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Emmanuel Macron : président double...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 3/02/2019

Ce président double dont la tactique publique, officielle vise à la confiance et les propos médiatiquement rapportés au contraire est déprimant pour ceux qui refusent de le répudier en bloc. Si ce sont des maladresses, elles se répètent et font douter de sa sagacité. Si elles sont délibérées, elles découragent le citoyen qui serait face à ce président double comme Sisyphe!

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Je pourrais m'attacher à l'étonnant classement des "premières dames" qui place en tête la militante engagée Danielle Mitterrand puis Bernadette Chirac et seulement en cinquième position Brigitte Macron jugée trop "bling-bling". Pas seulement pour son admiration pour Bernard Montiel qui a laissé Catherine Deneuve stupéfaite !

D'une part cette hiérarchie est susceptible de changer au fil du temps. Les Français ne raffolaient pas de la première il y a des années. D'autre part, dans le couple du président, celui-ci fait trop des siennes pour qu'on puisse aujourd'hui ne pas le considérer comme un sujet prioritaire.

J'avoue modestement ne pas comprendre sa stratégie de communication et ses séquences successives et contradictoires.

D'abord on a eu droit à la philosophie et à la pratique d'une parole rare, infiniment maîtrisée, dispensée avec une noble parcimonie pour conserver au verbe présidentiel sa force et son allure.

Très vite ce processus qui avait pourtant enthousiasmé, tant par sa validité intrinsèque qu'à cause de la restauration de l'autorité présidentielle face aux médias omnipotents et indiscrets, a été abandonné. A tel point que, si on veut bien mettre ensemble les discours officiels (obligatoires), les échanges improvisés, les saillies, les rencontres officieuses avec des journalistes triés sur le volet, les analyses du président dans les livres qui lui sont consacrés, les longueurs passionnantes et explications détaillées du grand débat national, il est clair qu'Emmanuel Macron parle beaucoup plus que Nicolas Sarkozy avant-hier et presque autant que François Hollande hier.

Comme le président Macron est infiniment intelligent et sincère, voire trop vigoureux parfois, en le regrettant puis en l'oubliant à la seconde d'après, et qu'il ne se contente pas de commenter ce qu'il n'a pas pu accomplir, je supporte aisément d'avoir à l'écouter ou à le lire sur un bon rythme.

Ce qui me préoccupe est l'absence de cohérence de son verbe immédiat par rapport à ses objectifs profonds, ce que j'ai nommé le syndrome du président double. Il me perturbe d'autant plus que rien de ce qu'il profère, où que ce soit, n'est indifférent et que la liberté parfois ravageuse de sa spontanéité ne me détourne pas de l'écoute attentive de ses allocutions de chef d'Etat. Ce n'est pas la qualité de ses multiples paroles que je mets en cause mais le fait qu'il se moque comme d'une guigne de leur coordination.

Emmanuel-macron-brigitte-macron

Ainsi, lorsqu'il reçoit à l'Elysée le 31 janvier quelques journalistes (Paris Match, BFM TV, Le Figaro, Le Point) pour leur communiquer son point de vue sur la manière dont les médias ont rendu compte de la mobilisation des Gilets jaunes, aucune de ses considérations ne manquait de pertinence et la bouillie indistincte que certains ont servie sans la moindre hiérarchisation ni l'ombre d'un recul méritait en effet d'être dénoncée (Le Télégramme).

Cependant - et c'est le point capital que je tiens à souligner dans ce billet -, après avoir déclaré "qu'il fera désormais très attention aux petites phrases... qui ont nourri un procès en humiliation, ce qui suppose une conversion personnelle car dans le système où nous vivons cette franchise n'est peut-être plus possible", il retombe dans le même travers immédiatement.

Quand il affirme en effet que "Jojo avec un Gilet jaune a le même statut qu'un ministre ou député", sur le fond il n'a pas tort. Il restaure la dignité du politique et reproche justement à une médiatisation réflexe de n'effectuer aucun tri et par démagogie de mettre sur le même pied technique et politique les GJ et le pouvoir au sens large, le commun des citoyens et les ministres ou députés qui le représentent.

Par sa formulation - notamment "Jojo avec un gilet jaune..." - il a évidemment conscience qu'on va à nouveau lui imputer le mépris dont il serait coutumier. Je crois que ce procès est en grande partie injuste mais il n'empêche que cette nouvelle saillie, aussi lucidement critique qu'elle soit, va rentrer dans cette catégorie des propos "macroniens" trop chargés de négativité et de condescendance. Cela n'a d'ailleurs pas manqué si j'en juge par les Vraies Voix du 1er février (Sud Radio).

Sa "conversion personnelle" prendra du temps et il est le premier à l'admettre.

Mais le plus important n'est pas là : il tient au problème politique que cette présidence double va engendrer. On ne peut pas à la fois mener avec talent et conviction le grand débat national et se laisser aller à cette formule à l'emporte-pièce.

La première démarche n'aurait eu une chance de réussir auprès des Gilets jaunes de bon sens et de bonne foi que si le président était demeuré dans son comportement de compréhension, d'écoute et de respect démocratique. Alors que son second trait fait plaisir au président mais aboutit à l'inverse. Il va détruire l'apaisement qu'il avait pu créer depuis les débuts du grand débat national et avant les annonces fortes qu'il a promises à partir du 15 mars.

Ce président double dont la tactique publique, officielle, vise à la confiance et les propos médiatiquement rapportés au contraire est déprimant pour ceux qui refusent de le répudier en bloc.

Si ce sont des maladresses, elles se répètent et font douter de sa sagacité. Si elles sont délibérées, elles découragent le citoyen qui serait face à ce président double comme Sisyphe!


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