Actions sur le document

Les enfants étrangers non accompagnés encore et toujours (484)

Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 17/09/2012

Le rapport de France Terre d’asile préparé pour le compte de l’Union européenne et rendu public aujourd’hui par Libération met nettement en évidence combien, à l’échelle des 27, les politiques sont disparates et souvent contestables à l’égard des jeunes personnes … Continuer la lecture

Lire l'article...

Le rapport de France Terre d’asile préparé pour le compte de l’Union européenne et rendu public aujourd’hui par Libération met nettement en évidence combien, à l’échelle des 27, les politiques sont disparates et souvent contestables à l’égard des jeunes personnes qui arrivent régulièrement à nos frontières pour y demander protection sans être accompagnées d’adultes.

Elles se revendiquent souvent comme mineures c’est-à-dire âgées de moins de 18 ans ; elles ne le sont pas toutes. Souvent démunies de papiers, ou au mieux dotées d’un acte d’état-civil tenu pour douteux, elles ont fréquemment des difficultés à faire la preuve de leur identité et souvent de leur âge. Les techniques de datation dont nous disposons sont peu fiables : avec 18 mois de marge d’erreur un « examen osseux » est rarement probant. Certains pays comme l’Allemagne y ont renoncé pour des approches plus subjectives (observation du comportement, raisonnement, etc.) par-delà la seule apparence physique.

Dans un contexte économique tendu dans tous les pays, tous ces jeunes sont a priori suspects de vouloir forcer nos frontières pour venir s’installer, étudier, travailler et alimenter leur famille ou leur communauté alors que l’emploi ici est devenu une matière rare.

Premier constat : la tendance lourde dans l’UE est bien à être réticents à  admettre la minorité malgré les discours, voire certains documents d’identité rapidement tenus pour totalement falsifiés ou comme de vrais-faux documents distribués par des autorités officielles corrompues.

Deuxième constat : même tenus pour mineurs les enfants sont régulièrement traités comme des adultes. Ils sont étrangers avant d’être enfants.

Troisième constat la preuve des persécutions ou des exactions supportées par ces personnes ou auxquelles elles ont échappées n’est pas souvent facile à apporter et, en tous cas, n’est pas communément retenue.

L’enquête relève de bonnes pratiques par-ci ou par-là et suggère leur généralisation aux autorités européennes et aux Etats membres. Le lecteur constatera que la France dispose comme les autres pays d’une marge de progression notable. Ainsi elle pourrait mieux veiller à ce que ces jeunes soient réellement assistés à leur arrivée en France d’une personne – un administrateur ad hoc - formée à les accompagner dans leur parcours administratif et humain et à défendre leurs intérêts ; ainsi encore nous gagnerions à disposer de plus de places d’accueil où ces jeunes pourraient se poser en toute sécurité le temps que leur itinéraire soit reconstitué, qu’un « tracing » soit engagé pour retrouver leur famille dont les membres sont souvent éclatés sur différents continents, sinon en Europe, pour que des perspectives positives leur soient données. On multiplierait les illustrations.

Des initiatives peuvent venir de l’Europe qui doit veiller à harmoniser par le haut ces réponses ; d’autres pourraient être prises proprio motu par la France pour ce qui la concerne.

Par-delà l’asile ….

Des mesures nouvelles s’imposent pour les enfants demandeurs d’asile, normalement les cas les plus dramatiques ; d’autres sont tout aussi urgentes pour tous ces jeunes qui n’entendent pas jouer la carte de la demande d’asile ou de la protection subsidiaire, estimant ne pas en relever ou encore parce que cette piste non seulement est aléatoire, mais à double tranchant dès lors qu’elle peut les couper définitivement de leur pays et de leur proches.

Ils ne sont finalement qu’une minorité -10 % sur les 5 à 6000 qui arrivent chaque année en France - à solliciter l’asile. Les autres se présentent comme venant en France pour y chercher une formation – et déjà une scolarisation – et un travail pour pouvoir vivre, quand dans leur pays d’origine ils se disent condamnés, et pour nourrir leur proches ; ils ont souvent été envoyés en Europe pour nourrir la famille ou le village.

Tous savent qu’ils ne seront pas expulsables s’ils entrent sur le territoire français et échappent à leur arrivée au refoulement en zone d’attente. Beaucoup savent à travers les passeurs que l’Aide sociale à l‘enfance sur ordre de la justice peut les prendre en charge car ils seront tenus pour en danger. Dès lors, d’évidence et ce n’est pas un scoop, je l’ai dit ici comme d’autres, le dispositif de protection de l’enfance est instrumentalisé.

La difficulté tient aujourd’hui à ce qu’avec le conflit aiguë qui a opposé l’Etat au Conseil général de la Seins Saint Denis au dernier trimestre 2011 nous avons totalement dérégulé le dispositif qui s’était élaboré sur 15 ans. Des cohortes et des cohortes de jeunes arrivent toujours qui ne sont pris en charge par personne et qui vont basculer dans la clandestinité avec tous les risques pour eux, mais aussi pour nous car il faudra bien qu’ils émergent un jour, en espérant que ce ne sera pas de la délinquance aiguë !

