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Produits documentaires au défi du droit (7e série)

Paralipomènes - Michèle Battisti, 16/05/2012

Voici la 7e série de réponses données à des questions posées récemment. Elles portent cette fois-ci sur la numérisation et la diffusion de revues achetée, l’usage d’un pseudonyme dans un article scientifique, le retrait d’une thèse en libre accès, le droit à l’image d’étudiants et des stagiaires et l’envoi  par messagerie électronique de documents protégés [...]

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Voici la 7e série de réponses données à des questions posées récemment.

Elles portent cette fois-ci sur la numérisation et la diffusion de revues achetée, l’usage d’un pseudonyme dans un article scientifique, le retrait d’une thèse en libre accès, le droit à l’image d’étudiants et des stagiaires et l’envoi  par messagerie électronique de documents protégés  par le droit d’auteur à des tiers.

Les questions ont été anonymisées et les réponses apportées, qui entendent uniquement rappeler brièvement quelques principes, ne sont pas en mesure de se substituer à un conseil juridique. Place est laissée, en revanche, à tout commentaire.

Consulter les séries précédentes 

  • Mon établissement a fait l’acquisition de ces périodiques par abonnement. D’autres ont été rachetés à des particuliers (brocantes ou autres). Les périodiques les plus anciens datent des années 1940.  Quels sont les droits de mon établissement sur ces périodiques ?  Peut-il les utiliser comme il le souhaite? Peut-on les numériser et les diffuser sur le catalogue en ligne ou même sur un site de réseaux sociaux comme tumblr ou flickr?

Propriétaire du fonds, votre établissement n’est pas propriétaire des droits de propriété intellectuelle des œuvres qui figurent sur les supports qu’il a achetés. Il doit négocier les droits nécessaires à la numérisation et à la mise à disposition en ligne sur différents réseaux avec les éditeurs de chacun des titres.

Reste la délicate question de la durée des droits. Si l’on considère que les périodiques sont des oeuvres collectives, l’éditeur dispose des droits pendant 70 ans après la date de publication (1er janvier qui suit celle-ci). Il conviendrait, dans ce cas, de numériser le périodique dans son ensemble sans dissocier les articles, encore moins les photographies (les auteurs ayant toujours des droits sur leur contribution personnelle). Pour d’autres juristes, cette qualification d’œuvre collective n’est pas opportune et il conviendrait de demander à chaque auteur une autorisation.

Puisqu’il faut bien trancher, je recommanderais d’obtenir l’autorisation expresse des éditeurs (par écrit et pour tous les usages requis dûment détaillés),celle-ci obtenue à charge pour eux de régler les litiges éventuels avec leurs auteurs.

On peut se trouver face à des titres « orphelins », les éditeurs ayant disparu. Il convient de faire toutes les recherches nécessaires pour retrouver les auteurs et de garder les traces de celles-ci et, … de prendre des risques juridiques ou non ensuite, en prenant la décision d’en diffuser ou non les titres que vous aurez numérisés.

  • Un doctorant du laboratoire dans lequel je travaille souhaite signer ses articles par un pseudonyme. Peut-on, au nom d’un laboratoire, signer par un nom modifié ?

Un auteur a parfaitement le droit de présenter ses œuvres sous un pseudonyme. Cela a quelques implications, notamment en matière de gestion de ses droits qu’il ne peut exercer – pour des raisons évidentes – que par le biais d’un mandataire, ainsi que pour le calcul de la durée de la protection, fixée à 70 ans après la date de parution de son article. Il peut aussi, à tout moment, choisir de divulguer son nom réel (mais quel brouillamini s’il faut modifier les métadonnées afférentes !).

Utiliser un pseudonyme dans le domaine scientifique est pour le moins étrange, dans un contexte où être cité et reconnu a tant de poids. Peut-être qu’une sensibilisation aux conséquences pour sa notoriété pourrait le faire mollir ? Cela ne serait-il pas préférable ? Quelle motivation a-t-il ? Est-ce le nom ou le prénom sous lequel il est généralement connu ?

  • Un doctorant qui a soutenu sa thèse nous a demandé de la retirer  provisoirement du circuit pour pouvoir publier ce travail par un éditeur. Lors de la soutenance, la confidentialité n’avait pas été demandée et  le directeur de thèse reste sur cette position, considérant que le fait de signaler sa thèse et la prêter ne fait  pas obstacle à une publication commerciale. Sommes-nous obligés de répondre favorablement à la demande de ce doctorant, en vertu du droit d’auteur ?

En dehors de la conservation de son œuvre pour des raisons « administratives », l’auteur d’une thèse garde ses droits d’auteur. J’imagine que le doctorant vous avait donné une autorisation de publication sur « le circuit » soit, sans doute, le fichier central des thèses.

Que vous dire, si ce n’est qu’a priori, ses droits sont très limités ?
- la thèse n’a pas de nature confidentielle ; c’est un cas très encadré, d’une part ;
- un droit de retrait existe bien parmi les droits moraux, qui lui permet de reconsidérer l’autorisation donnée pour exploiter l’œuvre. Mais les motivations ne devraient couvrir, en toute théorie, que des questions liées à la personnalité de l’auteur, soit a priori une atteinte à son honneur et à sa réputation, d’autre part (et non des questions patrimoniales, ce qui est le cas ici). En outre, dans ce cas, l’auteur est tenu d’indemniser le cessionnaire des droits pour le préjudice causé par le retrait. Pourra-t-on, toutefois, prouver le préjudice d’un retrait provisoire d’une œuvre diffusée gratuitement ?

