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François-Xavier Bellamy : refonder la droite, un travail d'Hercule ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 30/05/2020

Assumer la fierté de la France, de la sauvegarde de son identité et défendre les mille trésors matériels et immatériels dont l'Histoire a comblé notre pays et dont il se prive peu à peu par passivité ou aveuglement. Une langue, un savoir-être, un savoir- vivre, une culture, une décence singulière et collective, une joie de former communauté, qui n'est pas repli pervers mais préservation bienfaisante dans la maison "France" quand il y a de l'orage.

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Le Parti populaire européen a confié à François-Xavier Bellamy (FXB) la mission de réfléchir sur l'identité de la droite, de la refonder (Valeurs actuelles).

Rien que cela !

L'entreprise est impossible si on croit pouvoir fixer dans le marbre des orientations, des évolutions, des adaptations que la réalité d'un monde mouvant, les rapports de force fluctuants, la ductilité des données économiques et sociales, les variations géopolitiques, l'inventivité, pour le meilleur comme pour le pire, des espaces européen et mondial et un pragmatisme intelligent et obligatoire, imposent.

S'il s'agissait de proposer un catalogue, un inventaire de ce qui est naturellement contingent et dont le traitement serait voué à l'échec si un empirisme, un réalisme à la "de Gaulle" ne le prenaient pas en charge, la tâche de FXB serait non seulement désespérée mais inutile.

Mais elle redevient capitale si l'effort de réflexion porte sur l'élaboration d'un socle fondamental, nécessaire à la droite pour qu'elle puisse se qualifier telle contre les vents et les marées de l'Histoire et de la quotidienneté contrastée, souvent imprévisible de l'actualité.

Cette constitution d'un terreau irremplaçable est à ce point malaisée et contraignante qu'on ne cesse à intervalles réguliers de se pencher sur la "droite" mais en la définissant plus par ce sur quoi elle n'aurait pas de maîtrise que par ce qui dépend d'elle et de sa responsabilité.

Cette entreprise, cependant, n'est pas inconcevable si on veut bien admettre que nous avons eu le modèle de ce que devrait être une droite enthousiasmante puisque, dans la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy nous l'a proposée et qu'il suffirait d'en reprendre les principaux éléments au besoin ajustés pour un nouvel élan.

Et de tenir les promesses éthiques et politiques qui avaient été faites au peuple français et que le quinquennat n'avait pas mises en oeuvre à cause d'une crise d'ampleur, d'une indifférence à l'égard de la morale publique et de l'état de droit, et d'un tempérament présidentiel actif mais trop atypique.

Je ne rêve pas puisqu'en 2007, en conséquence de cette compétition, une forte mobilisation citoyenne s'était manifestée avec une victoire nette de Nicolas Sarkozy marquée par un dépérissement de l'extrême droite. Il y avait une sorte de reconnaissance pour la proclamation de l'honneur d'une droite enfin portée haut.

Récapitulant l'essentiel de ce passé éclatant, en ne le sublimant pas, j'y vois ces quelques pistes sans lesquelles la droite au pire ne sera rien qu'un univers en permanente reconstruction, au mieux un centrisme à peine masqué.

D'abord oser la nommer, se nommer. N'avoir pas peur de s'affirmer de droite. Refuser l'opprobre et le poison distillés par la gauche : elle serait le bien et la droite à ce point le mal qu'elle devrait cacher même son identité.

Refuser l'appropriation par la gauche (quelles que soient ses familles et ses clans, son extrémisme ou sa tiédeur) de principes et de valeurs universels. En gros, elle n'a jamais eu le monopole du coeur et aujourd'hui encore moins qu'hier. La droite dispose, tout comme elle, d'un vivier complet composé des exigences de la morale, des devoirs de l'humanité et de la vigueur du réalisme : elle n'a pas à s'en laisser dépouiller avec une paresseuse complaisance.

