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Syrie : Le gouvernement renverse ses alliances

Actualités du droit - Gilles Devers, 19/11/2015

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Dans quelles tractations le gouvernement français est-il allé se fourvoyer en Syrie, pour justifier la fureur des dirigeants de Daech, au point d’organiser les attentats de Paris ? Car ces faits dramatiques conduisent mécaniquement la France à un renversement d’alliances, pour rejoindre la politique russe, et à abandonner l’exigence du départ de Bachar El-Assad,… ce qui est pourtant l’un des buts de Daech.

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Nous n’avons ni les cartes, ni le dessous des cartes, et je me garderai bien de toute recherche des causes. Nous verrons,… et il est d’ailleurs possible que nous n’ayons pas attendre trop longtemps, et que fuitent des révélations genre wikileaks.

Alors pourquoi la France ? Bien évidemment il est impossible d’adhérer benoîtement au discours du genre « parce que la France fait la guerre au terrorisme ». La France a un rôle militaire contre Daech, comme de nombreux pays, et elle peut donc être frappée à ce titre. Oui, mais ça ne colle pas, à cause de la politique française sur la Syrie.

Amorcée sous Sarko, et blindée sous Hollande, la France avait une position diplomatique qui lui donnait une place d’exception, car si elle combattait Daech, elle soutenait qu’il fallait dans le même temps obtenir le départ de Bachar El-Assad. Hollande s’est toujours montré intransigeant, et Fabius avait même été jusqu’à prôner son élimination physique du président syrien. Un atout pour Daech, qui veut renverser Bachar El-Assad.

Or, en frappant coup sur coup la Russie, le 31 octobre dans l’explosion de l’Airbus, le Hezbollah le 12 novembre et Paris le 13 novembre, les dirigeants de Daech ont bouleversé le jeu diplomatique. La Russie et l’Iran sont rappelés comme ennemis principaux de Daech, et en frappant Paris – de quelle manière ! – Daech amène la France à rejoindre la position de la Russie, pour renforcer sa sécurité. Ce renversement d’alliances s’est fait en quelques jours, apparaissant dès la nuit du 13 au 14 novembre. Maintenant, la diplomatie va mettre les formes pour habiller ce retournement, mais le résultat est clair : Poutine qui était infréquentable il y a une semaine est en train de devenir le grand allié de la France dans la guerre de Syrie.

Il y a quelques jours encore, le préalable à toute solution en Syrie était le départ de Bachar El-Assad, et pour Paris, c’était indiscutable. Cette intransigeance a fondu avec les attentats du 13 novembre. Les experts linguistes du Quai d’Orsay vont chercher les formules qui éviteront le ridicule complet au gouvernement, mais la page est tournée. Dans son interview de la semaine dernière, le président Rohani rappelait qu’il ne peut pas y avoir de lutte contre le terrorisme sans un pouvoir fort,… ce que fait Hollande avec l’état d’urgence. Depuis le 13 novembre, la France va devoir se focaliser sur la lutte contre l’ensemble des groupes terroristes en Syrie, car l’opinion ne comprendrait pas de tergiversations sur cette priorité. La Russie et l’Iran vont demander des choix clairs, avec des positions françaises qui devront être aussi. Dès lors, l’hypothèse la plus crédible est que Bachar El-Assad sera encore au pouvoir en 2017 pour saluer la défaite de François Hollande.

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À ce stade, deux remarques s’imposent.

La première concerne les relations entre la France et Daech. Que s’est-il donc passé pour que Daech décide de braquer la France contre lui, et de perdre le seul grand Etat – membre permanent du Conseil de sécurité – qui faisait comme lui, du départ de Bachar El-Assad un préalable à toute solution ? Le régime de Bachar El-Assad ressort renforcé des attentats de Paris : c’est une évidence.

La seconde conduit à nous interroger sur les désagréments et les humiliations qui attendent la France après ce spectaculaire retournement.

La Russie et l’Iran ont une politique claire et marquent des points sur le terrain, en combinant l’action aérienne et le combat des troupes au sol. C’est leur priorité, et aussi ils sauront donner le change pour agir en lien avec la France, mais la France ne pourra garder deux fers au feu. Et quand ce sera l’heure des grands arbitrages, la France payera cher son attitude antérieure et son intransigeance illusoire, qui s’est écroulée en quelques heures.

La France va devoir aussi ajuster sa position vis-à-vis de ses alliés de ces dernières années – l’Arabie Saoudite, le Qatar et Israël – qui ne sont pas près d’accepter de la place de l’Iran comme place forte de référence au Moyen-Orient. Alors, jusqu’où la France est-elle engagée, et quel sera le prix à payer pour ce renversement d’alliances, conclu sous la pression des faits ?


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