Contester une autorisation accordée (il faut toutefois  en avoir gardé la trace) me paraît pour le moins discutable ! Sans revendiquer vos droits de manière brutale, la pédagogie peut-être ? En lui faisant comprendre, à lui mais aussi à son éditeur, que le libre accès dans les circuits universitaires ne fait pas concurrence à la version qui sera publiée, certainement plus riche au niveau éditorial. Ce sont deux circuits différents. Il n’y a pas de cannibalisation entre eux ; idéalement, la mention de la version publiée devrait figurer à côté de la version en libre accès et vice-versa.

L’Abes pourrait peut-être vous aider à trouver les bons arguments, être plus directive en la matière, en tout cas. A quand une obligation de libre accès pour les thèses aussi ?

  • Je prends des photos lors d’ateliers avec des doctorants, des étudiants, des stagiaires. Dans la demande d’autorisation jointe au dépôt dans la banque d’images, puis-je  me contenter de mentionner toutes les utilisations envisagées ou faut il demander une autorisation précise à chaque utilisation?

Prendre des photos, ou filmer des personnes en lien avec l’évènement concerné, ici des ateliers, sans atteinte à leur dignité et à leur honneur (ce qui a de fortes chances d’être le cas), on pourrait même imaginer qu’aucune autorisation ne soit requise ! C’est d’ailleurs souvent ce qui passe pour les conférences où il est hors de question de demander l’autorisation à des centaines de congressistes, mais uniquement aux intervenants. Alors, certes, si les ateliers ne sont pas des lieux publics, ce sont forcément des lieux privés, un peu particuliers toutefois. Il s’agit d’un groupe restreint et des personnes identifiables : il est effectivement prudent de demander une autorisation.

En revanche, la reprise des photos dans un cadre autre que l’évènement auxquels elles ont pris part nécessite toujours une autorisation. C’est d’autant plus le cas, comme le vôtre, lorsqu’il s’agit aussi de communications à des fins publicitaires. 

Oui, indiquer comme vous compter le faire que la photographie peut être reprise dans des « rapports d’activités, plaquettes, site internet, posters, présentations numériques » est bienvenue. Une nouvelle autorisation ne serait requise que pour des supports non prévus au départ.

Il est prudent d’indiquer aussi que l’autorisation est accordée à titre gratuit, pour une diffusion dans le monde entier et pour une durée donnée, 10 ans par exemple. D’ici là vous serez tentés d’utiliser d’autres photographies à moins … de vouloir les présenter lors d’une exposition dans une vingtaine d’années, un cas non prévu …

Une bonne synthèse sur le droit à l’image sur le site du CNRS

  • Cette information est-elle exacte ? « Ni l’auteur, ni le propriétaire d’un portrait, ni tout autre possesseur ou détenteur d’un portrait n’a le droit de le possesseur ou détenteur d’un portrait n’a le droit de le reproduire ou de le communiquer au public sans l’assentiment de la personne  représentée ou celui de ses ayants droit pendant vingt ans à partir de son décès ».

20 ans, cela semble être le cas du droit belge .

En France, il est dit que « lorsqu’une personne est morte, les ayants droit peuvent engager une procédure pour atteinte à la dignité de la personne ». Une date limite ? Je n’en ai pas trouvée.

Pour les personnes encore en vie, j’ajouterai que des actions contre votre établissement ne seraient envisageables que si la diffusion de la photographie portait préjudice à la personne photographiée et qu’elle parvienne à le prouver, et ce pendant 5 ans à compter de la publication de la photographie, pour atteinte à son droit à l’image ou à sa vie privée.  

Sources : Guide pratique du droit d’auteur, Anne-Laure Stérin, Maxima, 2011 ou encore « Vie privée et droit à l’image des personnes, Mélynda Moulla, Cabinet Anne Pigeon-Bormans :  « Nul ne peut être photographié sans avoir exprimé son consentement tant sur le principe de la réalisation même du cliché que sur la destination de celui-ci (…).  Pour que l’acte soit sanctionnable, il faut que le demandeur rapporte la preuve de ce que l’image révèle un élément ayant un caractère intime ; la circonstance que la personne se trouvait dans un espace public, visible de tous ne fait pas obstacle à ce droit.  L’autorisation de l’intéressé est donc requise dans tous les cas, sauf dans des cas exceptionnels où l’information du public exige la mise à disposition de celle-ci. ».

  • Le CFC propose des contrats pour la reprographie papier.  Sans autre contrat, l’envoi par mail d’article issus de ces abonnements papier est-il autorisé de fait ?  Si non, faut-il négocier avec le CFC ou les éditeurs ?

Ma réponse sera brève : le contrat pour reprographie n’autorise pas l’envoi des articles par e-mail.

Le CFC ne pouvant conclure que des contrats pour panoramas de presse sur intranet, sur extranet ou pour des copies numériques internes (entre salariés hors panoramas de presse),  c’est bien un contrat avec l’éditeur qu’il convient d’envisager.


 

Illustr. ¿ʞן ƃʞɹo ʞƃʞן? . . (YSE#21). Jeff Safi. Flickr by-nc-nd

 

 


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