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La vie de Jacques Vergès en menus morceaux

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 19/01/2014

Il y avait de la tristesse à arpenter, samedi 18 janvier, l'hôtel particulier de la rue de Vintimille à Paris (9ème) qui fut pendant des années l'adresse de Jacques Vergès. Trois étages aux murs sales et lézardés et à la … Continuer la lecture

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Il y avait de la tristesse à arpenter, samedi 18 janvier, l'hôtel particulier de la rue de Vintimille à Paris (9ème) qui fut pendant des années l'adresse de Jacques Vergès. Trois étages aux murs sales et lézardés et à la peinture écaillée, qui abritaient à la fois son cabinet et le petit deux-pièces dans lequel il vivait.

Bureau, bibliothèques, tableaux, tapis, manuscrits ou tapuscrits de ses discours ou de ses livres, bric-à-brac d'objets familiers d'inégale valeur - bustes de Mao, statues et masques africains, cannes, chapeau, boites à cigares, balance de justice - et jusqu'au mobilier fatigué et sans goût de son salon et de sa chambre à coucher, tout était à vendre sur saisie judiciaire. Car pour l'administration fiscale et les banques, "l'avocat de la terreur" décédé le 15 août 2013 à l'âge de 89 ans, était avant tout un contribuable et un client lourdement débiteur.

Les plus belles pièces qu'il possédait ou les plus symboliques d'entre elles ont échappé à ses créanciers, venus apposer les scellés sur l'hôtel particulier dans les jours qui ont suivi sa mort. Ni sa robe d'avocat, ni la plaque en cuivre de ses années au barreau d'Alger - gravée en français et en arabe - qu'il avait pieusement conservée, ni ses portraits aux côtés de Mao et de Pol Pot ne figuraient au catalogue des objets mis en vente. Au nom du secret professionnel, ses dossiers et archives judiciaires ont été mis à l'abri des regards par le conseil de l'ordre. Mais l'annonce de cette vente avait suffi à attirer des centaines de personnes, dont bon nombre de ses confrères avocats guettant le morceau de vie de Jacques Vergès qu'ils pourraient emporter.

A l'exception de son bureau et d'une paire de fauteuils Empire, adjugés 38.000 et 17.500 euros à un mystérieux enchérisseur au téléphone, les prix ne se sont guère envolés. Le conseil de l'ordre, qui avait mandaté Me Emmanuel Pierrat pour enrichir la collection du musée du barreau de Paris, a acquis pour 4000 euros le buste en bronze du bâtonnier Henri-Robert (1863-1936), considéré comme l'un des plus grands orateurs de cour d'assises. Il a également emporté aux enchères la correspondance entretenue par l'ancien avocat du FLN, avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui sera offerte au barreau d'Alger mais a renoncé à acquérir une lettre manuscrite de l'écrivain Jean Genet, qui fut l'un des grands amis de Jacques Vergès, adjugée 2000 euros.

Parmi les enchérisseurs les plus attentifs figurait aussi la dernière collaboratrice de Me Vergès, Me Nollary Yim-Dunand qui, faute d'avoir pu emporter la table de travail de son ancien patron, a acheté de nombreux lots, dont son fauteuil, la tapisserie des Flandres et l'affiche originale de  l'Appel du 18 juin 1940 qui ornaient son bureau. Très présent lui aussi, l'ex avocat Karim Achoui, radié du barreau de Paris à la suite de ses condamnations, a enlevé l'une des bibliothèques ainsi que du petit mobilier, parmi lesquels une table de salon dont les enchères n'ont pas dépassé 10 euros.

Avec les lots de livres sur la justice et les grands procès, c'est la collection de jeux d'échecs de Jacques Vergès, adjugés entre 450 et 1100 euros, qui a rencontré le plus de succès auprès de ses confrères, jeunes ou moins jeunes, dont le bâtonnier Pierre-Olivier Sur. Disposées sur une immense table dans l'antichambre de son cabinet, la légende raconte que les parties duraient des mois, voire des années, les clients de Jacques Vergès étant invités à ne jouer qu'un seul coup à chacun de leurs rendez-vous.

 

 


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