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Trump est trompeur !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 20/09/2017

Il en faut car Trump est trompeur en effet. Il ne suffit pas de penser, de parler et d'agir aux antipodes de lui pour mener une bonne politique internationale. Ce serait trop simple. Peut-être à la fois l'écouter pour le normaliser mais ne jamais désespérer de lui ?

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Ce calembour facile dit pourtant exactement ce que j'ai l'intention de développer dans ce billet.

L'opposition sur tous les plans à l'ONU, dans le fond et la forme, entre le président américain et le président français doit attirer l'attention sur les dangers à la fois intellectuels et politiques que Donald Trump est susceptible de faire courir non seulement à son pays mais à ses interlocuteurs de haut niveau dans le monde.

Qu'on se trouve avec lui face à une personnalité qui ignore le langage diplomatique et assène publiquement, sur un mode provocateur, ce qui serait à peine proféré porte close est une évidence. Il me semble qu'on s'est trop vite satisfait des particularités de ce président plus qu'atypique : faisant douter de ses capacités de leader et de son aptitude à tenir plus d'un jour une ligne cohérente et solide, en quelque sorte de bon sens à proportion des écrasantes responsabilités qui lui ont été confiées parce que sa rivale ne faisait pas le poids et que le peuple américain dans ses profondeurs aspirait à une mue brutale.

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Le constat que Donald Trump était étranger au style des relations internationales, qui, même dans les rapports de force dont certains étaient adeptes, gardait cependant une forme de rationalité qui permettait les échanges, n'a pas été suffisamment souligné. On n'a pas assez mesuré cette donnée que le président américain, solitaire dans sa volonté d'imperium caractérielle et jusqu'au boutiste, ne risquait pas de nuire qu'à son propre pays et aux intérêts de celui-ci. Mais, campé en contre-exemple absolu, il serait à même d'instiller cette idée confortable dans la tête de tous les autres chefs d'Etat et de gouvernement que le contraire de Trump serait forcément bien.

On peut comprendre l'obstination vaine à le persuader de se maintenir dans l'accord sur le climat parce que sa désertion fondée sur des critères purement autarciques serait préjudiciable à toute la planète.

Mais, pour lutter contre sa vision narcissique, impériale, fondée sur l'Amérique d'abord, réactive, au moins dans le verbe, au-delà de toute mesure, faut-il forcément se complaire dans l'invocation à un monde multilatéral qui offrirait par nature des opportunités d'équilibre et de prévention des conflits ?

Au sujet des Etats qu'il qualifie de "voyous", pour juger délirante son envie de "détruire complètement la Corée du Nord" et trop violente sa charge contre l'Iran et le Venezuela, est-il pertinent de ne pas s'arrêter au moins à un juste milieu qui garantirait une fermeté opératoire et légitime sans nous entraîner vers une inéluctable catastrophe ? (Les Echos, Le Monde)

Pour s'écarter des chemins de Donald Trump, ne serait-il pas intelligent de retirer l'absurdité à ses foucades mais de ne pas mépriser trop vite l'inspiration et le ressort de celles-ci ?

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Le président Macron est probablement celui qui est le plus susceptible, malgré ses somptueuses et honorables abstractions à l'ONU, de comprendre cet état d'esprit qui d'abord ne prendrait pas Trump pour un clown mais pour un chef d'Etat et ensuite le ménagerait et tenterait de le convaincre au lieu de le moquer. Puisque notre président, à chacune de ses rencontres avec lui, à Paris ou dans des groupes internationaux, a toujours veillé à l'intégrer en cherchant à banaliser son extravagance et ses quelques comportements de rupture. Plus Donald Trump vise à s'exclure avec une arrogance qui révèle plus d'incertitude sur ses compétences que de véritable fatuité, plus il est capital de ne pas le laisser errer seul. Il y a de la psychologie aussi dans la politique étrangère.

Il en faut car Trump est trompeur en effet. Il ne suffit pas de penser, de parler et d'agir aux antipodes de lui pour mener une bonne politique internationale. Ce serait trop simple.

Peut-être à la fois l'écouter pour le normaliser mais ne jamais désespérer de lui ?


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