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La justice selon François Hollande...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 25/09/2015

Mais de la déraison et du cynisme d'Etat .On consolide nos positions en même temps qu'on détruit nos valeurs. La France, patrie des droits de certains hommes seulement. S'il est décapité et crucifié, je parie que François Hollande présentera ses condoléances au roi d'Arabie saoudite.

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Il y a un mot que François Hollande a prononcé plus que celui de "jeunesse" durant sa campagne présidentielle : celui de justice. On l'a entendu dans tous les sens et appliqué à de multiples situations nationales et internationales. Ce devait être une constante de son futur quinquennat.

Force est de considérer qu'il s'est moqué de nous ou qu'on n'a rien compris.

Pour la justice, dans sa définition judiciaire, après avoir cru naïvement qu'elle le préoccupait, j'ai pu constater une heureuse indifférence de sa part à son égard. Il laisse faire et sans que j'y voie une relation de cause à effet, depuis quelques mois plusieurs personnes qui avaient été mises en cause durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à commencer par celui-ci pour certaines affaires, se trouvent relaxées, bénéficient de non lieu ou s'apprêtent sans doute à en profiter comme Christine Lagarde à la désescalade pénale impressionnante.

Faut-il voir dans cette épidémie de mansuétude le triomphe de l'état de droit ou une forme d'intuition judiciaire qui anticipe dans deux ans l'échec de la gauche ?

Le président de la République, par ailleurs, est si peu soucieux de l'institution judiciaire que s'il la traite courtoisement, et ceux qui la servent, il maintient cependant contre vents et marées et déceptions un calamiteux garde des Sceaux, seulement sauvé parce qu'elle est le marqueur solitaire d'une gauche qu'on ne veut plus, et d'abord François Hollande.

Au-delà de ce désinvestissement qu'on ne déplore pas parce que Nicolas Sarkozy l'investissait trop, la justice, dans la société, dans la gestion des crises, les innombrables aléas et épreuves d'une vie collective, est clairement gangrenée par le "deux poids deux mesures". On n'agit pas de la même manière avec tout le monde, on réprime ou on s'abstient, on encourage des manifestations ou on en brise d'autres. L'inégalité est la règle et la justice sur ce plan est à la tête du citoyen ou de son étiquette politique. Sous l'onction républicaine se cachent des choix et des préférences. Derrière le verbe démocratique, des parti pris et des indulgences. L'état de droit est dans un état partisan et manque de droit.

Sur le plan international, il convient de créditer François Hollande et son ministre de la Défense de la libération de nos otages, quelles qu'en aient été les modalités.

Mais que d'étranges sinuosités, contradictions et reniements !

On a joué les moralistes contre Saddam et Kadhafi, on les joue à l'encontre de Bachar el-Assad et de Poutine, on insulte Viktor Orban mais à la fois l'argent des Rafale n'a pas d'odeur et celui de l'Arabie saoudite non plus, qui va aider l'Egypte à payer les Mistral achetés à la France.

De quel poids éthique la France, aujourd'hui, peut-elle se prévaloir quand, pour les affaires et la rentabilité, elle pactise avec les monarchies conservatrices et ferme ses yeux sur ce qui pourrait déranger son commerce ?

Si l'Arabie saoudite, demain, décide de mettre fin à l'horreur et de ne pas décapiter et crucifier ce jeune opposant chiite de 21 ans, Ali Mohamed al-Nimr, parce qu'il avait manifesté contre le régime quand il était âgé de 17 ans, ce ne sera pas grâce à la France. Notre pays ne peut plus être entendu, ou alors en étant renvoyé à ses propres contradictions, avec une éthique hémiplégique, une conscience intermittente et un réalisme qui n'est plus une vertu quand il n'est plus inspiré par la moindre boussole idéale.

J'en ai vraiment assez de cette justice selon François Hollande. Qui choisit ses victimes et ses bourreaux. Qui oublie les unes, parfois, pour mieux pactiser avec les autres.

Ce n'est pas clair, pas net. Ce n'est même pas de la raison d'Etat. Celle-ci a encore sa logique.

Mais de la déraison et du cynisme d'Etat. On consolide nos positions en même temps qu'on détruit nos valeurs. La France, patrie des droits de certains hommes seulement.

S'il est décapité et crucifié, je parie que François Hollande présentera ses condoléances au roi d'Arabie saoudite.


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