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Un président normal, c'est simple...

Justice au singulier - philippe.bilger, 13/05/2012

Un président normal, c'est simple. On commence déjà à voir ce que François Hollande entendait par là.

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Quand François Hollande, il y a quelques mois, a manifesté son souhait d'être "un président normal", je n'imaginais pas à quel point cette aspiration de bon sens susciterait d'explications, d'exégèses, voire même de controverses alors qu'immédiatement elle semblait couler de source (Le Monde).

Certes, derrière cette volonté était dénoncé en creux le comportement d'un président caractériel, "anormal" et pour répondre à cette attaque implicite, on a fait semblant de considérer que cette "normalité" érigée comme modèle représenterait un exceptionnel défi, une inconcevable exigence.

Alors que François Hollande, en formulant le principe d'une quotidienneté politique tranquille et d'une présidence sereine, était approuvé par la plupart des Français de bonne foi qui n'avaient aucun mal à discerner ce que l'une et l'autre devraient être pour correspondre à cet idéal proclamé.

Rien n'a été plus ridicule que cette polémique inepte qui, feignant de ne pas comprendre ce qui était signifié par "normal", prétendait opposer les missions exceptionnelles de la charge suprême aux dispositions "normales" d'un caractère et imposer à ce dernier une singularité, voire un déséquilibre qui seraient seuls conformes au tempérament d'un chef de l'Etat digne de ce nom. Le désordre de l'être en quelque sorte au soutien de l'Ordre et de la stabilité d'un pays!

Non seulement cette antithèse était rien moins que fondée mais, plus encore, elle révélait, de ceux qui la présentaient comme une évidence, une méconnaissance totale des rapports de l'humanité avec la politique. La normalité espérée par François Hollande, et les premiers jours de sa présidence non officielle démontrent qu'il l'atteindra, constitue en réalité le seul moyen acceptable pour être à la hauteur de ce que la République, par l'élection, attend de son éminent représentant.

Cette idée qui viserait, par perversion intellectuelle, à laisser croire que l'anomalie , l'atypisme, le dérèglement, l'impatience, l'autoritarisme, le narcissisme et l'éruptivité seraient des attributs consubstantiels au pouvoir est évidemment fausse. Et dangereuse. Car elle donne des arguments faciles aux dictateurs du quotidien et bonne conscience aux maîtres de l'Etat qui ont oublié d'être d'abord maîtres d'eux-mêmes.

Est-il si compliqué de percevoir que la normalité dans l'exercice du pouvoir, dans la gestion de l'Etat, dans l'appréhension des conflits où qu'ils se déroulent, dans la manière de vivre, dans l'articulation et l'arbitrage à opérer entre les devoirs et les droits, dans ce qui relève forcément de la pompe et ce qui ne l'impose pas résidera précisément dans cette lucidité apte à discriminer, à répudier l'abus pour ne conserver que l'essentiel ? J'ai trop abusé de cette citation mais Paul Valéry avait tout dit en soulignant avec une froide ironie que "le pouvoir sans l'abus n'offre aucun charme".

Je suis persuadé qu'au cours du quinquennat précédent, pour les modalités des voyages présidentiels, l'organisation des manifestations, la composition des assemblées, l'ampleur du service d'ordre, la liberté et la spontanéité des processus, beaucoup aurait pu, du être allégé, que l'Etat n'aurait pas été amoindri en étant moins pesant et le président moins estimé en étant moins corseté et protégé. Lui et tous les autres. Non pas lui avec les autres.

La normalité qu'évoque François Hollande naît de cette intuition, de cette conscience qui ne manquent pas de frapper toute personnalité attentive à ce souci qu'il y a des moments solennels et d'autres qui le sont moins, qu'il serait aussi inadapté de négliger les formes et leur sophistication pour ce qui se rapporte à la République en majesté que de les maintenir à toute force pour des circonstances qui les rendraient ridicules. La simplicité n'est pas moins créatrice d'élégance que la profusion, la parcimonie que l'appareil somptuaire de l'Etat.

La normalité consiste, à chaque seconde, à percevoir ce signal d'alerte et de vigilance pour soi comme pour son environnement, pour la vie publique comme pour toutes ces phases intermédiaires qui ne sont plus tout à fait de l'Etat et pas totalement de l'intime. Cet avertissement qui conduit à fuir l'inutile, à s'écarter de la vulgarité, du mauvais goût, du trop, du surabondant, de l'excessif, de l'empesé. A ne conserver que le nécessaire. A refuser de n'identifier la puissance singulière et collective qu'à hauteur des nuisances qu'elle crée et de la gêne qu'elle cause. Au contraire, à n'identifier l'exercice légitime et sain du pouvoir démocratique que par les signes indiscutables de la modestie, de l'économie et de la retenue. Les attributs de la domination sont d'autant plus éclatants, profonds, intériorisés qu'ils ne sont pas ostensibles, qu'ils sont suffisamment assurés d'eux-mêmes pour ne pas craindre la discrétion et la justesse.

La normalité, c'est d'être un homme parmi les hommes et de ne se sentir distingué que par l'élection qui est un honneur et non pas une licence.

La normalité, c'est fondamentalement une présidence qui sera un service.

Un président normal, c'est simple. On commence déjà à voir ce que François Hollande entendait par là.

 

 

 


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