Actions sur le document

Canada : La Cour suprême libére la prostitution

Actualités du droit - Gilles Devers, 20/12/2013

S’agissant de la prostitution, le Canada connait un régime proche de celui...

Lire l'article...

S’agissant de la prostitution, le Canada connait un régime proche de celui de la France (je ne parle pas de la loi de Bambi, qui est tellement nulle qu’elle explosera au premier procès). La prostitution est légale, mais l’environnement est vite pénal : tenir une maison de débauche, vivre des produits de la prostitution d’autrui ou communiquer avec quelqu’un en public en vue d’un acte de prostitution. Les nobles motifs du législateur sont d’empêcher les nuisances publiques et l’exploitation des prostituées, mais les prostituées, pas d’accord, estiment que ces restrictions compromettent leur sécurité et leur choix de vie, au point d’en être inconstitutionnelles. Des prostituées ont contesté la constitutionnalité de ces textes, et la Cour suprême vient de leur donner raison (Procureur général c. Bedford, 2013 CSC 72, 20 décembre 2013).

La Cour suprême souligne qu’il n’est pas impossible pour le législateur de fixer un cadre à la prostitution, mais il ne peut le faire que dans la mesure où ce cadre conforte la sécurité des prostituées, et leur manière de vivre.

Cet arrêt nous intéresse d’autant plus que le droit appliqué – constitution et code pénal – sont proches de notre système. Il faut donc souhaiter que les prostituées, isolément ou par leur syndicat, s’inspirent de ce raisonnement et fasse péter cette insupportable hypocrisie qui reconnait la légalité de la prostitution, et en pénalise l’exercice, au détriment de la sécurité et des choix des prostituées.

Voici une analyse de l’arrêt, très proche de la rédaction, et sans commentaire.

van-gogh-gogh-bordel-1888-big.jpg

I – Les textes en cause

Selon l’article 210, est coupable d’une infraction quiconque, selon le cas, habite une maison de débauche, est trouvé, sans excuse légitime, dans une maison de débauche ou, en qualité de propriétaire, locateur ou occupant d’un local, en permet sciemment l’utilisation comme maison de débauche. 

L’alinéa 212(1)j) dispose qu’est coupable d’un acte criminel quiconque vit des produits de la prostitution d’autrui. 

L’alinéa 213(1)c) crée l’infraction d’arrêter ou de tenter d’arrêter une personne ou de communiquer ou de tenter de communiquer avec elle dans un endroit public dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services sexuels d’une personne qui s’y livre.

La question posée est de savoir si ces trois textes sont conformes à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, de valeur constitutionnelle : « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». La Cour suprême n’a pas statué dans l’absolu des principes, mais dans la tension existant entre ces principes et les faits. Cette confrontation avec les faits est un solide procédé pour contenir les délires, et voici, au mot près, les faits dont était saisi la Cour.

II – Les faits

Terri Jean Bedford

Terri Jean Bedford est née en 1959 à Collingwood, en Ontario.  En 2010, elle se prostituait depuis 14 ans et avait travaillé dans différentes villes canadiennes.  Elle a été à tour à tour prostituée dans la rue, employée de salon de massage, escorte, propriétaire et directrice d’une agence d’escortes, puis dominatrice.  Elle a connu une enfance et une adolescence difficiles pendant lesquelles elle a subi divers types de violence.  Elle a également été victime d’actes de violence pendant ses années de prostitution, surtout, a‑t‑elle expliqué, lorsqu’elle travaillait dans la rue.  Elle en conclut que la prostitution pratiquée à l’intérieur est moins risquée que la prostitution dans la rue, même si elle reconnaît que la sécurité à l’intérieur peut varier d’un lieu à l’autre.  Mme Bedford a été déclarée coupable d’avoir tenu et habité une maison de débauche, deux infractions qui lui ont valu des amendes et une peine d’emprisonnement de 15 mois.

