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Les Rohingyas : Un génocide dans l’indifférence

Actualités du droit - Gilles Devers, 23/11/2014

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Désolé de casser l’ambiance fraternelle des indignations sélectives, mais il faut parler d’un pays où le pouvoir d’Etat organise avec méthode un génocide, sous nos yeux. Ce pays, c’est la Birmanie, et la population écrasée, ce sont les Rohingyas. La Birmanie, 55 millions de personnes, des bouddhistes à 90%. Les Rohingyas sont la minorité musulmane, environ un million de personnes, regroupée pour le plus grand nombre dans la région de l’Arakan.

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Depuis l’indépendance de la Birmanie en 1948, la majorité accuse cette minorité de tous les maux. Pourquoi ? Comme ça. Connaissez-vous un racisme intelligent ? A ceci près que c’est du racisme d’Etat. C’est le redoutable Ne Win qui a été l’ordonnateur de cette campagne de purification ethnique, mais le président actuel, Thein Sein, poursuit la même politique.

Le principal acte criminel a été une loi de 1982 qui a retiré aux Rohingyas la nationalité : du jour au lendemain, ils sont devenus des apatrides, et cela a été l’accélérateur vers le grand basculement. Un apatride n’est plus nulle part chez lui, et la Birmanie, tenue par les pires crapules, leur a fermé toutes le portes, dans un seul but : les éliminer. La mort lente, mais sûre. Célestine Foucher, de l’ONG Info Birmanie, précise : « Les Rohingyas ne peuvent plus voter, ni occuper certaines fonctions et doivent informer les autorités de leurs mouvements sous peine d’amende. Ils n’ont pas le droit d’être propriétaires, leurs terres sont confisquées et leurs habitations détruites. »

Et puis, régulièrement, de terribles campagnes d’exactions. Depuis 2012, ces campagnes sont récurrentes, et l’impunité encourage ces bandes criminelles, dirigées par le bonze Ashin Wirathu, le leader du groupe 969. Cette organisation bouddhiste considère les Rohingyas comme « une menace pour l’identité birmane et la morale bouddhiste »Human Rights Watch (HRW), assez présente, liste les exactions : stérilisation forcée, refus de soins, destruction de villages, installation dans des camps de rétention, esclavage, viols et tortures sexuelles commis par des militaires, pogroms et arrestations arbitraires.

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Pour l’ONU, c’est « l’une des ethnies les plus persécutées du monde ». Le rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme en Birmanie, M. Tomás Ojea Quintana,  avant de quitter ses fonctions en avril 2014, a détaillé dans son dernier rapport les restrictions discriminatoires qui frappent les Rohingyas, pour conclure que les persécutions comportent des « éléments constitutifs du crime de génocide. Il s’agit de crimes contre l’humanité ».

Tout le monde s’en fiche.

Les premiers responsables sont les dirigeants des pays musulmans, se contentant de protestations minimalistes, et qui n’ont rien à faire du drame qui frappe cette population.

L’Union Européenne et les Etats-Unis, en transe après le voyage de Aung San Suu Kyi, et de premières élections en 2010, lèvent les restrictions commerciales vis-à-vis de la Birmanie, leurs compagnies lorgnant sur les richesses du pays : gaz, pétrole, bois, minerais… Tous les gougnafiers s’apprêtent à se gaver, Totall’entreprise française totalement éthique en tête.

En décembre 2012, une quinzaine de hauts responsables religieux bouddhistes, dont le Dalai Lama, se sont fendu d’une lettre molle comme une chique à leurs frères birmans pour faire part de leur préoccupation…

Mais ça s’accélère. Les dirigeants birmans viennent d’adopter un plan créant des camps pour l’enferment en masse les Rohingyas qui refusent de s’enregistrer comme étant des migrants en provenance du Bangladesh. Enferment à vie, avec une population sans droits et sans défense, à la merci des hordes et des crimes policiers.

Prochaine étape : le génocide. Tout le monde le sait. Juridiquement c’est fait : les Rohingyas ont été écartés deux derniers recensements de 2014. Juridiquement, ils n’existent plus.

Petite lueur d’espoir à l’ONU, ce vendredi 21 novembre, avec le vote d’une résolution la commission des droits de l’homme de l’Assemblée générale appelant la Birmanie à accorder la nationalité birmane à la minorité musulmane apatride des Rohingyas. Le représentant de la Birmanie a protesté  l’utilisation du mot « rohingya » dans la résolution et a prévenu qu’elle risquait de « provoquer la colère en Birmanie et donc compliquer la tâche du gouvernement pour résoudre ce problème ». C’est sûr que parler de quelque chose qui n’existe plus, ce n’est pas malin…

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