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Lurel ridiculise la France

Justice au singulier - philippe.bilger, 13/03/2013

Il est déprimant de constater que sur ce plan, de Sarkozy à Hollande, rien ne change et que les errements, âneries ou vulgarités de toutes sortes continuent à bénéficier de la scandaleuse immunité qui est concédée au dérisoire et protège le grave.

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Citant de mémoire un propos d’Einstein, il me semble qu’il résume parfaitement ce que l’actualité récente a fait venir au premier plan. En particulier, la stupéfaction, pour ne pas dire plus, suscitée par les éloges du ministre Victorin Lurel lors des funérailles d’Hugo Chavez où il représentait le gouvernement français et donc la France tout entière dans sa pluralité et sa diversité.
Einstein avait soutenu que deux notions lui apparaissaient infinies : l’univers et la bêtise humaine, mais que pour la première, il avait encore un doute.
Il faut accepter que pour Victorin Lurel, au-delà de l’utilité de ce navrant épisode qui lui a permis de se faire connaître, la bêtise humaine est probablement le facteur décisif qui l’a conduit à proférer de telles absurdités sur ce personnage singulier, contrasté mais en aucun cas exemplaire qu’était Hugo Chavez (Le Figaro, Le Parisien).
Cela ne fait que révéler l’une des faiblesses fondamentale du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui est d’avoir préféré, dans sa composition, les magouilles, les compromis, le clientélisme et une parité intégriste. Au lieu de l’avoir tout simplement constitué à partir de l’intelligence, des compétences et des talents.
L’inanité des appréciations de Victorin Lurel concerne d’abord la manière indécente, indélicate, trop familière avec laquelle il a évoqué l’apparence de Chavez dans son cercueil. Je veux bien admettre que le ministre est imprégné par une culture qui aux Antilles autorise peut-être un lien plus décontracté, voire désinvolte avec la mort. Il n’empêche que je rejoins absolument Jean-Luc Mélenchon qui s’est indigné sur son blog devant cette impudeur grossière qui privait Chavez du respect minimal qu’on octroie à toute dépouille.
Plus gravement, le ministre Lurel, persuadé sans doute que, ayant l’honneur de parler au nom de la France et du président de la République, il devait ridiculiser la première et le second, n’a rien trouvé de mieux à déclarer que de le prétendre à la fois de Gaulle et Léon Blum, ajoutant, pour faire bonne mesure, que le monde aurait besoin de beaucoup de dictateurs comme Chavez.
Quels que soient les mérites de la politique sociale de l’ancien président vénézuélien et de son action incontestable en faveur de la population la plus modeste, il demeure que Lurel, avec sa comparaison historiquement et intellectuellement grotesque et son désir de voir se multiplier de tels potentats, a joué un rôle et assumé une mission qui, à mon sens, auraient dû immédiatement le disqualifier.
Parce que Lurel, ministre des Outre-mer, n’impliquait pas que lui dans ses hyperboles insensées mais l’ensemble de la communauté nationale. Il n’y a pas que les actes du Pouvoir qui se doivent d’être inspirés par l’intérêt général – le contraire de l’approche partisane – mais ses discours aussi. Un responsable de haut niveau, s’il oublie qu’il n’a pas à s’abandonner à sa subjectivité au demeurant délirante mais à tenter, le mieux possible, dans et avec sa parole, de traduire un sentiment collectif, une synthèse honnête de droite et de gauche, n’a plus rien à offrir à un gouvernement déjà trop faillible et de son propre chef, après une bévue aussi éclatante, aurait dû démissionner.
A défaut, dans l’urgence, le président de la République et le Premier ministre qui, paraît-il, s’entendent à la perfection auraient fait preuve de lucidité et d’élégance, pour eux comme pour nous, les citoyens, en invitant Victorin Lurel à se consacrer à d’autres tâches que celle ministérielle qui lui a été malencontreusement dévolue.
Il est déprimant de constater que sur ce plan, de Sarkozy à Hollande, rien ne change et que les errements, âneries ou vulgarités de toutes sortes continuent à bénéficier de la scandaleuse immunité qui est concédée au dérisoire et protège le grave.
Se dépouiller de ses illusions, l’une après l’autre, n’est pas l’exercice le plus gratifiant, le plus voluptueux qui soit en politique.
Un gouvernement qui agit mal, c’est du sadisme civique.


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