Lorsqu’elle dirigeait un service d’escortes dans les années 1980, Mme Bedford prenait diverses mesures de sécurité, dont les suivantes.  Assurer la présence sur place d’une autre personne lors de la visite d’un nouveau client; faire en sorte que la prostituée soit amenée au lieu de rendez‑vous, puis en soit ramenée par son petit ami, son mari ou un chauffeur; appeler l’hôtel où le rendez‑vous est donné pour vérifier le nom du client et le numéro de sa chambre; composer le numéro de téléphone du client pour s’assurer que c’était le bon lorsque la rencontre avait lieu chez le client; refuser tout rendez‑vous à un client qui semblait intoxiqué; s’assurer que le numéro de carte de crédit correspondait au nom du client.  Pour autant qu’elle sache, aucune de ses employées n’a été victime d’actes de violence de la part de clients pendant cette période.  À un certain moment au cours des années 1990, Mme Bedford a ouvert le « Bondage Bungalow » où elle a offert des services de dominatrice.  Elle y a également pris des mesures de sécurité et n’a connu qu’un seul incident de « violence véritable ».

Pour l’heure, Mme Bedford ne se livre pas à la prostitution. Elle aimerait reprendre ses activités de dominatrice dans un lieu sûr, à l’intérieur, mais elle craint d’engager alors sa responsabilité criminelle.  Elle ajoute ne pas vouloir non plus que ses collaborateurs s’exposent à des accusations de proxénétisme.

Amy Lebovitch

Née en 1979 à Montréal, Amy Lebovitch a grandi dans une famille stable et a fréquenté le cégep et l’université.  Elle se livre actuellement à la prostitution.  Elle a commencé vers 1997 et a travaillé dans plusieurs villes du Canada.  Elle s’est d’abord prostituée dans la rue, puis comme escorte et, enfin, dans une maison fétichiste.  Elle s’estime chanceuse de n’avoir jamais été victime de violence au cours des années où elle a travaillé dans la rue.  Elle a quitté ce milieu pour devenir escorte après avoir vu les blessures infligées à d’autres prostituées de la rue et avoir entendu le récit des actes de violence commis à leur endroit.  Mme Lebovitch soutient qu’elle se sent davantage en sécurité lorsqu’elle se livre à la prostitution à l’intérieur.  Selon elle, les incidents qui s’y produisent malgré tout sont essentiellement attribuables à une mauvaise gestion.  Elle n’a connu qu’un seul cas de violence digne de mention, qu’elle n’a toutefois pas dénoncé de crainte d’attirer l’attention de la police sur ses activités et d’être accusée au criminel.

À l’heure actuelle, Mme Lebovitch se prostitue essentiellement chez elle, de manière autonome.  Elle prend diverses précautions, dont s’assurer que le numéro de téléphone du client n’est pas masqué, refuser un client qui semble ivre, intoxiqué ou par ailleurs rebutant, s’enquérir au départ des attentes du client, lui demander son nom au complet et vérifier son identité à l’assistance annuaire, obtenir des références d’un client fiable et appeler un tiers ― son « ange gardien » ― à l’arrivée du client et peu avant qu’il ne parte.  Mme Lebovitch craint d’être accusée et déclarée coupable de tenir une maison de débauche et que sa demeure soit confisquée en conséquence.  Elle affirme que la peur d’être accusée au criminel l’a parfois amenée à travailler dans la rue.  Elle craint également que son conjoint ne soit accusé de proxénétisme.  Elle n’a jamais fait l’objet d’accusations au pénal.  Elle est porte‑parole bénévole de l’organisme Sex Professionals of Canada (« SPOC ») et consigne par ailleurs les incidents que lui signalent des prostituées victimes de violence ou de vol de la part de clients.  Mme Lebovitch dit aimer son travail et n’entend pas en changer dans un avenir prévisible.

Valerie Scott

Née en 1958 à Moncton, au Nouveau‑Brunswick, Valerie Scott est actuellement directrice administrative de SPOC.  Elle ne travaille plus comme prostituée, mais elle l’a fait, à l’intérieur, chez elle ou dans des chambres d’hôtel, dans la rue et dans des salons de massage.  Elle a aussi dirigé une petite agence d’escortes.  Elle n’a jamais été accusée de la moindre infraction criminelle.  Lorsqu’elle travaillait chez elle, elle soumettait tout nouveau client à une évaluation préalable lors d’une rencontre dans un lieu public.  Elle n’a alors jamais eu d’ennuis graves.  Vers 1984, les craintes accrues suscitées par le VIH/SIDA l’ont amenée à travailler dans la rue car les clients qu’elle recevait chez elle se croyaient dispensés du port du condom.  Dans la rue, elle a été l’objet de menaces de violence ainsi que d’agressions verbales et physiques.  Elle fait état de certaines précautions que les prostituées de la rue prenaient avant l’adoption des dispositions interdisant la communication, dont le travail à deux ou à trois ou la prise ostensible du numéro de plaque du client par une autre prostituée afin que ce dernier sache qu’on pouvait le retracer si les choses tournaient mal.