Bellamy

Grâce à cette plénitude, accepter le fait que l'écoute du réel ne soit pas l'alpha et l'oméga de tout. En l'écoutant si bien, si obstinément qu'il finira par étouffer toute volonté de le métamorphoser quand il le faudra. La gauche fait l'impasse sur la réalité ou la rêve, la droite ne doit pas se vanter seulement de son pragmatisme mais aussi de sa capacité de réforme. Non pas à la Macron d'hier - la réforme pour la réforme, bouger pour bouger -, mais en ciblant au contraire ce qui mérite d'être modifié, sans honte de conserver ce qui doit l'être et en ne qualifiant pas abusivement de progressisme tout ce que le fil du temps charrie.

Récuser l'égalité comme la valeur suprême et la fraternité tellement dévoyée aujourd'hui qu'elle s'est dégradée en une acceptation molle de toutes les atteintes - l'incroyable force de faiblesses prétendues ! - portées à une société et validées faute de savoir les combattre. Privilégier la liberté et cet honneur de plus en plus rare d'une responsabilité revendiquée, assumée et dont on est prêt naturellement à payer la rançon.

Ne pas se contenter d'hommages formels à la Justice et à l'état de droit pour au mieux s'en désintéresser, au pire les instrumentaliser. Récuser cette sorte de mantra absurde selon lequel politique et rigueur institutionnelle seraient incompatibles. Pour le coup, se défier à la fois de l'interventionnisme du président Sarkozy, de la frilosité cynique et méfiante du président Hollande et de l'autoritarisme soyeux du président Macron.

Ne pas célébrer le peuple en verbe mais lui donner la parole en action. Il n'est plus possible de tolérer, en prétendant le détester, ce gouffre entre les gouvernants et les assujettis auxquels on offre trop peu la chance d'être des citoyens. Il convient d'instaurer une légitimité revisitée, mise à l'épreuve face au peuple. Pas sur n'importe quoi mais sur des enjeux fondamentaux. Faciles à discerner. On prétend ne pas pouvoir les identifier parce qu'on ne veut pas, au fond, d'une multitude de citoyens venant pourtant se mêler de ce qui les regarde. Avant l'heure, tout référendum est qualifié de plébiscite et on a tourné en dérision le RIC : le pouvoir classique n'est pas prêteur !

Assumer la fierté de la France, de la sauvegarde de son identité et défendre les mille trésors matériels et immatériels dont l'Histoire a comblé notre pays et dont il se prive peu à peu par passivité ou aveuglement. Une langue, un savoir-être, un savoir- vivre, une culture, une décence singulière et collective, une joie de former communauté, qui n'est pas repli pervers mais préservation bienfaisante dans la maison "France" quand il y a de l'orage.

Savoir susciter un orgueil démocratique. Tout faire et tout dire, quand on a été élu à la charge suprême, pour donner de soi, à ses concitoyens comme au monde, une image exemplaire à tous points de vue. Entre la distance et la rareté désincarnées et une forme d'histrionisme régalien, choisir l'allure, synthèse entre majesté souhaitée et simplicité personnelle. Tout concéder à la fonction, rien à son personnage.

Choisir pour la joute finale le meilleur. Ne pas considérer qu'il a le droit d'être le "moins pire" parce que l'essentiel serait qu'il porte un drapeau partisan et que sa qualité au fond aurait peu d'importance. Que les coteries ne dégradent pas avant l'élection l'honneur républicain de l'emporter et de servir TOUT son peuple !

D'autres considérations pourraient sans doute être ajoutées à cette analyse. FXB - je ne voudrais pas avoir donné à penser que son travail ne serait pas d'Hercule - aura d'autant plus de coeur et d'esprit à l'ouvrage que dans d'autres espaces politiques les réflexions s'activent.

Michel Onfray a lancé, par exemple, Front Populaire pour faire se rejoindre les souverainistes de gauche, de droite et - il a insisté sur ce point - "d'ailleurs" (CNews).

Il faut que très vite une droite digne de ce nom et fière de le porter surgisse et reprenne place au coeur d'une démocratie orpheline non pas de la mousse ni de l'écume mais d'une vision et d'une grandeur sans mépris et solidaires.

Elle serait impardonnable si elle manquait de mémoire pour vivifier son présent et inventer son futur.


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