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Confier à l’Etat la responsabilité des enfants étrangers isolés ? Du cynisme politique (546)

Planète Juridique - admin, 23/11/2013

Le sénateur Arthuis persiste et signe. Après avoir annoncé cet été avant de revenir sur son projet sus la pression du préfet, son intention de ne plus recevoir les enfants étrangers qui lui sont confiés par la justice es qualité … Continuer la lecture

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Le sénateur Arthuis persiste et signe. Après avoir annoncé cet été avant de revenir sur son projet sus la pression du préfet, son intention de ne plus recevoir les enfants étrangers qui lui sont confiés par la justice es qualité de président du conseil général de la Mayenne, il entend désormais déposer au nom de l’UDI, une proposition de loi confiant la responsabilité de ce dossier au seul Etat.

M. Arthuis s’inquiète à juste titre de la charge financière qui pèse sur le budget de la collectivité locale. Certains départements ont pu voir 15% de leur budget consacré à ces mineurs dont on estime le nombre aujourd’hui dans une fourchette de 6 à 8000.

Chaque année plusieurs milliers de jeunes – dont un tiers de majeurs soucieux en se prétendant mineurs d’éviter l’expulsion et bénéficier du dispositif de protection de l’enfance –passent nos frontières venant le plus souvent d’Afrique ou d’Asie. Ils fuient les persécutions politiques ou communautaristes ou  le plus fréquemment viennent pour y gagner de l’argent afin de survivre et de nourrir leur famille ou leur groupe familial. Il ne faut pas confondre leur problématique avec celle des enfants « roms ». On y trouve ainsi tous ces jeunes maliens, ivoiriens, du nigériens ou encore lybiens ou tunisiens qui franchissent la méditerranée comme ils le peuvent et rejoignent la France via l’Italie ou l’Espagne après parfois des mois et des mois de voyage. Beaucoup de ces jeunes sont en transit vers les pays du nord de l’Europe mais un nombre non négligeable visent la France. Ils viennent par leurs propres moyens ou avec l’aide de filières que leurs proches auront mobilisées en s’endettant durablement ou en vendant un lopin de terrain.

Disons-le une nouvelle fois tout net pour contrebattre un discours plus ou moins insidieux : pour l’immensité d’entre eux (1), spécialement les enfants venus de l’Afrique subsaharienne et d’Asie aucun d’entre eux ne sera mêlés à des actes de délinquance. Même exsangues, dormant dans la rue et quémandant chaque jours de quoi manger dans un foyer de travailleurs émigrés ; aucun  de commettra le moindre délit. Ces jeunes aspirent à aller à l’école et à travailler. Ils sont dans une démarche de loyauté avec leur famille qui s’est saignée pour les faire venir.

Leur montée en nombre en France et en Europe date maintenant d’une quinzaine d’année avec la crise économique et les conflits  et aujourd’hui les révolutions arabes.

Leur nombre fait aujourd’hui problème même si des pays comme l’Italie ou l’Espagne sont dans une situation encore bien plus difficile.

Reste qu’à jouer trop longtemps l’autruche les pouvoirs publics sont punis par là où ils ont péché.

Durant des années nous avancions que la responsabilité était conjointe entre l’Etat et les collectivités locales quant à la prise en compte de ces jeunes.

Dans la lignée de Charles Pasqua alors ministre de l’intérieur qui appelait en 1995 le conseil général de la Seine Saint-Denis à assumer cette charge en contrepartie des royalties de Roissy, l’Etat à jusqu’à peu affirmé qu’il n’avait pas à s’investir pour ces jeunes négligeant ses responsabilités sur le contrôle des frontières, la gestion du statut des étrangers et des personnes sans domicile et qu’il a des comptes à rendre à l’international sur les politiques suivies en France notamment à l’égard des enfants en danger.

Le rapport du préfet de région Landrieu de 2006 qui affirmait comme nous y appelions la coresponsabilité de l’Etat avec les conseils généraux en charge des politiques sociales fut vite enterré faute de volonté politique.

Coup de pied de l’âne quand les conseils généraux commençaient à dénoncer le fait d’être abandonnés, l’Etat a tenu à affirmer dans la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance que les collectivités locales avaient en charge cette responsabilité des mineurs étrangers isolés.

En novembre 2011 encore, en pleine milieu du conflit engagé par le CG de la Seine Saint-Denis, M. Mercier, garde des Sceaux et par ailleurs président du conseil général du Rhône, affirmait encore que l’Etat n’était pas en charge de ce sujet …. tout en acceptant de financer la plate-forme d’accueil du 93 pour éteindre le feu qui risquait de se rependre : l’Etat achetait la paix sociale en attendant les élections.

Nous appelions de longue date à ce que l’Etat assume ses responsabilités. D’abord en faisant directement au mieux sa part de travail spécialement à travers l’intérieur, la justice et l’éducation nationale et en finançant le travail délégué aux collectivités locales, mais aussi en cordonnant la réponse apportée par notre pays pour veiller à une cohérence, à une réponse de qualité et à une péréquation entre les départements dans la mesure où ces enfants ne sont pas ceux de la Seine Saint-Denis ou de la Mayenne.