Mme Scott a été militante.  Elle a notamment fait campagne contre le projet de loi C‑49 (dont est issue la disposition actuelle interdisant la communication).  Elle dit qu’après l’interdiction de la communication, la Canadian Organization for the Rights of Prostitutes (« CORP ») a commencé à recevoir des appels de prostituées qui constataient une répression policière accrue et un plus grand nombre d’incidents avec des clients.  C’est pourquoi elle a participé à la mise sur pied à Toronto d’un centre d’aide aux prostituées dont les services étaient offerts sur place et au téléphone.  Dès la première année, Mme Scott s’est entretenue avec environ 250 prostituées dont les principaux sujets de préoccupation étaient la violence des clients et les conséquences juridiques d’une arrestation.  En 2000, elle a créé SPOC afin de donner une nouvelle impulsion au travail entrepris par la CORP.  C’est à titre de directrice administrative de cet organisme qu’elle a témoigné en 2005 devant le Sous‑comité parlementaire de l’examen des lois sur le racolage.  Au fil des ans, elle se serait entretenue avec environ 1 500 femmes qui se livrent à la prostitution.  Si les appelantes ont gain de cause, Mme Scott aimerait se mettre à son compte et offrir des services de prostitution à l’intérieur.  Elle reconnaît qu’un client peut se révéler dangereux tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais elle prendrait des précautions, comme la vérification de l’identité du client, la présence d’une autre personne à proximité qui puisse intervenir au besoin lors d’un rendez‑vous et l’embauche d’un garde du corps.

 

Moulins_rue_des_6_Maison_close_le_Grand_6_par_Lautrec_41_max.jpg

III – Analyse

1/ Une atteinte aux droits des personnes

Tenue d’une maison de débauche

Premièrement, l’interdiction empêche les prostituées de travailler dans un lieu fixe, situé à l’intérieur, ce qui est plus sûr que de travailler dans la rue ou d’aller à la rencontre des différents clients, d’autant plus que l’interdiction actuelle empêche l’embauche d’un chauffeur ou d’un garde de sécurité. L’interdiction les empêche également de se constituer une clientèle et de prendre des précautions chez elles en embauchant par exemple un réceptionniste, un assistant ou un garde du corps et en installant des dispositifs de surveillance audio, de manière à réduire le risque couru.  Deuxièmement, elle empêche les prostituées de faire certaines vérifications sur l’état de santé des clients et de prendre des mesures sanitaires préventives.  Enfin, l’interdiction de tenir une maison de débauche empêche l’existence d’endroits sûrs où les prostituées peuvent emmener les clients recrutés dans la rue. 

Aussi, pour la Cour, la disposition sur les maisons de débauche a un effet préjudiciable sur le droit à la sécurité des prostituées et met en jeu l’art. 7 de la Charte. 

Proxénétisme

L’alinéa 212(1)j) criminalise le proxénétisme, c’est‑à‑dire le fait de vivre entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne.  L’embauche d’un chauffeur, d’un réceptionniste ou d’un garde du corps pourrait accroître la sécurité des prostituées (décision de première instance, par. 421), mais la loi y fait obstacle. 

Aussi, l’al. 212(1)j) a un effet préjudiciable sur la sécurité de la personne et met en jeu l’art. 7 de la Charte.

Communication en public

La communication entre les intéressés est « essentielle » à l’accroissement de la sécurité des prostituées de la rue. Cette communication, que la loi interdit, permet aux prostituées de jauger leurs clients éventuels afin d’écarter ceux qui sont intoxiqués et qui pourraient être enclins à la violence, ce qui serait de nature à réduire les risques auxquels elles s’exposent.  Cette conclusion fondée sur la preuve offerte suffit à mettre en jeu le droit à la sécurité de la personne garanti à l’art. 7. L’interdiction de la communication a eu pour effet de faire migrer les prostituées vers des lieux isolés et peu familiers où elles ne peuvent compter sur l’appui de leurs amis et de leurs clients habituels, ce qui les a rendues plus vulnérables.

