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Le PSG à la sauce Qatar

Justice au singulier - philippe.bilger, 20/04/2014

Tant que le PSG n'aura pas conjugué son immense et encore inachevé potentiel sportif à une modestie singulière et collective de grande classe, il n'ira pas loin dans les coeurs. Un Kopa désargenté, un Reims avec Albert Batteux valaient largement, à tous points de vue sauf pour la dilapidation, un Ibra milliardaire et un PSG à la sauce Qatar.

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Ce billet ne s'adresse pas à ceux qui ne sont pas passionnés par le football et qui en ont assez de la surabondance télévisuelle de celui-ci.

Il espère convaincre les vrais sportifs et les sportifs en chambre comme moi. Je ne suis pas un spécialiste qui écrit dans L'Equipe ou un membre de la bande de l'excellent Hervé Mathoux - il parvient à demeurer poli avec l'insupportable Pierre Ménès ! - sur Canal Plus.

Je me contente de regarder le plus de matchs possible parce que j'ai une épouse infiniment tolérante et que, coupant les commentaires généralement inutiles, nous écoutons de la musique. Je ne suis qu'un amateur mais qui a une trop haute idée du foot, qui me renvoie à la nostalgie de l'enfance, pour accepter sa dégradation en foire à tous crins.

Pour résumer mon opinion, voyant le PSG naturellement plein de joie à la suite de sa victoire difficile - avec un penalty inexistant (JDD) - sur Lyon avec la Coupe de la Ligue brandie par son capitaine, je me suis senti peu accordé à cette allégresse. Je ne la trouvais pas excessive mais j'éprouvais les pires difficultés pour me réjouir à l'unisson. Je me suis demandé pourquoi, d'autant plus que, questionné sur mon équipe préférée, je répondais invariablement que c'était celle de Paris. J'étais à la fois sincère et mensonger. Comme si, sans cesse, l'adhésion sportive était entravée par des obstacles humains, politiques, parfois personnels.

N'étant pas totalement ignare, je n'ai pas besoin d'entendre la sempiternelle argumentation sur l'argent qui coule à flots partout, sur les salaires des grands joueurs, sur l'implacable loi du marché qui fait du foot une affaire et de ce jeu une spéculation, un investissement.

Je ne méconnais pas ces considérations mais tout de même, n'a-t-on pas le devoir, même à la tête d'un club prestigieux, de raison garder tant par rapport à son fonctionnement interne qu'à l'égard de l'économie générale ? Absurdement, j'ai toujours rêvé que le sport soit aussi une morale partagée non seulement par les joueurs mais aussi par ceux qui prospèrent sur leur talent, administrent et dirigent. La bureaucratie exploitant l'effort.

Il y a évidemment, au sein du PSG, des personnalités sympathiques et aimables, notamment Sirigu, Jallet, Thiago Silva ou Matuidi. C'est l'esprit de ce groupe et de son environnement que je dénonce. Il n'est pas normal que nous soyons si nombreux à ne pas nous enthousiasmer pour les succès nombreux, dans le périmètre français, de cette équipe et à ne pas déplorer autant qu'il le faudrait ses déboires en coupe d'Europe comme si nous étions presque heureux de voir rabotée son arrogance.

Depuis que le Qatar a pris possession de ce club, des détails agaçants m'ont perturbé. Je n'ai pas aimé, en face de petites équipes aux moyens modestes, le comportement de cette machine somptuaire qui ne semblait motivée par rien d'autre que son appétit de victoire à tout prix sans être imprégnée de la courtoisie et de l'allure qui caractérisent les ensembles de qualité, sportifs ou autres.

Je n'aime pas les ergoteurs, rouspéteurs et discutailleurs qui en permanence viennent se plaindre et protester. J'entends bien que ce n'est pas spécifique au PSG mais la grandeur, le talent et le luxe ont des exigences que la parcimonie besogneuse, à un match près, n'a pas toujours le loisir de respecter.

Je n'apprécie pas, même si le championnat de France en regorge - quel bonheur, alors, de voir les compétitions anglaises où on joue plus qu'on ne se roule par terre quasiment à l'article de la mort ! - ces joueurs du PSG qui au moindre incident, au moindre choc, simulent trop souvent et donnent de leur équipe une image lamentable, ridicule.

Je suis déçu, sur un plan à la fois dérisoire et narcissique, par l'incurie d'une organisation tentaculaire et d'un président qatari qui, disposant de moyens considérables, ne sont même pas capables, sans qu'on les relance - et encore ! - de répondre à des courriers et à des sollicitations dignes d'intérêt. A quoi sert l'argent sans la politesse et la rigueur, à quoi sert l'argent s'il ne permet pas la politesse et la rigueur ?

Profondément, je suis saisi par une sorte de répugnance devant ce pouvoir étalé, ce "fric" prodigué - le montant monstrueux des primes ! - et cet univers d'où, le médiatique se mêlant au sportif et les contrats juteux aux salaires exorbitants, le populaire est exclu même s'il a le droit de regarder de loin la tribune officielle et en quelque sorte les spectateurs institutionnels : quelle tristesse !

Celle-ci offre un conglomérat mélangeant ministres et maires de gauche, ancien président battu de droite, grands patrons et chanteurs et personnalités du show-biz avec président qatari siégeant au centre et plus courtisé que quiconque - un mix de vulgarité argentée et de privilèges incarnés, la France dans son inégalité en même temps anecdotique et révélatrice.

Le PSG à la sauce Qatar vient de l'emprise phénoménale de l'argent, est composée de joueurs talentueux mobilisés par l'incroyable stimulant qu'est l'argent-roi et est honoré avec la déférence choquante octroyée à un pays et à un président de club qui déversent une manne inépuisable dont on a déjà profité et qui à l'avenir ne nous fera pas davantage défaut.

Je suis scandalisé par cette cour honteuse faite au Qatar et qui ne s'interroge pas une seconde sur la vraie vie là-bas - en particulier, le soutien à tel ou tel groupe procédant à des enlèvements. Flagornerie intéressée abrutie par le seul spectacle d'exploits sportifs et une gabegie financière qui devrait moins fasciner que révolter ou au moins troubler.

Le PSG à la sauce Qatar dégouline de puissance et de fric. Partout. En lui et autour de lui. Il donne furieusement envie d'applaudir ailleurs. D'aspirer à des triomphes dont on pourrait être fier.

Peut-être, un jour, ce PSG gagnera-t-il la Coupe d'Europe. Mais il ne suffira pas d'un entraîneur plus doué pour les moments clés, comme contre Chelsea par exemple. Il devra à la fois, éducateur hors de pair, enseigner à ses joueurs la morale et la tactique, les convaincre d'avoir l'instinct du tueur - il faut savoir tuer un match - et l'élégance humaine.

Par exemple, celle-ci devrait interdire au PSG de refuser de répondre aux journalistes parce que ceux-ci légitimement l'ont critiqué à la suite du match retour médiocre contre Chelsea et de sa défaite contre Lyon.

Elle pourrait aussi inciter son président à ne pas seulement saluer les joueurs mais aussi à pousser la gentillesse jusqu'à avoir un geste pour les petits enfants devant eux.

Tant que le PSG n'aura pas conjugué son immense et encore inachevé potentiel sportif à une modestie singulière et collective de grande classe, il n'ira pas loin dans les coeurs.

Un Kopa désargenté, un Reims avec Albert Batteux valaient largement, à tous points de vue sauf pour la dilapidation, un Ibra milliardaire et un PSG à la sauce Qatar.


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