PetitjugeLa circulaire justice de mai 2013 appuyée sur un protocole signé avec l’Assemblée des départements de France répondit globalement à nos attentes : enfin l’Etat ne se défaussait plus : un dispositif reposant sur les parquets et le ministère de la justice était mis en place et une mobilisation de tous les conseils généraux était recherchée.

En répondant positivement aux objectifs poilitiques identifiés ce dispositif supporte pourtant la critique et même des critiques majeures. Il est même porteur d’une démarche dangereuse pour la justice de ses enfants.

Sans revenir dans le détail – voir mes blogs précédents -, il vise plus à soulager financièrement les conseils généraux qu’à prendre en compte les personnes concernées. On les repartit tels des dossiers dans les différents départements en n’hésitant pas à les orienter vers des structures qui n’ont aucune culture de cette immigration et des spécificités de la prise en charge de ces jeunes. On traite des dossiers selon une clé de répartition purement administrative et pas selon l’intérêt des enfants

La prise en charge financière sur 5 jours par l’Etat à hauteur de 140 euros par jeunes - est largement sous la barre de ce qu’il fallait faire Mais nécessité économique oblige !

Plus grave encore

1) on fait du parquet un tribunal parallèle. Quand les précédents gouvernements se défiaient des juges des enfants en matière pénale au  point de faire gérer 65 % de la délinquance par le parquet celui-ci débouche sur un dispositif où les enfants en danger sont gérés par le procureur de la République en contournant le juge des enfants du lieu de découverte du jeune. On sort du droit commun.

2° et plus préoccupant : on a délégué au secteur associatif le soin de décider si telle personne entrera ou pas dans le système de protection de l’enfance et comme je l’ai dénoncé ici sans que cette décision qui fait grief soit notifiée par écrit et dans une langue compréhensible aux intéressés avec indication des recours qui lui sont offerts. En violation du droit français et européen.

Sans compter les difficultés d’application du Protocole et de la circulaire quand certains départements rechignent à tenir leur place. On voit des personnes tenues pour mineures demeurer à la rue alors même qu’elles devraient être mise à l’abri au terme même de protocole. Les départements jouent au ping pong avec ces jeunes. On se contente fréquemment de les nourrir et de les héberger sans traiter leur problème du séjour. On les lâche à 18 ans sans avoir parachever le travail;  etc.

Alors la proposition du sénateur Arthuis de tout transférer à l’Etat interpelle.

Ceux qui hier niaient la compétence de l’Etat, aujourd’hui refugiés dans leurs responsabilités locales, veulent du tout Etat ! Opportunisme politique ou cynisme ? Comment imaginer que l’Etat qui décentralise les politiques sociales à coups de reformes depuis les lois 1982-1984 va recentraliser le dispositif visant les seuls jeunes étrangers ?

avocat_jeuneEn vérité plus que jamais il faut faire vivre la coresponsabilité.

L’Etat doit assumer son rôle notemment en veillant à la mise à l’abri des jeunes personnes à la rue et en facilitant l’évaluation de leur situation  (preuve de leur identité en vérifiant les papiers avancés, vérification de l’isolement, etc.).

Les termes de la péréquation entre conseils généraux doivent être revus : certains  - comme la Dordogne - veulent accueillir ces enfants pour être traditionnellement terres d’accueil ils y voient une richesse à court et à long terme ; d’autre ne le peuvent pas ou ne le veulent pas : ils financeront l’intervention des autres.

Sous prétextes qu’ils sont étrangers ces enfants ne doivent plus être traités comme des dossiers ou des paquets. Un vrai dispositif d’accueil s’impose qui ne s’appuie pas sur les hôtels comme c’est généralement le cas en région parisienne avec des travailleurs sociaux trop souvent déroutés malgré leur bonne volonté par la spécificité du travail à entreprendre. Il faut là encore des équipes spécialisées et mobilisées pour l’accueil, l’évaluation et l’orientation. Le droit commun judiciaire doit leur être appliqué : ils relèvent sauf urgence du juge des enfants pour les protéger physiquement et du JAF pour gérer leur problème de statut au regard de l’autorité parentale. Tout simplement les droits de ces jeunes personnes doivent être respectés : des décisions motivées et notifiées, des recours ouverts, l’accès à un avocat.

Soyons réalistes ces jeunes sont destinés à rester en France.

L’enjeu est de savoir s’ils le seront dans la clandestinité ou légalement. Ils sont une richesse, parmi d’autres, pour notre pays. Ils representent peu au regard des 6 milliards 700 millions de la protection de l’enfance. Le refus de voir le problème ou la mauvaise gestion de ce dossier créent de longue date une ambiance délétère dan la protection de l’enfance. Sortons-en. Dans notre intérêt.

 

(1)    Force est de reconnaître qu’en région parisienne il y a une exception tunisienne avec des jeunes qui en sollicitent aucune aide, voire la refusent et peuvent se livrer à des actes de délinquance comme l’arrachage de chaines en or des passantes. A l’inverse les jeunes égyptiens qui ne demandent aucune aide mais sont dans des réseaux du bâtiment où ils travaillent au noir quitte à se faire exploiter au travail.

 


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