La loi interdit une communication qui permettrait aux prostituées de la rue d’accroître leur sécurité.  En interdisant la communication en public à des fins de prostitution, la loi empêche les prostituées d’évaluer leurs clients éventuels, ainsi que de convenir de l’utilisation du condom ou d’un lieu sûr.  Elle accroît ainsi sensiblement le risque couru. 

Aussi, l’al. 213(1)c) a une incidence sur la sécurité de la personne et met en jeu l’art. 7.

2/ Une atteinte causée par la loi

Selon le procureur, ce n’est pas la loi, mais plutôt le choix de se prostituer et les actes de tiers qui sont à l’origine des risques dénoncés. La Cour s’oppose à cette analyse.

Premièrement, bien que certaines prostituées puissent correspondre au profil de celle qui choisit librement de se livrer à l’activité économique risquée qu’est la prostitution — ou qui fait ce choix à un moment de sa vie —, de nombreuses prostituées n’ont pas vraiment d’autre solution que la prostitution.  Les prostituées de la rue forment, à quelques exceptions près, une population particulièrement marginalisée. Que ce soit à cause du désespoir financier, de la toxicomanie, de la maladie mentale ou de la contrainte exercée par un proxénète, elles n’ont souvent guère d’autre choix que de vendre leur corps contre de l’argent.  Dans les faits, même si elles peuvent conserver un certain pouvoir minimal de choisir — « un choix limité » selon le procureur général —, on ne peut dire qu’elles « choisissent » véritablement une activité commerciale risquée.

Deuxièmement, à supposer même que des personnes choisissent librement de se livrer à la prostitution, il faut se rappeler que cette activité ― l’échange de services sexuels contre de l’argent ― n’est pas illégale.  La question qui se pose sur le plan de la causalité est celle de savoir si les dispositions contestées accroissent le risque couru par la personne qui se prostitue.  On peut faire une analogie avec la disposition qui interdirait aux cyclistes le port du casque.  Malgré le choix des cyclistes d’utiliser leurs bicyclettes, il demeurerait que c’est la disposition qui rendrait l’activité plus risquée.  Il en va de même des dispositions contestées sur la prostitution.

Le fait que le comportement des proxénètes et des clients soit la source immédiate des préjudices subis par les prostituées n’y change rien.  Les dispositions contestées privent des personnes qui se livrent à une activité risquée, mais légale, des moyens nécessaires à leur protection contre le risque couru.  La violence d’un client ne diminue en rien la responsabilité de l’État qui rend une prostituée plus vulnérable à cette violence.

Le respect auquel exhorte l’État quant aux décisions qu’il prend pour contrer les problèmes liés à la prostitution n’est pas pertinent à ce stade de l’analyse.  Il ne saurait faire obstacle à l’allégation qu’une mesure législative a de graves effets préjudiciables et porte atteinte au droit à la sécurité de la personne garanti à l’art. 7 de la Charte.  Cette considération vaut lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a conformité aux principes de justice fondamentale, et non pour déterminer au préalable s’il y a atteinte au droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne de l’intéressé.

picasso_demoiselles_max.jpg

3/ Une atteinte disproportionnée

Maisons de débauche

L’effet préjudiciable de l’interdiction sur le droit à la sécurité des demanderesses est totalement disproportionné à l’objectif. 

Dispenser les services dans une maison de débauche accroît la sécurité des prostituées en « les faisant bénéficier de l’avantage sécuritaire de la proximité d’autres personnes, de la familiarisation avec les lieux, d’un personnel chargé de leur sécurité, de la télésurveillance en circuit fermé et de toute autre mesure que permet un lieu permanent situé à l’intérieur ».

La preuve étaye les conclusions sur la disproportion totale, en particulier en ce qui concerne le nombre élevé de meurtres de prostituées, en très grande majorité des prostituées travaillant dans la rue. Travailler à l’intérieur constitue une « précaution élémentaire » que la disposition sur les maisons de débauche rend illégale pour les prostituées.

