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Un traité pour faciliter l’accès aux œuvres aux déficients visuels

Paralipomènes - Michèle Battisti, 16/07/2013

Transformer, sans autorisation expresse, des œuvres protégées par le droit d’auteur pour les rendre accessibles  à des personnes souffrant de handicaps visuels fait de vous un contrefacteur, même si vous avez accès licitement à ces œuvres. Non seulement vous les reproduisez sans y être autorisés

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quiet_reading__by_andokadesbois-d30b1vsTransformer, sans autorisation expresse, des œuvres protégées par le droit d’auteur pour les rendre accessibles  à des personnes souffrant de handicaps visuels fait de vous un contrefacteur, même si vous avez accès licitement à ces œuvres. Non seulement vous les reproduisez sans y être autorisés mais vous les modifiez pour qu’elles puissent être consultées par ces personnes, mettant ainsi en œuvre à la fois un droit de reproduction, un droit de représentation et un droit d’adaptation.

En France, certains établissements sont autorisés à reproduire et à représenter une œuvre (…) en vue d’une consultation strictement personnelle (…) par des personnes atteintes d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques,….) ». « Cette reproduction et cette représentation sont assurées, à des fins non lucratives et dans la mesure requise par le handicap, par les personnes morales et les établissements [agréés après en avoir fait une demande] dont la liste est arrêtée par l’autorité administrative ».

Les organismes habilités obtiennent les fichiers numériques des œuvres imprimées auprès de la Bibliothèque nationale de France (BnF) qu’ils sont tenus de détruire dès que le support a été mis à la disposition de la personne bénéficiaire de cette exception. La BnF conserve ces fichiers.

Pour plus de détails, des pages consacrées à cette question sur le site du ministère de la Culture.  

Une exception au droit d’auteur reconnue par un traité        

Le traité adopté à Marrakech le 27 juin 2013 bénéficiera aux déficients visuels et à tous ceux qui ont des difficultés de lecture[1].

L’exception au droit d’auteur, objet du traité, permet, lorsque les fins sont non lucratives, de réaliser les formats accessibles aux personnes bénéficiaires de cette exception en autorisant les changements nécessaires. Il accorde aussi le droit de représentation des œuvres adaptées (par prêt, communication électronique sans fil ou avec fil).

Des réserves toutefois puisque d’une part, les États parties au contrat peuvent limiter l’exception à « des œuvres qui ne peuvent pas être obtenues dans le commerce à des conditions raisonnables sur le marché » (encore faut-il définir ces conditions raisonnables) et que, d’autre part, un État pourra, s’il le souhaite, exiger une rémunération en compensation de cette exception.

Voici aussi ce qui ne saurait qu’attirer l’attention de la Commission européenne : le traité autorise le partage transfrontière d’exemplaires en format accessible à une personne bénéficiaire ou à une entité autorisée entre les pays ayant ratifié le traité. Voilà sans doute l’objet essentiel d’un traité  qui vise de « rationaliser la production d’œuvres en format accessible » et remédier ainsi à « la pénurie de livres » adaptés.

Le traité précise aussi qu’il convient de s’assurer aussi que ce sont les personnes bénéficiaires qui sont destinataires de l’exemplaire adapté et la responsabilité de l’ « entité autorisée » est engagée à cet effet. Et, inévitablement, du moins pour ceux qui s’intéressent aux exceptions au droit d’auteur,  il convient aussi de veiller  à ce que la mise à disposition des œuvres aux personnes bénéficiaires de l’exception passe avec succès le test des trois étapes (elle doit ainsi représenter un cas spécial, ne pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur).

Sans surprise les  protections techniques ne doivent pas faire obstacle à cet usage et le respect de la vie privée des personnes bénéficiaires doit être respecté lors du traitement de ces fichiers.

L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), organisation qui gère le traité, encourage « le partage volontaire d’informations  en aidant les entités autorisées à s’identifier » et « la mise à disposition d’informations sur leurs politiques et pratiques à l’intention des parties intéressées et du public ».

Le traité prendra effet trois mois après sa ratification par 20 États.

Aucune analyse approfondie ici. On rappellera simplement que ce traité visait surtout à doter « les pays en développement et les pays les moins avancés »  d’une législation qui faisait souvent totalement défaut et à harmoniser les règles en vigueur dans les autres pays[2]. Il n’en reste pas moins que le Traité qui sera sans nul doute ratifié par l’Europe devra être transposé ne serait-ce que parce que plusieurs dispositions de l’exception au bénéfice des personnes handicapées[3], optionnelles dans la directive européenne de mai 2001, deviennent ici obligatoires. Un règlement européen pour imposer des règles identiques  à tous les pays membres de l’Union?

Signalons aussi que les bibliothécaires représentés par l’IFLA et l’eIFL ont participé activement aux négociations de ce traité.

Savoir plus en consultant le traité et le communiqué de l’OMPI.

Ill. Quiet reading. ~andokadesbois, CC Attribution-Noncommercial-No Derivative Works 3.0 License.

Notes


[1] Les personnes aveugles, mais aussi celles qui sont atteintes d’une déficience visuelle, d’une déficience de perception ou de difficultés de lecture qui ne leur permettent pas de lire aussi bien qu’une personne non atteinte par cette déficience, mais aussi celles qui ne peuvent pas tenir ou manipuler un livre ou de fixer les yeux ou de  faire bouger pour permettre la lecture (art 3 du traité).

[2] Le communiqué de l’OMPI évoque la copie privée (souvent, mais pas toujours autorisée) mais aussi l’enseignement à distance autorisé dans certains pays.

[3] La directive indique que « Les États membres ont la faculté  de prévoir des exceptions … aux droits de reproduction et de représentation : b) lorsqu’il s’agit d’utilisations au bénéfice de personnes affectées d’un handicap qui sont directement liées au handicap en question et sont de nature non commerciale, dans la mesure requise par ledit handicap ».


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