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Informatique et droit d'auteur : La Cour de Cassation rappelle la définition de l'interopérabilité

droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 2/11/2011

Par un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour de Cassation donne sa définition de l'interopérabilité.

On sait que les logiciels sont protégés par le droit d'auteur. Cette protection est facilitée en pratique par le fait que dans le système dominant, celui des logiciels propriétaires, ceux-ci sont livrés en tant que code objet, c'est-à-dire un code compilé à partir du code source créé par les auteurs ; or le code objet n'est pas lisible par l'homme. Pour accéder à ces codes il est nécessaire de procéder à la décompilation du logiciel, également appelée "reverse ingeneering", pratique éminemment illégale jusqu'à l'intervention de la directive CE n° 91/250 du 14 mars 1991concernant la protection  juridique des programmes d'ordinateurs codifiée actuellement dans la directive CE n° 2009/24 du 23 avril 2009.

Du fait de cette directive il est devenu licite à partir du 10 mai 1994 de procéder à de tels actes à la seule condition que l'objectif  poursuivi soit celui de l'interopérabilité.

L'enjeu de l'affaire jugée était un logiciel destiné aux huissiers de justice. Dans une première période de sa vie professionnelle, M. X avait conçu plusieurs versions successives de ce logiciel sous l'égide d'une société Fiducial Informatique, le produit étant commercialisé sous le nom de "fiducial huissiers" après avoir été, dans des versions précédents "Sage", "Winsage" et "H. Open". Dans un second temps, M. X a développé et commercialisé en partenariat avec trois sociétés, un nouveau logiciel, dont la finalité était la même, dénommé "Athena". La société Fiducial a engagé des poursuites pour contrefaçon contre M. X et ses sociétés partenaires, quand elle a découvert que la migration d'un de ses clients, utilisateur du logiciel "H.Open", vers le logiciel concurrent Athena donnait lieu à des opérations sur ses propres logiciels qu'elle a considéré comme des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale et parasitaire.

Les défendeurs s'étaient retranchés derrière d'interopérabilité pour justifier leur manière d'agir. La société Fiducial a donc tenté de faire prévaloir une définition restrictive de cette notion en soutenant que

"L'interopérabilité vise à permettre le fonctionnement du logiciel eninteraction avec d’autres logiciels, de façon à assurer une communicationcohérente et constante entre deux logiciels ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel aconstaté que les opérations de migration visaient, non pas à permettre lacommunication entre les deux logiciels « Athena » et « H.Open », mais àremplacer l’un par l’autre."Mais la Cour de Cassation ne s'est pas laissé abuser, pas plus que les juges du fond, et elle a rappelé que la définition donnée par la directive européenne de la notion d'interopérabilité était bien plus large et qu'elle ne pouvait être réduite à la communication entre deux logiciels. Selon la directive de 1991 et sa codification de 2009,

"L'interopérabilité peut être définie comme étant la capacité d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement les informations échangées."Finalement, l'interopérabilité c'est d'abord et avant tout la consécration de la liberté d'échanger les informations, donc les données, par delà les systèmes informatiques utilisés. La communication entre logiciels, à laquelle la société Fiducial tentait de réduire l'interopérabilité, n'est que l'un des moyens d'y parvenir.

Profitons de cette affaire pour rappeler que ce type de problématique n'existe pas avec les logiciels libres ou open-source, puisqu'ils sont obligatoirement fournis avec leur code source auquel tout un chacun peut accéder pour étudier le fonctionnement du logiciel, éventuellement l'améliorer et le modifier, et diffuser, commercialement ou non, sa propre version du logiciel, à la condition de rester sous le même régime de licence. Cette affaire révèle peut-être également l'intérêt qu'il y a, en particulier dans le monde des collectivités locales, à privilégier les formats ouverts pour les données ; il s'agit de la seule manière de rester libre vis-à-vis des fournisseurs et prestataires tout en garantissant la pérennité des données.

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