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Procès Orsoni : le grand ancien et la génération cocaïne

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 28/05/2015

Le meilleur avocat de la brochette de jeunes hommes qui comparaissent devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence pour un double assassinat et une tentative d’assassinat commis en bande organisée n’appartient ni au barreau de Paris, ni à ceux … Continuer la lecture

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Alain Orsoni, le 11 mai à Ajaccio (AFP PHOTO / BORIS HORVAT)

Alain Orsoni, le 11 mai à Aix-en-Provence (AFP PHOTO / BORIS HORVAT)

Le meilleur avocat de la brochette de jeunes hommes qui comparaissent devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence pour un double assassinat et une tentative d’assassinat commis en bande organisée n’appartient ni au barreau de Paris, ni à ceux de Lille, Marseille ou Ajaccio. Il ne porte pas robe mais une paire de jean et un blouson sombre sur une chemise ajustée et il est assis au banc des accusés. Alain Orsoni, ex-figure du mouvement nationaliste, s’est fixé une mission : obtenir l’acquittement de son fils Guy, considéré par l’accusation comme le principal organisateur de la série de règlements de comptes menés contre les frères Castola, Thierry et Francis, et un de leurs proches, Sabri Brahimi, entre janvier et avril 2009 dans la région d’Ajaccio.

Plus l’audience avance et plus cette encombrante figure paternelle devient un atout pour la défense. Du dossier d’instruction, il était au départ la pierre angulaire. Son parcours politique, sa personnalité, les ambitions qu’on lui prête sur la région ajaccienne depuis son retour en Corse en 2008 après dix ans d’exil et le projet d’assassinat déjoué dont il a été la cible la même année, le désignaient comme le commanditaire d’une vengeance de clan dont son fils aurait été l’exécutant. Mais au fil de l’enquête, les charges initialement retenues contre Alain Orsoni pour complicité d’assassinats se sont effondrées. De cette fragilité originelle de la thèse de l’accusation, il entend désormais faire bénéficier Guy Orsoni. Faute de tête paternelle, soutient-il, on ne saurait accuser le bras armé du fils.

Dégagé de la plus lourde accusation pénale, Alain Orsoni est donc libre de capter toute la lumière pour mieux la détourner de la bande d’amis dont son fils Guy est le pivot central et qui se retrouvent avec lui le banc des accusés. Âgés de 20 à 35 ans au moment des faits, ils partageaient leur vie entre la Corse et Marseille. La plupart d’entre eux vivotaient de petits boulots, passaient beaucoup de temps au café le jour, dans les boîtes à la mode d’Ajaccio la nuit, jouaient au poker ou aux jeux vidéo.

« C’est important le marché de la cocaïne à Ajaccio ? »

Presque tous admettent être consommateurs de cocaïne, retrouvés en doses plus ou moins importantes lors des perquisitions de leurs domiciles, aux côtés de quantité d’armes et de munitions. Certains des accusés ont déjà à leur casier judiciaire des condamnations pour vol à main armée ou trafic de stupéfiants. L’argent liquide ne semble pas manquer, qui finance des séjours réguliers à l’étranger. Guy Orsoni lui-même a été condamné pour blanchiment après s'être fait interpeller en 2008 en compagnie de deux de ses coaccusés, Jean-Baptiste Ottavi et Franck Tarpinian, alors qu’ils rentraient d’Espagne en possession de près de 90 000 euros.

« On parle tout de même beaucoup de cocaïne dans ce dossier et des deux côtés » a relevé le président Patrick Vogt dans une allusion à la solide réputation délinquante des membres du Petit Bar à laquelle appartiennent les Castola. « C’est important le marché de la cocaïne à Ajaccio ? » a-t-il demandé aux accusés ouvrant la voie à l’accusation sur cette dérive susceptible d’être l’une des motivations des règlements de comptes. « Ils n’ont ni l’intelligence, ni la formation politique de leurs aînés » avait observé, comme à regret, le commissaire Frédéric Trannoy, en rendant compte de son enquête à la barre.

Sur cette génération de jeunes fêtards amateurs de stupéfiants, que pour la plupart il ne connaissait pas, Alain Orsoni projette son ombre tutélaire. Il convoque son passé de militant nationaliste, le souvenir de « la profonde amitié » qui l’a lié à Francis Castola père, son frère d’armes, pour écarter l’hypothèse de tout règlement de comptes entre leurs héritiers. La lettre envoyée aux frères Castola dans laquelle il les menace « d’enlever la race » s’ils continuent à « prendre des renseignements » sur son fils ? « Un coup de colère » qui, affirme-t-il, constitue son « meilleur alibi ». « Vous ne pensez quand même pas que je serai assez bête pour menacer de mort quelqu’un que j’envisagerais de tuer ! » Il retrouve les accents du combattant politique – « Si j’ai un désaccord, ou si je veux me venger de quelqu’un, moi j’agis en militant, je fais une conférence de presse, une campagne politique », dit-il – pour éloigner le spectre d’une réponse criminelle au projet d’assassinat qui l’a visé. Surtout, il assume son rôle de père. « Qui pourrait croire que je serais assez pourri, ignoble, dégueulasse, pour me servir de mon fils ? », lance-t-il avec fougue avant de prendre la plus large part de responsabilité dans la cavale de vingt-deux mois qui pèse lourd aujourd’hui contre Guy Orsoni. « Il avait l’impression qu’il y avait un acharnement contre lui. L’énorme bêtise que j’ai faite, c’est de ne pas avoir suffisamment aidé mon fils à se constituer prisonnier. C’est normal de la part d’un père. Mais j’étais convaincu qu’il fallait que cette cavale s’arrête » dit-il.

L’émotion qui l’a gagné pendant quelques secondes s’efface, il fixe la cour et les jurés et leur assène avec toute son autorité retrouvée : « Je suis un militant politique, je ne suis pas un voyou, j’exècre les voyous. »


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