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Les présents ont toujours tort !

Justice au singulier - philippe.bilger, 6/01/2014

Que le président de la République se rassure : les présents ont toujours tort. Jusqu'au moment où les absents entrent en lice pour l'épreuve finale. On verra en 2016 puis en 2017 qui restera au tapis républicain.

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Cette inflation de sondages qui comparent des choses, des fonctions et des comportements sans commune mesure sur le plan politique !

Pourtant, il y a dans Le Parisien la rubrique "La personnalité au crible" qui est très éclairante parce qu'elle constitue l'étude à la fois psychologique et politique d'une personnalité qu'on confronte à d'autres pour la décréter en hausse ou en baisse par rapport à elles.

C'est François Hollande qui était l'homme du dimanche 5 janvier, avec ce titre : François Hollande, le dos au mur.

En effet, le bilan n'est pas brillant.

71% des Français ont une mauvaise opinion de lui contre 27% qui le jugent bien.

Pour les quatre secteurs choisis par le quotidien pour évaluer son action, aucun ne le crédite d'une majorité même s'il en est proche pour la politique étrangère mais très éloigné pour la dette et les déficits publics et, enfin, l'emploi.

Parmi les qualités qui pourraient être les siennes, figure en tête la sympathie suivie tout de suite par le fait d'avoir des convictions profondes, d'être proche des gens et courageux. En revanche, au plus bas, il ne serait pas charismatique, pas dynamique et sa solidité, son autorité feraient douter.

J'entends bien que l'exercice laissé à la discrétion des gens sondés est parfaitement subjectif et donc qu'il serait absurde de tirer des conclusions définitives de ces évaluations.

Il n'empêche que je ne me sépare pas des 56% de Français qui l'ont perçu d'abord comme sympathique.

Qu'on apprécie ou non sa personne, François Hollande, parfois à cause de ses maladresses même, de son apparence si peu apprêtée dans le mauvais sens du terme, grâce à sa jovialité naturelle qui ne le rend guère plausible quand il prend l'air grave et sévère - il paraît qu'on a tort -, avec une normalité qui, en dépit de l'appareil inévitable de l'Etat, ne se dément pas, continue en effet à dégager urbanité, courtoisie et gentillesse. Ces dispositions, qui ne sont pas à tourner en dérision, pourraient se résumer en une évidente dilection pour autrui qui, pour lui, n'est pas une gêne ni une perte de temps mais une chance.

Pour le courage, je serai plus nuancé. Il est indéniable qu'il est à la hauteur de sa charge, sur ce plan, quand il n'hésite pas à prendre des résolutions lourdes de conséquences qui engagent notre armée dans des opérations à l'étranger, jamais à la légère même si la France rêverait d'être assistée. La Centrafrique un futur guêpier ?

Le président de la République ne tremble pas, il ne tergiverse pas, il décide et ne se laisse pas impressionner même dans telle ou telle circonstance délicate. Apparemment on ne lui dénie pas véritablement ce mérite. Mais le courage ne réside pas que là.

Il devrait aussi consister à répudier la démagogie, à résister, sur le plan des libertés et des droits de l'homme, au confort d'adhérer à tout ce qui flatte et séduit, à la facilité de l'humanisme qui ne donne plus sens à une politique mais emplit ses vides.

Je n'aime pas du tout chez lui cette complaisance, alors que sa volonté de rassembler est sincère, de toujours donner la main et l'esprit à ce qui va en définitive déchirer. Je n'évoque même plus le mariage pour tous. Dans l'affaire Leonarda, il n'a pas été courageux. Dans la polémique Dieudonné, il n'est pas courageux. Il va dans le sens du vent dominant au lieu de créer le sien plus équilibré et de l'imposer aux autres. Il préfère Valls à la rectitude, Taubira à la rigueur. Le vernis socialiste à l'efficacité d'une politique.

L'intransigeance proclamée seulement à l'encontre du racisme et de l'antisémitisme n'est pas une force mais une faiblesse. La vérité et le droit ont une définition républicaine qui n'est pas, et de loin pas, conforme à l'humanisme hémiplégique de nos gouvernants. Quand le coeur est partial, l'esprit tourne à la fausseté.

Le courage de François Hollande devrait donc aussi s'attacher à ces mille preuves subtiles, immatérielles et finement démocratiques qui déterminent l'admiration ou non qu'on éprouve pour un chef d'Etat.

Je regrette qu'à nouveau, la Justice ait été oubliée dans les domaines synthétisant les missions présidentielles.

D'abord parce qu'un président de la République n'a que trop tendance - et ses adversaires aussi, sauf quand ils peuvent s'en servir contre lui ! - à négliger cette institution capitale pour la démocratie même si au moins avec lui et Christiane Taubira, ses serviteurs ont été traités, dans la forme et publiquement, avec considération, ce qui n'est pas rien.

Il conviendrait d'autant plus de la retenir comme un domaine fondamental que cela donnerait sans doute à François Hollande une vision plus claire, plus lucide, moins partisane de la piètre action de sa garde des Sceaux, médiocrement compensée par le verbe et une aura de substitution. Aurait-il pu relever un pourcentage catastrophique pour la Justice que François Hollande peut-être se serait dessillé les yeux et l'inconditionnalité ! On aurait pu le tenter, l'espérer en tout cas !

Pour le classement des personnalités qui feraient mieux ou moins bien que lui, François Hollande n'a pas à s'en inquiéter.

En effet, celles qui sont citées - Valls, Fillon, Copé, Martine Aubry - ont été ministres ou Premier ministre.

Seul Sarkozy, dans la liste, a été président de la République mais battu, il ne sera plus virginal en 2017 s'il se représente : les espérances de 2007 sont devenues les déceptions de 2012 et il devra inventer une démarche et un projet qui feront oublier un passé rejeté au bénéfice d'un avenir que les citoyens appréhenderont sans l'enthousiasme d'il y a dix ans.

Les autres ont une crédibilité présidentielle, aujourd'hui, seulement parce qu'ils incarnent encore, eux, des espérances s'ils aspirent à la fonction suprême. Face à François Hollande, ils n'obtiennent pas des scores médiocres mais seulement à cause des virtualités qu'on leur prête alors que François Hollande est un président réel directement en charge des réalités de la France. Il est facile, pour ses antagonistes, d'apparaître comme un recours, un secours, puisque, jamais éprouvés, ils peuvent tout prétendre et que, par ailleurs, Nicolas Sarkozy forme le voeu que les Français aient la mémoire courte.

Que le président de la République se rassure : les présents ont toujours tort. Jusqu'au moment où les absents entrent en lice pour l'épreuve finale.

On verra en 2016 puis en 2017 qui restera au tapis républicain.


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