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La Crimée, un enjeu décisif

Actualités du droit - Gilles Devers, 1/03/2014

Jolie place que cette péninsule de Crimée, une avancée de l’Europe centrale...

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Jolie place que cette péninsule de Crimée, une avancée de l’Europe centrale dans la Mer Noire. Bon climat, site parfait pour le commerce et la défense. Un tel site fait des envieux… et son histoire est faite d’invasions, de guerres, de répression.

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La Crimée, longtemps partie de l’Empire Ottoman, n’est devenue russe qu’en 1783, avec Catherine II. Dans la configuration d’alors, très centrée sur la méditerranée, c’était une prise de choix, et une base pour l’expansionnisme russe. La réponse est venue en 1853, avec la guerre de Crimée, conduite par l’Empire Ottoman, la France et la Grande-Bretagne. Une guerre épouvantable, un siège terrible pour Sébastopol, et un bilan de 75000 Morts. La Russie a du renoncer à ses conquêtes, mais la Crimée est restée russe. En 1921, par un décret signé de Staline, elle a intégré l’URSS comme République soviétique socialiste autonome de Crimée… Déjà « autonome ».

Pendant la seconde guerre mondiale, on retrouve la vaillante armée Rouge et la population qui résiste, avec un impressionnant siège de Sébastopol, trop méconnu. La ville tient et bloque l’avancée nazie. Des héros : la Crimée et Sébastopol entrent dans notre histoire. En 1948, Staline revient sur l’autonomie, et crée pour Sébastopol un statut spécial de rattachement direct à Moscou.

En 1954 – et c’est un tournant – Nikita Khrouchtchev, qui est né en Ukraine, rattache la Crimée à l'Ukraine, par une volonté de tourner la page de la répression stalinienne sur l’Ukraine. Un geste fort, mais qui ne modifiait pas les grands équilibres, car l’URSS était un bloc.

Tout bascule en 1991, avec l’écroulement de l’URSS, et s’en suivent trois évolutions majeures, qui pèsent beaucoup ces jours-ci.

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L’autonomie

La Crimée, étroitement liée à la Russie pendant plus de150 ans, et place forte de l’URSS, s’est en 1991 retrouvée Ukrainienne. C’était en droit incontestable vu les actes signés par Khrouchtchev… Mais il était impossible de balayer l’histoire et la composition de la population. La Crimée est restée partie intégrante de l’Ukraine, mais elle a été dotée, en 1992, d’un statut de république autonome, avec une constitution. Ce texte a ensuite été amendé plusieurs fois, pour aller dans le sens d’une moindre autonomie. Ces jours-ci, l’une des revendications est le retour à la constitution de 1992.

Les Tatars

Le second fait marquant est le retour des Tatars. Cette population nomade d'origine turco-mongole s’était, au fil des évènements, installée en Crimée. Majoritairement musulmane – des sunnites – elle avait trouvé sa place dans l’Empire Ottoman. Les Tatars s’étaient accommodés du passage sous le contrôle russe, mais en 1917, ils avaient cherché à échapper au nouveau pouvoir bolchevique, avant de connaître l’échec conduisant à l’intégration de la Crimée dans la Russie en 1921. Depuis, les rapports entre cette population et les autorités de Moscou ont toujours été difficiles. Lorsque les nazis ont pied en Crimée, une partie de la population tatare a collaboré, et après-guerre, Staline a entrepris en rétorsion des déportations systématiques en Sibérie et en Asie centrale. C’est uniquement en 1991 que les Tatars ont pu retrouver leur terre, la Crimée, et à ce jour, la communauté représente 12% de la population, soit 2 millions d’habitants. Les Tatars sont très opposés à une mainmise russe, et le font savoir… Hier, les Tatars se sont clairement rangés contre la majorité russophone.

Sébastopol et la question militaire

Enfin, il y a la question miliaire et le statut du port militaire de Sébastopol, la voie d’accès à la Méditerranée pour les Russes, via le Bosphore. En 1991, la discussion a été serrée, car la Russie ne pouvait envisager de voir sa flotte passer à l’Ukraine et Sébastopol lui échapper. Un accord a été conclu en 1997 avec un partage de la flotte – 17% pour l’Ukraine 83% pour la Russie – et la signature d’un bail entre Kiev et Moscou, avec une modification signée en 2010 entre Ianoukovitch et Poutine : l’échéance du bail a été reportée à 2042, et la Russie a accepté un loyer annuel de 8 millions de dollars et une réduction de 30 % du prix normal de livraison du gaz. A ce jour, compte tenu de l’évolution des enjeux stratégiques, la flotte russe est surtout présente en Mer du Nord et sur la façade pacifique. Mais il est hors de question de renoncer à Sébastopol, qui reste la place forte de la flotte en mer Noire, avec vingt-cinq navires de combat et treize mille hommes, en effectif pouvant être porté à 25 000. Avec le recul US, la Russie va se montrer de plus en plus présente, et Sébastopol reste stratégique. Pour la région, cette présence russe est un grand appui économique.

Pour quelques temps, les équilibres de la région vont se jouer sur cette péninsule, à nouveau prise dans les tourbillons de l’histoire. 

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