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La chasse au Hollande

Justice au singulier - philippe.bilger, 1/06/2014

Il faut se méfier des présidents humiliés. Et qui ne s'en moquent pas.

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Il faut se méfier des présidents humiliés. Et qui disent s'en moquer.

A l'intérieur d'eux-mêmes, la pression monte et ce qu'ils feignent de supporter avec résignation ou patience dans leur apparence publique prend sans doute, dans leur fournaise intime où se mêlent déceptions, frustrations et espérances, des proportions considérables.

Quand la chasse n'est pas ouverte, le gibier qu'on traque y perçoit comme une injustice.

Certains demandent le départ du président. Avec un apitoiement hypocrite, ils se penchent sur lui et lui prennent le pouls républicain. Certes il respire encore mais il devrait comprendre qu'on ne peut pas gouverner durant cinq ans en ayant été élu !

D'autres lui donnent des conseils tactiques. Avec commisération ils examinent ce qu'il devrait accomplir comme s'ils étaient plus fins, plus roués que lui.

Quelques-uns n'hésitent pas à le traiter comme s'il était un imbécile mou alors que cet homme est tout le contraire.

On s'émerveille de son acte d'autorité à l'encontre de Christiane Taubira - qu'il a trouvé le moyen d'atténuer - comme si, soudain, on avait découvert que cette personnalité était capable de semoncer l'un de ses ministres préféré quoique calamiteux. L'étonnement médiatique, à la suite de cette affaire dérisoire, manifeste à quel point même le comportement le plus banal de sa part constitue une révélation. Il a surpris parce qu'on ne l'imaginait plus capable de l'adopter (Le Figaro, Le Monde, Le Parisien).

Revenant de Tulle, le triste Petit Journal lui arrache quelques mots au sortir de toilettes sur un parking d'autoroute. Lamentable des deux côtés.

Manuel Valls serait un meilleur candidat pour la gauche que lui en 2017 et on lui imposerait même une primaire s'il avait l'intention de se représenter. Il paraît que seulement 3% des électeurs de son camp le souhaiteraient pour la joute future. On l'enterre politiquement alors qu'il n'est pas mort.

Deux ans après son élection, il ne serait plus rien, le "petit chose" du pouvoir. On se moque de son être et de sa manière d'être. De son physique, de ses maladresses, de son manque de réussite. On tourne en dérision son sourire permanent, ses blagues, sa faiblesse de caractère, on répète qu'il n'est pas à la hauteur.

Il laisse dire. Il accumule, il emmagasine. Il retient.

Enfin une excellente nouvelle pour lui : Nicolas Sarkozy, les magouilles et les soupçons en poupe, va sortir du bois et il est probable qu'il briguera la présidence de l'UMP en évitant ainsi la primaire de 2016 (20 minutes).

Rien de tel, pour un François Hollande médiocrement critiqué sur tous les plans, qu'un Nicolas Sarkozy s'offrant enfin à défaite découverte. Les Français feront à nouveau la comparaison. Entre la constance du président et le président battu qui nous affirmera pour la quinzième fois qu'il a changé quand tout, depuis 2012, a démontré qu'il était pire.

Vous voulez redonner de la force, du crédit à un président de la République, vous voulez lui insuffler, contre toutes les offenses sordides ou politiques, du ressort, une vitalité renouvelée : faites revenir dans le jeu celui qu'il a déjà vaincu et offrez-lui l'opportunité, le bonheur de lui faire mordre à nouveau la poussière démocratique. La chance de François Hollande, ce sera l'aveuglement de l'UMP: permettre à Nicolas Sarkozy, au sortir de sa courte et douteuse parenthèse de réserve ostensible, de s'imposer. Pour remobiliser contre lui.

Il faut se méfier des présidents humiliés. Et qui ne s'en moquent pas.


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