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« L’enfance sabordée », retour sur le procès de l’Ecole en bateau

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 15/04/2014

C’était il y a tout juste un an. Dans la salle d’audience de la cour d’assises de Paris, qui venait de condamner pour viols et agressions sexuelles sur mineurs le fondateur de l’Ecole en bateau, Léonide Kameneff, 76 ans, et … Continuer la lecture

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C’était il y a tout juste un an. Dans la salle d’audience de la cour d’assises de Paris, qui venait de condamner pour viols et agressions sexuelles sur mineurs le fondateur de l’Ecole en bateau, Léonide Kameneff, 76 ans, et deux autres accusés, on était restés le regard aimanté à cette grappe humaine. A cette poignée d’adultes et à leurs visages trempés de larmes, qui ne parvenaient pas à se séparer après trois semaines d’une audience exceptionnelle, pendant laquelle ils avaient raconté leur enfance sabordée.


Ecole en bateau, l'enfance sabordée par Telerama_BA

Marie, Jean-Baptiste, Fabien, Benoît, Ludovic, Baptiste et quelques autres ont été ces gamins de 10 à 14 ans qui, à la fin des années 80 et au début des années 90, ont embarqué pour de longs mois à bord d’un voilier qui sillonnait la Méditerranée. Partis des étoiles plein les yeux pour cette « école sans tablier », ils étaient rentrés silencieux et brisés. Jusqu'au jour où la parole de l’un d’entre eux, qui s’était décidé à porter plainte, avait libéré celle que les autres avaient si longtemps enfouie.

Comme eux, Laurent Esnault s’est longtemps tu. Les faits d’agressions sexuelles qu’il dénonçait pendant l’instruction étaient prescrits. Mais il était là, en mars 2013, au procès de Léonide Kameneff. A la fois dedans, comme témoin cité à la barre, et dehors, comme réalisateur, aux côtés des anciens pensionnaires de l’Ecole en bateau. Ce parti pris assumé de proximité donne toute sa puissance au documentaire diffusé mardi 15 avril (France 5, 20h35). 

« Parents, où étiez-vous ? »

Devant la caméra, Marie et les autres se livrent avec confiance. Ils expliquent, peut-être mieux encore qu’ils ne l’ont fait devant la cour d’assises, l’utopie pervertie, la destruction méthodique des repères, les tabous brisés, la nudité imposée, la soumission aux désirs sexuels des adultes.

A leurs visages d’aujourd’hui – ils ont entre 35 ans et 45 ans  se superposent à l’écran les photos et les lettres des enfants qu’ils étaient. Cheveux longs au vent, corps dorés par le soleil, regards lumineux. Il faut entendre Baptiste décrire ce « traquenard absolu, ce piège idéal » qu’était pour les enfants l’Ecole en bateau. Marie raconte le « cassage psychologique » imposé par les adultes. Il faut voir encore les yeux rieurs de Ludovic se voiler soudain lorsqu’il évoque ce moment où, pour la première fois, il subit les caresses des adultes sur le bateau : «Un sentiment de terreur et de curiosité mêlés. Parce qu’il y a quelque chose de nouveau, des sensations qui ne sont pas franchement désagréables. Et en même temps, cette terreur parce que quelque chose a été brisé. Et en tant qu’enfant – sa main tranche l’air de haut en bas – il y a une faille. On comprend soudain que le monde des adultes n’est pas fiable. » Et  l’on repense alors à la terrifiante question lancée par l’un des anciens pensionnaires devenu adulte à ses parents : « Parents, où étiez-vous ? » 

Ecole en bateau, l'enfance sabordée. Documentaire de Laurent Esnault et Réjanne Varrod. 52 mn. Diffusion mardi 15 avril, France 5, 20h35 


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