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Une jacquerie à pleurer

Justice au singulier - philippe.bilger, 3/10/2014

N'allons pas incendier nos services publics. Ils n'ont pas à payer pour ce qu'on nous fait payer.

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Avec l'incendie de trois centres de finances publiques et des actes de vandalisme sur d'autres, on est tombé dans une démocratie régressive, un infantile désordre.

Il peut y avoir certes une forme de volupté à revenir vers la source mais encore faut-il que cette histoire à reculons ait du sens et ne soit pas plutôt la manifestation d'un pays qui perd la tête.

La pression fiscale est incontestable et les classes moyennes en sont les principales victimes puisque de manière peu pédagogique et guère républicaine, trop de revenus modestes ont été totalement exonérés alors qu'un tribut même symbolique de leur part aurait été souhaitable. Je comprends que l'impôt ne puisse pas toujours être accepté de gaieté de coeur d'autant plus que des interrogations légitimes s'attachent à son utilisation et qu'on n'a jamais sollicité autant de délais de paiement.

Mais sauf à considérer que l'Etat serait inspiré par une mauvaise foi et un sadisme conséquents, il est difficile de s'élever par principe contre ce qui a toujours été l'une de ses fonctions fondamentales : le prélèvement de l'impôt. Qu'on argumente pour déterminer son caractère juste ou injuste, équitable ou inégalitaire est parfaitement normal mais rien de commun entre ce débat qui continue d'avoir lieu et les violences et dégradations scandaleuses constatées ces derniers jours.

Si je me mêle de ce qui me regarde en ma qualité de citoyen, c'est que j'aurais bien aimé que sur la justice par exemple, telle ou telle voix s'exprime pour défendre ce service public contre souvent la multitude d'attaques partiales ou ignorantes dont il a été ou est victime.

Modestement, je viens au secours de l'administration fiscale et je n'aime pas ces déplorables actions qui s'en prennent à des centres et à des fonctionnaires qui ne sont évidemment en aucun cas responsables d'une politique fiscale qu'ils appliquent et qui leur est imposée. Confondre l'inspirateur et l'exécutant est puéril et je déteste ce défouloir qui se trompe délibérément de cible.

Le moment venu, il y aura mille manières de protester à l'encontre de mesures fiscales d'autant plus insupportables qu'elles paraissent moins résulter d'un dessein mûri que d'une improvisation qui oscille entre l'alourdissement et l'annonce d'une baisse. Pas de quoi certes avoir une confiance raisonnée dans les initiatives de ce pouvoir mais rien non plus qui autorise des débordements et la stigmatisation de faux coupables.

Je suis d'autant plus désireux de me livrer à cette petite apologie qu'à chaque fois que j'ai eu besoin de prendre langue avec l'administration fiscale, dans quelque centre que ce soit, j'ai été frappé par la courtoisie et l'écoute des agents, leur volonté de répondre le mieux possible aux attentes et aux inquiétudes des citoyens. Non pas une institution au-dessus d'eux mais à leur service. J'ai songé souvent que la Justice aurait dû s'inspirer de telles pratiques en même temps compétentes et aimables.

Alors nouvelle fronde, jacquerie, révolte ? Tout cela me paraît caractériser certes un sentiment de haut-le-coeur fiscal mais surtout une immaturité démocratique, l'exaspération face à un trop-plein que la société n'admet plus, une défiance à l'encontre d'un Etat qui n'est même plus perçu comme légitime dans cette mission régalienne.

Mais nous sommes en démocratie et elle n'est pas à ce point malade qu'on puisse se passer d'elle et de ses échéances pour s'abandonner à un sauvage et triste spontanéisme.

Cartouche est un héros ancien. Les temps ont changé. Aujourd'hui il nous faut un chef d'Etat, une politique cohérente et donc acceptée.

N'allons pas incendier nos services publics. Ils n'ont pas à payer pour ce qu'on nous fait payer.


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