? Saviez que ce pays n’a reconnu les brevets européens que quand il a estimé pouvoir rivaliser avec les inventions européennes et que l’OMC a mis fin à cette possibilité dont il avait profité en 1994, au grand dam des pays émergents obligés d’adopter les systèmes des pays développés ?

Dérives, lorsqu’un droit d’indexation est exigé par la presse ou lorsque la durée des droits s’étend et que l’effet de rente prend le pas sur l’incitation à la création. Dérives lorsque le domaine public, essentiel pour la création, est « grignoté » par l’extension de la durée et de l’éventail des droits, le contournement des exceptions au droit d’auteur, le droit des bases de données ou encore le « copyfraud ». Dérive jusqu’à l’absurde avec le contrôle de la marque « JO de Londres » et des anneaux olympiques, lorsque les brevets protègent le vivant ou des méthodes, lorsque les offices spécialisés sont incités à multiplier les brevets au détriment de leur qualité et que le brevet n’est plus qu’une arme juridique face à des concurrents. Lorsque les frais d’acquisition et de justice sont supérieurs aux coûts de R&D;, que devient en effet l’innovation ? Les exemples sont légions.

Négociations, car elles mettent en relief la domination de certains pays (les États-Unis notamment), surtout lorsqu’elles sont bilatérales. Comment résister lorsque la propriété intellectuelle sert de monnaie d’échanges dans des batailles commerciales ? Saviez-vous que l’Inde avait dû se battre en 2012 pour continuer à produire des médicaments à coût abordable pour répondre aux besoins de sa population ? Saviez-vous que la Russie et la Chine se sont mises en règle avec l’OMC récemment ? Sans doute aviez-vous entendu parler d’ACTA. Mais connaissiez-vous le CETA et les TTP apparus depuis ? La normalisation, les noms de domaines mêmes sont aussi des enjeux de pouvoir. Voici quelques éléments, et bien d’autres, à découvrir.

Équilibre. Quel est le compromis adopté entre intérêt public et intérêt privé, soit entre créateurs, investisseurs et société, les trois pôles à satisfaire quel que soit l’époque ou le pays ? La technique bouscule le droit et derrière ces mots une reproduction à moindre coût, des enjeux non marchands mais aussi de nouveaux acteurs et de nouvelles tentatives de monopoles sur l’information. Un monde qui bouge et les DRM, qui paraissaient essentiels, sont abandonnés aujourd’hui pour les fichiers musicaux. Mais comment aborder ce droit à l’accès non couvert par le droit d’auteur ? Quel contrepoids représente ce « domaine public consenti » que sont les licences libres adoptées par certains auteurs ? Car un pan de la création et de l’innovation doit rester ouvert pour éviter que l’accès aux connaissances ne se fasse que par des voies commerciales. Enfin, pour reprendre le sujet central qu’est la « géopolitique et la mondialisation », pourquoi ne pas conclure en évoquant le traité sur le droit d’auteur en faveur des personnes en situation d’handicap visuel, obtenu grâce à la volonté de plusieurs pays en développement ?

Un ouvrage pour comprendre et agir afin que la mondialisation reste synonyme de diversité.

Ill. Pan fwytawyd y byd gan falwod Rhisiart Hincks. Flickr CC by-nc-sa 


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