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Michel Onfray ne joue pas mais massacre !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 6/06/2017

Michel Onfray, pour cette Cour des miracles, a été moqué sur France Inter. On a cherché à le ridiculiser, il serait excessif, intolérant, partial ! Je suis désolé mais, pour cette radio comme pour tous ceux qui partagent son appréciation, je conclus : un Michel Onfray qui exagère ou même se trompe vaut encore largement mieux que les sarcasmes et la dérision croyant l'accabler.

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Il faut lire Valeurs actuelles.

Rien que pour savoir que le plus grand polémiste d'aujourd'hui est Michel Onfray et que, dans cet art de la violence maîtrisée et éclairante, il rivalise avec nos plus illustres pamphlétaires.

Ils ne sont pas nombreux car contrairement aux médiocres de la charge et du sarcasme qui abondent et ont le venin dérisoire, insignifiant ou indolore, les quelques maîtres de ce genre n'ignorent pas qu'il n'y a rien de plus difficile à exprimer que la méchanceté digne de sens et d'intérêt. Si elle n'est pas talentueuse, on ne l'écoute pas, on ne la lit pas. Si elle est vide ou absurde, on la néglige, on la méprise.

Michel Onfray, dans un entretien où son oralité est au meilleur, donne la substance de "La Cour des miracles" - ses carnets de campagne présidentielle de juillet 2016 à avril 2017.

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Il récuse fondamentalement les forces qui ont adhéré au traité de Maastricht et souligne qu'au sein de la droite et de la gauche, il existe "un courant maastrichien et libéral (PS, Les Républicains, UDI, PRG, la sensibilité de Macron) et un courant anti-maastrichien et souverainiste (PCF, La France insoumise, Debout la France, FN).

Il aspire à rebours à "un socialisme de type proudhonien autogestionnaire, girondin, rural, campagnard et provincial...nous permettant de nous gouverner nous-mêmes sans devoir abdiquer notre souveraineté aussi bien individuelle que nationale".

On a le droit de juger utopique son projet de prédilection en même temps que d'approuver son constat sur le caractère décisif, pour les partis, de leur inscription ou non dans la logique du traité de Maastricht.

Utopique ? Selon Onfray, cette gauche "invisible" existe : "celle des associations et du bénévolat, du militantisme de terrain et des acteurs sociaux, de la liberté individuelle et de l'action concrète". Difficile de nier qu'aujourd'hui la "base" fourmille d'inventions et d'expériences qui déplacent le champ du pouvoir mais nous sommes loin cependant d'une globalité proudhonienne qui briserait le jacobinisme, la centralisation et la domination de Paris.

Il y a ainsi, chez Michel Onfray - et ce n'est pas son moindre charme intellectuel -, le réalisme de l'observateur et le rêve de l'idéaliste. Il décrit l'état de la France telle qu'elle est et s'enthousiasme pour celle qui pourrait surgir de sa conception à la fois socialiste et libertaire. Il y a ses analyses et il y a ses songes. Alliance troublante dont la plénitude contrastée, contradictoire emporte à tout coup une adhésion partielle au moins à l'un des termes.

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L'argumentation impressionnante qu'il développe, presque totalitaire à force de ne laisser aucune place à la pensée contraire ou à une opinion moins tranchée, peut gêner le lecteur précisément à cause de ce dispositif tout armé dans sa tête, de ce quadrillage qu'il impose au réel, à ses nuances et à ses singularités pour que rien n'échappe à son interprétation. On aboutit à ce paradoxe que cet être épris de liberté n'est pas loin de réduire les protagonistes du monde politique à des marionnettes qui seraient manipulées et gouvernées par des puissances financières et mondialistes. Ainsi le président de la République aurait été mis en place sans que son talent, son intelligence y soient pour rien. Tous les événements, les victoires, les défaites, les primaires lui apparaissent déterminés, programmés. Une telle approche est désespérante pour qui croit encore à l'invention humaine, à une politique qui donnerait leur chance aux personnalités et à leur capacité de création.

Faut-il considérer cela comme l'inévitable rançon que doit payer un intellectuel de haut niveau voué à des globalités et ne pouvant tolérer la moindre exception venant fragiliser sa construction ?

S'attacher à cette formidable machine de réflexion acerbe et percutante oblige à passer sur ces critiques pour prendre de plein fouet le génie de la formulation, du trait dévastateur, le regard acéré, la causticité du jugement.

Michel Onfray ne se contente pas comme tant d'autres de dénoncer des abstractions, il vise la tête - Oradour-sur-Glane et Emmanuel Macron lui permettent d'offrir un morceau de bravoure sur la comparaison absurde entre le FN et le nazisme - et pourfend des personnages qui ne sont pas habitués à être traités de la sorte.

Parfois injuste - Bayrou n'est pas "le centre mou, très mou" -, il est trop dur sur Emmanuel Macron, lucide ou cinglant au sujet de tant d'autres : notamment Alain Juppé, "un homme de droite que la gauche de droite aime aimer", Manuel Valls, "Un matador de vaches laitières", Arnaud Montebourg, "un redressement improductif", Jean-Luc Mélenchon, "Un narcissique qui connaît bien le Tribunal révolutionnaire mais ignore encore que Thermidor a eu lieu", Bruno Le Maire, "Un homme qui se disait gêné par sa trop grande intelligence et qui a bien raison".

C'est un régal que cette galerie de portraits : Onfray est un La Bruyère précipité et indigné qui va droit à la cible. Il touche et fait mouche.

Je ne voudrais pas laisser croire que Michel Onfray ne sait faire que dans la dévastation et le vindicatif tous azimuts. Alors qu'il est magnifiquement classique et superbement banal quand il définit la trilogie de toute campagne présidentielle : séduction-élection-trahison. Comme il le dit si bien, pour "gauche et droite confondues, c'est le grand mouvement des choses en politique". Et comme une fatalité.

Michel Onfray, pour cette Cour des miracles, a été moqué dans la revue de presse de France Inter. On a cherché à le ridiculiser, il serait excessif, intolérant, partial ! Je suis désolé mais, pour cette radio comme pour tous ceux qui partagent son appréciation, je conclus : un Michel Onfray qui exagère ou même se trompe vaut encore largement mieux que les sarcasmes et la dérision croyant l'accabler.


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