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Le p’tit Guaino gonfle ses biscoteaux

Actualités du droit - Gilles Devers, 13/05/2013

Monsieur La Plume est tout fâché ! Son réciteur s’est pris une mise en...

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Monsieur La Plume est tout fâché ! Son réciteur s’est pris une mise en examen (peut-être pour des prunes) et il a pété les plombs, gonflant ses biscoteaux devant la police, comme une petite racaille.   

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Les faits

Le réciteur a été mis en examen par trois juges, dont le juge Gentil, pour abus de faiblesse. Tout ému, Monsieur La Plume s’est lâché, accusant le juge Gentil d’avoir déshonoré « un homme, les institutions, la justice». Genre la plume bien trempée, mais pas dans l’encrier,… si vous voyez ce que je veux dire.

Le parquet aurait dû agir de lui-même, mais Taubira était au Sénégal, le portable visiblement coupé, et c’est l’Union Syndicale des Magistrats qui a déposé plainte pour «outrage à magistrat et discrédit jeté sur une décision de justice». Au moins, on sait qui commande.

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La liberté d’expression

Monsieur La Plume, anti-européen génétique, est protégé par l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme sur la liberté d’expression, à travers l’interprétation qu’en a donné la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

« 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».  

La jurispudence de la CEDH a posé un sain principe : la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels de toute société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent (CEDH, Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, série A no 24, p. 23, § 49).

 

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Le discrédit sur la Justice

Mais joue l’article 434-25 du Code pénal, qui réprime le fait de « chercher à jeter le discrédit » sur un acte ou une décision juridictionnelle « dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance ». Donc la critique est libre… mais à condition d’argumenter ! Le petit cri du porcelet qui coince sa queue en tire-bouchon dans la porte de l’étable relève de la douleur, mais pas de la liberté d’expression.

Dans un arrêt du 11 mars 1997 (n° 96-82.283), la Cour de cassation a jugé que si l’article 10 reconnaît à toute personne le droit à la liberté d’expression, il prévoit aussi (paragraphe 2) que l’exercice de cette liberté comporte des devoirs et des responsabilités « qui constituent dans une société démocratique, des mesures nécessaires, notamment, pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ». Et la Cour de cass’ en a déduit que l’article 434-25 du Code pénal est hallal.

Dans cette affaire, la Cour avait retenu la condamnation pour des déclarations qui « en mettant en cause en termes outranciers l’impartialité des juges ayant rendu la décision critiquée et en présentant leur attitude comme une manifestation de l’injustice judiciaire, avaient excédé les limites de la libre critique permise aux citoyens et avaient voulu atteindre dans son autorité, par-delà les magistrats concernés, la justice considérée comme une institution fondamentale de l’Etat ».

Ca ressemble beaucoup aux éructations de Monsieur La Plume.

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La police enquête

La procédure, ouverte par le parquet, a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance sur la personne. Difficile de faire plus commun.

On imagine donc le pote de l’ancien ministre de l’Intérieur bien content de retrouver la maison poulaga. Eh ben pas du tout… Le respect de la police, l’UMP ne connait pas. Pourtant, on ne fait rien dans une société si on ne respecte pas la police.

 «A priori, je n’ai pas l’intention de répondre aux questions de cette brigade. A moins qu’on y aille à 100 députés». Et allons-y pour les propos de fripouille : « Pourquoi j'irais m'exprimer dans le secret d'un cabinet? ».

Dans le Journal Officiel de l’UMP, encore appelé Le Figaro, de samedi, 105 députés UMP s’étonnent de la décision du parquet d’ouvrir une enquête et reprennent à leur compte les propos de Monsieur La Plume. « Français sont des veaux », professait le général de brigade titre temporaire de Gaulle. Des moutons aussi.

 

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Alors, tu vas chez les flics, ou non ?


Monsieur La Plume dit qu’il n’ira pas chez les flics. Ah bon ? Il prend un joli risque, celui de s’y faire embarquer.

La question est réglée par l’article 78 du Code de procédure pénale qui traite des convocations, dans le cadre de l’enquête prémilitaire :

« Les personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête sont tenues de comparaître. L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation.

« Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures.

« S'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l’article 63 ».

Donc, c’est bien clair. Monsieur La Plume sera convoqué, et s’il ne se déplace pas, la police pourra venir le chercher.

 

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Le droit de se taire ?


Là, c’est le paradoxe. Monsieur La Plume, qui souffre d’une grave forme d’incontinence verbale l’amenant à dire n’importe quoi dès qu’un micro s’approche, pourra se rendre chez les flics et ne rien dire.

C’est le droit au silence, le droit de ne pas s’auto-incriminer.

Ce droit est tellement important que la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 (Jospin premier ministre) l’avait inscrit dans l’article 63-1 du code de procédure pénale. La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 (Sarkozy ministre de l’Intérieur) avait supprimé l’information sur ce droit. Mais le Conseil Constitutionnel (décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010) a râlé et la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 (Sarko Président) a dû rétablir rappelle que cette notification.

 

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Tes jolis petits biscoteaux


Donc, notre ami Monsieur La Plume, c’est de la pure gonflette.

La convocation par la police est bien nécessaire, même si le propos est public. Une telle éructation contre un juge et contre la Justice, alors que le principal intéressé a gentiment fait appel, ça interpelle quelque part,… et la police, qui agit dans le cadre de l’enquête confiée par le procureur de la République, doit chercher à comprendre.

Le lascar a sans doute des infos… On n’imagine mal qu’il lance de telles accusations sans preuve, et la police devra vérifier. S’il n’a pas de preuves, Monsieur la Plume du réciteur de la fable sur les petits pois a manifestement un rapport compliqué avec la loi, ce qui justifie bien quelques questions ? Mais peut-être est-il souffrant, genre hypertrophie mal placée du zigouigoui ? Alors, une expertise ? 

 

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Plus grosse est la tête, plus forte sera la migraine

(Proverbe russe)



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