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Laurent Wauquiez : du neuf ou de l'ancien ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 30/10/2017

LW ne devra pas oublier que Nicolas Sarkozy, avec sa droite, avait la partie belle face à une gauche claire et nette. Ce pourrait être une tentation risquée pour lui de continuer sur ce registre alors que les temps ont changé et que le contraste est devenu flou. Le président Macron a bouleversé la donne. Aussi la droite d'opposition est condamnée à s'inventer. Le neuf est obligatoire.

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Qu'on aime ou non Laurent Wauquiez - et beaucoup, je le sais, ont du mal avec sa personne et son ton -, on ne peut plus dire qu'avec lui, la droite soit la plus bête du monde.

Mais avec lui, elle serait quoi précisément ?

A lire ses réponses ou à les entendre (JDD, grand Jury RTL), j'ai l'impression que malgré sa volonté de favoriser la clarté politique, il demeure une sorte de révélateur des forces, des faiblesses et de l'ambiguïté de la pensée conservatrice.

Les variations de mes états d'esprit et d'âme face à ses prestations sont probablement aussi une extériorisation de la difficulté conceptuelle et aujourd'hui cruciale qu'a la droite pour se définir.

Il y a tout un pan régalien dans lequel je me suis trouvé en plein accord avec LW et il n'est pas dénué d'un talent de polémiste pour dénoncer sur ce plan les failles, voire les gouffres de l'adversaire.

S'il est vrai que dans les trois cent djihadistes revenus en France, cent dix sont dans la nature, en liberté, ce serait un scandale. L'internement de tous serait bienvenu pour la sauvegarde de la France.

Il a déclaré ce qui convenait au sujet de la politique pénale et de la prison. Ce n'est pas la capacité de celle-ci qui doit déterminer la nature de celle-là mais au contraire l'obligation de construire au moins 20 000 places supplémentaires est plus que jamais impérative.

Il a brillamment ridiculisé, alors que l'ennemi de la laïcité et de notre démocratie est l'intégrisme islamiste et, par exemple, à Marseille, le fait qu'un proviseur ait peur d'accueillir un élève juif à cause de ce qu'il subirait, le décalage entre la décision du Conseil d'Etat - pas de croix à Ploërmel sur la statue de Jean-Paul II - et la réalité du pays.

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Son esquisse d'une troisième voie entre la mondialisation célébrée et la France cadenassée n'était pas non plus dénuée de pertinence.

Sur le plan économique et financier, il a manifesté une opposition systématique mais en définitive classique dans l'affrontement si lisible entre la gauche traditionnelle et la droite orthodoxe. Mais avec un embarras croissant pour la droite qu'il souhaite remettre sur pied, convaincante, fière de ses valeurs et de son identité. Parce qu'elle sera fortement entravée dans son expansion par un pouvoir habile penchant et pensant plus à droite qu'à gauche. Pas la droite, certes, de LW mais suffisamment consistante tout de même pour rendre plus malaisés et parfois artificiels les antagonismes.

C'est d'ailleurs à cause du risque durable de cette équivoque que LW en rajoute dans l'audace conservatrice, les dénonciations brutales, la vision hémiplégique et le dénigrement à l'encontre du président. On peut être séduit par cette parole enfin libérée - mais elle n'est que la continuation de celle qui un temps a convaincu l'électeur de Nicolas Sarkozy avant de le décevoir faute d'incarnation -, apprécier le verbe martial et dynamique de LW mais s'interroger aussi sur cet extrémisme qui le conduit à une charge déplacée à l'encontre d'Emmanuel Macron.

De même que j'ai toujours récusé les procès en "fascisme" que l'on intentait à LW et à tous ceux qui avaient le front d'aspirer à autre chose qu'à une droite s'excusant de ne pas être de gauche, je réprouve l'excès, personnellement offensant, prétendant accabler le président de la République. "Pas d'amour charnel de la France... le désert de l'âme...(Sur LCI) petit arrogant, capricieux, ambitieux..."

C'est trop alors que par ailleurs le portrait politique est au vitriol et pourrait complaire à certains qui voient dans le ni gauche ni droite d'Emmanuel Macron une suprême ruse pour ne pas agir véritablement ou pour tuer les partis traditionnels.

Y a-t-il chez LW cette détestation qu'on peut éprouver à l'égard de ses propres tendances quand on les voit chez l'autre et que donc on les rejette avec d'autant plus de force et de répugnance ? Est-ce le LW "brutal et sans complexe" qui prend le mors à l'esprit et exprime plus sa personnalité qu'il n'analyse lucidement l'adversaire qu'est le président ?

Il me semble qu'on touche à une problématique plus profonde. La droite n'est plus elle-même si elle s'enrichit - ou s'encombre - d'un centrisme qui l'élargit mais la dénature. Mais, pour qu'elle demeure elle-même, il lui faudra d'abord réfléchir sur ce que le citoyen attend d'elle : non seulement la cohérence et la fiabilité d'un projet qui, sur tous les plans, aura à s'élaborer de manière autonome (sans que la vision de gauche soit un repoussoir ou une tentation) mais le courage - c'est le défi principal - de le mettre en oeuvre.

Il était paradoxal en ce sens, de la part de LW qui prônait le rassemblement, de céder d'emblée à ses contradicteurs internes en traitant comme un pestiféré Sens Commun qui pourrait n'être qu'un courant de plus dans un ensemble solidaire quoique composite.

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Le Premier ministre Edouard Philippe serait "consterné par les branquignols de LR" mais je ne suis pas sûr que les Constructifs appellent une définition plus aimable. Lui-même ne nous aide guère, pour la définition d'une droite politiquement pure, quand il affirme "je suis un homme de droite mais je n'ai jamais considéré que la droite avait raison par principe et que la gauche avait tort par principe...je suis le chef d'une majorité qui transcende les clivages partisans...". C'est tout au plus du macronisme nouveau ou du centrisme ancien.

Poussé dans ses retranchements, Edouard Philippe, pour définir l'homme de droite qu'en réalité il n'est pas, donne banalement la priorité à la liberté - à mettre au-dessus de tout et même de l'égalité. Il s'agit en effet de la perception basique.

Maël de Calan, quand il s'oppose frontalement à LW, ne fait que poursuivre sur cette ligne "juppéiste" tout à fait respectable mais qui ne nous facilite pas la tâche conceptuelle : la droite serait à ce point modérée, équilibrée, tolérante, équivoque et sociale qu'elle ne se ressemblerait plus et se métamorphoserait en centrisme. Alors que ce dernier, pour ses aises, devra avoir sa structure à lui.

Pour la présidence LR, au mois de décembre, une droite filloniste, avec la percutante Florence Portelli, affrontera la droite sarkozyste de LW même si ce dernier paraît avoir une sorte de tendresse nostalgique pour l'immobilisme chaleureux de Jacques Chirac. Quelles différences indiscutables entre ces deux rivaux se battant quasiment sur le même terrain ?

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LW ne devra pas oublier que Nicolas Sarkozy, avec sa droite, avait la partie belle face à une gauche claire et nette. Ce pourrait être une tentation risquée pour lui de continuer sur ce registre alors que les temps ont changé et que le contraste est devenu flou.

Le président Macron a bouleversé la donne. Aussi la droite d'opposition est condamnée à s'inventer. Le neuf est obligatoire.


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