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Le malheur, le ridicule et le sérieux...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 24/10/2015

Comment ne pas faire allusion à un livre de Bernard Plasait, reçu il y a peu sur "Le Discours, une passion française" avec cette phrase d'Oscar Wilde en couverture : "Je déteste les discussions. Elles vous font parfois changer d'avis". C'est à cause de cela que je les aime.

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A cause de la catastrophe de Puisseguin et des quarante-trois morts, la France s'est retrouvée émue, effondrée comme si elle faisait partie de leurs familles.

La ruée des politiques sur le lieu du malheur, les interventions multiples pour exprimer compassion et solidarité, le traitement médiatique opéré avec tenue et dignité (TF1), pour une fois, ne peuvent pas être suspectés d'une volonté perverse d'instrumentalisation.

Il est terrible d'avoir à le dire mais grâce à cette immense tragédie, l'unité d'un pays fracturé, écartelé s'est fragilement restaurée.

Et a relégué heureusement les ridicules de ces derniers jours où l'émission Des paroles et des actes sur France 2, qui aurait dû avoir pour invitée Marine Le Pen, a tourné à la pantalonnade parce que son animateur David Pujadas, coincé entre conformisme politique et indépendance, à l'écoute de l'alliance dévastatrice pour le pire de LR et du PS, a imaginé une usine à gaz en espérant que l'appétence médiatique la ferait accepter dans n'importe quelle condition.

Ce qui s'est déroulé à cette occasion, les tractations, les combines, la République réduite à sa plus simple et vulgaire expression, les rapports troubles et complaisants entre les élites politiques et médiatiques - ce n'est pas nouveau mais quel formidable révélateur que cette dernière mascarade ! - ont plongé tous ceux qui se passionnent pour la chose publique au mieux dans la stupéfaction, au pire dans l'indignation.

Qu'on approuve ou non la décision d'annulation de sa venue par Marine Le Pen, ce décret brutal, fondé selon elle par son refus de l'impérialisme médiatique, a mis de la netteté et de la clarté dans un indécent embrouillamini.

Le malheur, le ridicule.

Et le sérieux.

Cela fait du bien, en effet, de lire que pour Alain Juppé auquel Le Point consacre une enquête fouillée et éclairante, l'essentiel, pour demain, est "l'emploi, l'emploi, l'emploi. Et la sécurité, la sécurité, la sécurité".

A première vue, rien de bouleversant dans cette double exigence. Mais, depuis des lustres, on n'entend plus une personnalité politique affirmer aussi simplement, avec une évidence aussi tranquille, qu'il y a là la matrice fondamentale de l'avenir français, l'emploi et la sécurité étant au demeurant liés par une relation incontestable même si on estime qu'aucune transgression individuelle n'est noyée dans le déterminisme social.

Le chômage est une plaie qui ne cesse de s'aggraver à proportion des promesses inconsidérées sur sa diminution. Parce que n'est jamais envisagée une autre politique vraiment libérale qui permettrait de vaincre sa résistible ascension.

La sécurité au sens large, c'est le couple qui devrait être indissociable, en tout cas complémentaire entre elle et la justice. On sait qu'aujourd'hui Bernard Cazeneuve doit être vigilant et rigoureux pour deux.

Les manifestations des policiers et des surveillants de prison, la fronde des avocats démontrent que la coupe est pleine et que maintenir Christiane Taubira revient à casser l'efficacité de la lutte solidaire contre toutes les formes de délinquance et de criminalité.

Cette focalisation d'Alain Juppé sur l'essentiel véritable a aussi pour mérite de chasser des problématiques non négligeables certes mais tout de même secondaires par rapport à ces deux impératifs : le travail et la sûreté. Je songe à l'identité, aux discussions sur l'islam, à la manière d'être français, au FN obsessionnel dans le discours politique et à la chasse aux intellectuels qui ne seraient pas de gauche avec une incongruité provocatrice.

Il n'empêche que je me réjouis de pouvoir débattre à Arcachon sur ces thèmes et d'autres, sous l'égide du Grand Débat de Philippe Lapousterle, avec Laurent Joffrin et Jérôme Sainte-Marie. J'éprouve une infinie curiosité et une impatience à l'idée de cette confrontation.

Comment ne pas faire allusion à un livre de Bernard Plasait, reçu il y a peu sur "Le Discours, une passion française" avec cette phrase d'Oscar Wilde en couverture : "Je déteste les discussions. Elles vous font parfois changer d'avis".

C'est à cause de cela que je les aime.


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