Les préjudices relevés par les juridictions inférieures sont totalement disproportionnés à l’objectif de réprimer le désordre public. Le législateur a le pouvoir de réprimer la nuisance, mais pas au prix de la santé, de la sécurité et de la vie des prostituées.  La disposition qui empêche une prostituée de la rue de recourir à un refuge sûr comme Grandma’s House alors qu’un tueur en série est soupçonné de sévir dans les rues est une disposition qui a perdu de vue son objectif.

Proxénétisme

La majorité des infractions mentionnées à l’art. 195 visent le proxénète qui entraîne ou encourage une personne à s’adonner à la prostitution ou la harcèle à cette fin.  L’alinéa 195(1)j)[aujourd’hui remplacé par l’al. 212(1)j)] vise particulièrement ceux qui ont un intérêt financier dans les revenus d’un prostitué. La cible visée par l’al. 195(1)j) est celui qui vit en parasite du revenu d’un prostitué, celui qu’on appelle communément et fort à propos le souteneur. 

La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si la disposition va néanmoins trop loin et porte ainsi atteinte au droit à la sécurité des demanderesses selon des modalités qui sont étrangères à l’objectif poursuivi.  Est sanctionné quiconque vit des produits de la prostitution d’autrui sans que ne soit établie de distinction entre celui qui exploite une prostituée (tel le proxénète contrôlant et violent) et celui qui peut accroître la sécurité d’une prostituée (tel le chauffeur, le gérant ou le garde du corps véritable).  La disposition vise également toute personne qui fait affaire avec une prostituée, y compris un comptable ou un réceptionniste.  Certains actes sans aucun rapport avec l’objectif de prévenir l’exploitation des prostituées tombent aussi sous le coup de la loi.  La disposition sur le proxénétisme a donc une portée excessive.

Communiquer en public

La disposition vise la sollicitation dans les endroits publics et, à cette fin, tente de supprimer les diverses formes de nuisances sociales qui découlent de l’étalage en public de la vente de services sexuels. 

En interdisant la vente de services sexuels dans les endroits publics, la loi ne tente pas, à tout le moins directement, de traiter le problème de l’exploitation, de la dégradation et de la subordination des femmes, qui font partie de la réalité quotidienne de la prostitution.  À mon avis, la loi vise plutôt à empêcher que la sollicitation en vue de se livrer à la prostitution se fasse dans les rues et sous les regards du public.

Cette disposition répond clairement aux préoccupations des propriétaires de maison, des commerces et des habitants des secteurs urbains.  La sollicitation en public aux fins de la prostitution est intimement associée à l’encombrement des rues ainsi qu’au bruit, au harcèlement verbal de ceux qui n’y participent pas et à divers effets généralement néfastes sur les passants et les spectateurs, particulièrement les enfants. 

Il s’ensuit clairement que la disposition sur la communication vise non pas à éliminer la prostitution dans la rue comme telle, mais bien « à sortir la prostitution de la rue et à la soustraire au regard du public » afin d’empêcher les nuisances susceptibles d’en découler. Aussi, l’objectif général de la disposition n’est pas de décourager la prostitution.

Conclusion

Considérée isolément, chacune des dispositions contestées comporte des failles constitutionnelles qui portent atteinte à la Charte.  

Il ne s’ensuit pas que le législateur ne peut décider des lieux et des modalités de la prostitution.  Les interdictions de tenir une maison de débauche, de s’adonner au proxénétisme et de communiquer aux fins de prostitution s’entremêlent ont une incidence sur l’autre.  Atténuer l’une d’elles — par exemple en permettant aux prostituées de retenir les services de préposés à leur sécurité — peut influer sur la constitutionnalité de l’autre, comme celle des nuisances associées à la tenue d’une maison de débauche.  L’encadrement de la prostitution est un sujet complexe et délicat.  Il appartiendra au législateur, s’il le juge opportun, de concevoir une nouvelle approche qui intègre les différents éléments du régime actuel.

3527175_6_978f_lais-de-corinthe-1526-attribuee-a_ae6a0fa719078398b27feffacd14327c.jpg


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...