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Les marques conservées à l’INPI Épisode 10 : Les marques peuvent-elles témoigner de l’Histoire ?

Le petit Musée des Marques - Frédéric Glaize, 9/07/2019

Le petit Musée des Marques accueille l’INPI, qui vous propose une série d’articles mettant en lumière le patrimoine extraordinaire que constituent ses archives.Retrouvez les épisodes déjà publiés :#1 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 1 : un patrimoine à découvrir #2 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 2 : 1857, la première procédure de dépôt des marques#3 Les marques ...

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Le petit Musée des Marques accueille l’INPI, qui vous propose une série d’articles mettant en lumière le patrimoine extraordinaire que constituent ses archives.

Retrouvez les épisodes déjà publiés :
#1 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 1 : un patrimoine à découvrir 
#2 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 2 : 1857, la première procédure de dépôt des marques
#3 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 3 : 1,3 million de marques déposées de 1857 à 1965
#4 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 4 : la première marque déposée en France
#5 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 5 : aux origines de la classification des marques 
#6 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 6 : les différentes formes de marques
#7 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 7 : 1884, la naissance du Bulletin officiel de la propriété industrielle
#8 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 8 : les marques étrangères
#9 Les marques conservées à l’INPI. Épisode 9 : Aperçu de l’évolution du droit des marques jusqu’aux années 1960

Nous voici déjà arrivés au dixième épisode de cette série de Steeve Gallizia, Chargé de la valorisation des archives patrimoniales de l’INPI.

L’INPI conserve l’intégralité des marques enregistrées en France depuis l’adoption de la loi du 23 juin 1857, qui fonde le droit des marques de fabrique et de commerce. Cette collection unique de registres originaux, renfermant plus de 1,3 millions de formulaires de dépôt jusqu’en 1964, reflète plus de 100 ans d’histoire des marques, et bien plus encore.

Si la première loi sur les brevets de 1791 précise qu’une invention « jugée contraire aux lois du royaume, à la sureté publique ou aux règlements de police » sera rejetée par l’administration, rien de tel n’est indiqué pour les marques. Par exemple, le 23 novembre 1918, la demande d’enregistrement pour des vins de Champagne de la marque « On les a eus ! », en référence à la victoire alliée contre l’Allemagne, est acceptée.

Marque « On les a eu !» déposée au greffe du tribunal de commerce d’Epernay le 23 novembre 1918, par Edmond-Michel LEVY et destinée à des vins de Champagne. Source : archives INPI

Le 11 novembre 1918, la signature de l’armistice met fin à quatre années de guerre. Tout comme « On les aura ! » lancé en août 1914, « On les a eus !» devient le symbole collectif de la victoire alliée. La monopolisation à des fins d’exploitation commerciale de ce slogan ne paraît pas heurter les valeurs morales de la nation. Et ce n’est qu’un exemple, plutôt mesuré, au regard des autres marques enregistrées pendant le premier conflit mondial, dont les noms ou les logos sont directement inspirés des évènements liés au premier conflit mondial. Elles se comptent par centaines, dans tous les domaines industriels.

Il est cependant intéressant de prendre cette classe des vins mousseux comme exemple. Elle contient un grand nombre de ces marques que l’on pourrait qualifier « de circonstances ». On peut alors s’interroger sur ces producteurs de Champagne et autres vins mousseux entre 1914 et 1918 : auraient-ils plus de rancœur contre l’envahisseur que d’autres déposants de marques ? Et pourquoi ? Le conflit fait certainement chuter les ventes ? Une certaine iconographie montre pourtant qu’on ne vit pas si mal à l’arrière et que le champagne y coule parfois à flot. Quoi qu’il en soit, les régions productrices, dévastées par les combats, souffrent sans doute plus que les autres. Et que penser de ceux qui ne déposent pas de marques montrant leur hostilité contre l’envahisseur ? Leurs cœurs balanceraient-ils du « mauvais » côté ? L’étude des marques pourraient peut-être apporter certains éléments de réponses. Dans tous les cas, elles sont une source originale à ne pas négliger.

Marque « Champagne et Mousseux ANTIBOCHE » déposée en 1915 pour du champagne, source : Archives INPI

En 1964, la réforme de la loi de 1857 introduit une nouvelle cause de refus d’enregistrement d’une marque : désormais « ne peuvent être considérés comme une marque ni en faire partie les signes dont l’utilisation serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ». Jusqu’à cette date, les marques qui seraient sans doute aujourd’hui irrecevables, témoignent d’un état de conscience, personnel ou collectif, à un moment et dans un lieu donnés.

Marque déposée en 1918 pour du champagne. Source : Archives INPI

Les archives conservées à l’INPI permettent dans un premier temps d’attester de l’enregistrement d’une marque. Prises une par une ou en reconstituant tous les dépôts d’une société, elles sont représentatives de la stratégie commerciale de cette dernière. Mais, aujourd’hui, prises dans leur globalité, elles constituent une source d’analyse originale. Ainsi, le fonds patrimonial des marques n’est pas seulement le passage obligé pour esquisser l’histoire d’une société, d’un domaine industriel, ou cerner une économie locale ou régionale. Les marques sont aussi le reflet de notre Histoire collective et leur étude éclaire sous un angle nouveau l’Histoire économique, mais aussi sociale et culturelle, de la France contemporaine.

Contact : sgallizia@inpi.fr


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