Je  l’ai dit ici et ailleurs, et je le répète, la cause défendue par le président du conseil général de l’époque – Claude Bartolone – était juste dans la mesure où il s’agissait de contraindre l’Etat à mieux assumer ses responsabilités quand il refusait depuis 1985 d’entendre quoi que ce soit. Mais ce combat s’est fait sur les dos des jeunes concernés et aujourd’hui des centaines de mineurs sont tenus à la porte du dispositif de protection de l’enfance, les conseils généraux concernés et les tribunaux ayant été dédouanés de leur mauvaise conscience par le fait qu’ostensiblement le CG de la Seine Saint Denis, puis l’Etat a pu violer la loi pendant plusieurs mois sans que quiconque s’en indigne véritablement et sortir gagnant de ce bras de fer. Je ne reviendrai pas sur les termes de l’accord Etat conseil général qui veut que 9 jeunes sur 10 qui se présentent en Seine Saint Denis soient désormais adressés tels de paquets recouverts d’un ordre du parquet vers des établissements de province proche censés les accueillir !

Je constaterai quitte à forcer le trait - mais si peu - qu’à Paris comme à Bobigny, la puissance publique a délégué à des associations le pouvoir de décider qui est majeur ou mineur !

J’observerai que les jeunes personnes refoulées du dispositif,  en violation des droits humains élémentaires, ne sont pas informées loyalement sur leurs droits,  sur les recours ouverts et mis en situation de les exercer .

Je dirai encore que de plus en plus les services sociaux départementaux jouent ostensiblement la montre pour nombre de jeunes pour arriver à la majorité et constater qu’ils sont devenus majeurs sans papiers en France. On  leur refuse nettement aujourd’hui un contrat jeune majeur. Il leur faudra  à défaut de repartir dans leur pays quitter l’hôtel ou l’hébergement jusque-là ménagé pour la forme. Cela n’empêche pas, dans le même temps, les mêmes services de conduire au mieux et au plus loin la prise en charge de certains jeunes avec des succès non négligeables. Malheur à ceux qui restent sur le carreau pour être arrivés le mauvais jour et s’être trouvé dans le mauvais département !

On comprend que les conseils généraux à ne pas avoir été soutenus par l’Etat aient décidé d’entendre leurs travailleurs sociaux dépassés par ces situations et de limiter les frais dans tous les sens du terme.

J’observerai surtout que depuis décembre 2011, et cela n'a pas évolué depuis mai 2012, l’Etat et les conseils généraux ne se sont toujours pas mis autour d’une table pour enterrer la hache de guerre et trouver un bon accord entre eux, au nom de la France.

Car le problème est simple à poser et même à résoudre si on entend que :

1)    l’Etat comme les conseils généraux ont des responsabilités à l’égard de ces jeunes. Ils les exercent même si chacun souhaiterait surtout dans cette période aux budgets publics tendus que l’autre en fasse un peu plus.

2)    Il faut être réaliste : ces jeunes ont généralement vocation à rester en France. Au regard des sacrifices de leur famille ou de leur communauté pour les faire venir ici et à la mission qui leur a été confiées, il est impensable qu’ils repartent bredouilles ; Ils jouent la carte de leur vie.

3)    Ils sont une chance pour la France. Ils ne sont pas dangereux. Ils aspirent à étudier, étudier, étudier pour pouvoir travailler. Il est rarissime qu’ils commettent un délit. Ainsi ceux qui en septembre-décembre 2011 quittaient chaque jour le tribunal avec un ticket restaurant et un ticket de métro pour se rendre à Paris, délivrés généreusement par la République, auraient pu voler de quoi se nourrir dans les grands magasins. N’importe quel avocat stagiaire aurait obtenu une relaxe en plaidant l’état de nécessité ; surtout on aurait pu les confier à la PJJ sans que celle-ci puisse se défausser sur ordre de ses responsables nationaux. Las ! Aucun vol, aucun cri, aucune récrimination n’ont été enregistrés.

En d’autres termes l’Etat et les conseils généraux sont condamnés à trouver une bonne clé de répartition financière du coût de prise en charge de ces jeunes qui deviendront à terme de bons français. Entre-temps ils permettront à nombre de foyers sociaux de ne pas fermer et donc de maintenir de l’emploi au fin fond de la France. Il faut que l’Etat veille ensuite à une péréquation entre départements. Lui doit avoir le souci des titres de séjour et des autorisations de travail quand les personnes concernées sont dans les clous.

Soyons lucides, soyons cyniques, soyons réalistes, et sortons de cet entre-deux glauque qui n’est pas à la gloire de notre pays et qui finira rapidement par nous coûter cher sur le plan humain et au plan international.

Il est temps de faire enfin de la politique et de l’afficher. Il faut un pilote ministériel dans l’avion, deux ou trois missi dominici pour mettre tout le monde autour de la table et rétablir le dialogue pour relancer la machine de l’intégration conforme à nos valeurs quand aujourd’hui nous alimentons les bataillons des hors-la-loi et nous n’avons pas à être fiers de ce que nous faisons depuis un an !


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...