Escroquerie en bande organisée : Kézaco ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 29/05/2013
- Salut, comment va ?
- Pas trop… J’ai besoin de 403 millions d’euros, et je ne sais pas où me les procurer…
- Très simple : une riche héritière te fait un don…
- J’y ai pensé, mais il y a déjà quelqu’un sur ce plan. C’est cuit.
- Alors, fais un prêt…
- Quoi ! Payer mes dettes et rembourser une banque ? Arrête, ça me donne la migraine rien que d’y penser.
- Eh ben, tu prends l’oseille et tu te tires, comme dans le film. C’est le vol : appréhender la chose d’autrui. Genre braquer une banque.
- Arrête banane, les banques n’ont plus une thune. Et puis, c'est un métier à risques. Tu me connais, je suis père peinard. Non trouve-moi autre chose.
- Alors, il va falloir manip’ : au lieu de piquer l’oseille, tu te le fais remettre gentiment, tout sourire.
- Ah, abuser de la confiance… Là, tu commences à me parler…
- Si tu ne veux ni voler, ni payer, il faut un peu de ruse. Première solution, tu te fais remettre les biens à titre temporaire,… et tu les garde. C’est l’infraction d’abus de confiance, défini par l’article 314-1 du Code pénal : « L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ». L’abus de confiance est assez efficace, et en cas de problème, tu protestes en levant les bras au ciel d’indignation : « Mais ce bien, il me l’avait donné… et il le veut reprendre ! Quelle malhonnêteté ! »
- Ah oui, c’est pas mal, mais pour 403 millions d’euros, on n’y arrivera pas.
- Il te reste l’escroquerie. Là, tu restes sur la remise heureuse des biens, mais tu te les fais remettre à titre définitif…
- Trop cool…
- Mais pour y arriver, tu montes un gros gros stratagème.
- Pas de problème. Mentir, ça je sais faire. J’ai un MBA délivré par l’Université des Baumettes. Et je risque quoi ?
- Tu ne risques que d’avoir à rembourser. La remise de biens en s’aidant de jolis mensonges, c’est une forme étendue de l’argument commercial. La sanction est civile, et non pas pénale, sauf si tu as abusé d’une personne en était de faiblesse.
- Ah non, çà, ce n’est pas le genre de la maison.
- Le problème, c’est que 403 millions d’euros récupérés par un simple mensonge, ça risque d’être un peu court, même si tu ne manques pas de talent…
- Eh ben, pas de problème : on va faire une jolie mise en scène.
- C’est ça. Tu vas ajouter au mensonge, qui ne joue que sur la crédulité, un évènement extérieur, et cette mise en scène va permettre la remise des biens… en assurant la crédibilité du mensonge. Ca devient comme du vrai, mais tout est faux. C’est l’article 313-1 du Code pénal : « L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».
- Re-fe-le-me-le…
- Des manœuvres frauduleuses, dans le but de déterminer une personne morale à remettre des fonds à son préjudice.
- Des manœuvres… pour 403 millions d’euros, il faudra un vrai stratagème. Je n’y arriverais jamais tout seul…
- Eh bien, tu feras çà en bande organisée.
- Oui, mais organisé par qui ? Ah j’ai peut-être une idée. Dis donc, si ça tourne vinaigre, je pourrai dire que je ne me suis pas enrichi, car c’est de l’argent qu’on me devait ?
- Non, même TF1 ne marcherait pas. Depuis un arrêt du 25 octobre 1934, la Cour de cassation juge que le délit d’escroquerie peut être constitué sans qu’il soit établi que son auteur ait cherché à en tirer un profit personnel. La seule question est de savoir si la remise a été sincère ou non. La Cour de cassation souligne depuis un arrêt du 7 mai 1974 que le délit d’escroquerie existe dès lors que les versements n’ont pas été librement consentis, mais extorqués par des moyens frauduleux.
- Oh la la, elle me casse le moral, ta Cour de cassation. Et puis si on joue fin, on se fera pas prendre...