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Et si on essayait la compétence pour un ministre ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 26/11/2014

Enorme point commun entre Nicolas Sarkozy et François Hollande : ils ont manqué de talent, d'intuition et d'objectivité pour le choix de leur ministre de la Justice. Une charge pourtant à ne pas confier à n'importe qui. Pourquoi ? Parce qu'ils ne se sont jamais dit pour espérer ne pas se tromper : Et si, pour une fois, on essayait, pour un ministre, la compétence ?

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Ce n'est pas ma participation, aux côtés de Bernard Tapie et de Fabrice Arfi, à l'émission animée par Franz-Olivier Giesbert : Les Grandes Questions, qui m'a donné envie d'écrire ce billet sur le choix des ministres, et plus précisément celui des gardes des Sceaux. Nulle influence, nulle contagion !

Ce désir m'est venu de la conscience que depuis 2007 nous n'avions pas été gâtés sur ce plan avec, essentiellement, ce trio qui, bien que peu homogène par sa tonalité politique, doit être réuni par un même échec et la déception qu'il a suscité : Rachida Dati, Michèle Alliot-Marie et Christiane Taubira.

Cette lucidité guère bouleversante n'aurait rien mérité de plus que ce constat si nous n'avions pas eu, il y a quelques semaines grâce à François Hollande et tout récemment par un aveu de Nicolas Sarkozy, un éclairage inquiétant sur la manière dont des personnalités étaient imposées Place Vendôme.

Le président de la République avait dévoilé le fin mot de l'histoire quand, pour justifier la nomination et la reconduction de Christiane Taubira malgré un bilan aussi pauvre et dogmatique que son image d'elle-même était riche et flatteuse, il avait évoqué "le marqueur de gauche" qu'elle était et qu'elle demeure. La pire, celle qui n'a pas encore fait son "Bad Godersberg français".

Naïvement j'imaginais que la Justice, dans son appréhension et sa gestion, n'était pas réductible aux notions de droite ou de gauche mais qu'elle se devait de satisfaire, au contraire, les exigences d'efficacité, d'indépendance, d'impartialité, tant pour elle que pour ceux qui l'administrent et la dirigent, d'écoute populaire et, à la fois, en matière pénale, d'humanisme et de rigueur.

Rien à voir, donc, avec une quelconque idéologie mais il faut croire que cette dernière n'aime pas être expulsée même d'un ministère si contradictoire, dans son esprit et ses virtualités, avec ses préjugés. Au point de conduire un président de la République à l'y réinstaller avec la personne la plus apte à l'incarner dans ses extrémités : Christiane Taubira.

Un "marqueur de gauche" certes. Mais pas seulement. Aussi, celle qui, ministre de la République française, tweete avec partialité, ignorance et imprudence sur une affaire de la justice américaine à laquelle son inaction face aux tragédies nationales - l'augmentation de la criminalité et des délits contre les personnes, l'état des prisons, la pénurie affectant certaines juridictions et, sans ironie, sa propre loi sur la contrainte pénale - ne l'autorise en aucun cas à donner des leçons d'ailleurs mélodramatiquement superficielles (Le Monde).

Dans un état de droit - et celui-ci n'est compatible, en dépit du poncif contraire, qu'avec une autorité de l'Etat affirmée, assumée -, Christiane Taubira, à la suite d'une telle foucade arrogante et déplacée, aurait été priée de regagner la société civile.

Mais contentons nous de ce qu'on nous offre. C'est mieux que rien. Stéphane Le Foll qui parvient à ne pas sombrer dans un gouvernement qui bat de l'aile l'a recadrée. On verra si ce "recadrage" aura été utile (lefigaro.fr).

S'il ne s'était agi que de Christiane Taubira, j'aurais eu scrupule à énoncer ces banalités qui ne sont plus discutées par personne à l'exception de quelques chevaliers blancs qui raffolent des causes désespérées et insoutenables.

Mais Nicolas Sarkozy, lors d'une réunion, a vendu une autre mèche. Il ne nous a pas confirmé que Rachida Dati avait été choisie comme garde des Sceaux sous l'influence de son ex épouse Cécilia ou de ce vibrion souvent de mauvais conseil Alain Minc, comme on l'avait allégué alors, tant il convenait de fournir une explication cohérente à cette distinction erratique.

Nous savons dorénavant que Rachida Dati a occupé la Chancellerie parce qu'elle avait eu la chance d'avoir des parents algérien et marocain. "Pour la politique pénale, cela avait du sens", pour Nicolas Sarkozy. Comment qualifier une telle absurdité ?

Je ne doute pas une seconde de l'honorabilité de ses parents et des vertus qu'ils ont tenté d'insuffler à la nombreuse fratrie Dati mais je m'interroge sur la validité de ce critère pour sélectionner un ministre pour ce poste prestigieux. Il est évidemment totalement inadéquat. On en a subi les effets.

Non pas que je doive être suspecté si peu que ce soit de racisme.

A ma connaissance, Michèle Alliot-Marie est née de parents français et, on ne le sait que trop, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, elle a été, de loin, le pire ministre de la justice des trois : il ne faut pas oublier, en effet, Michel Mercier qui a apaisé, n'a pas démérité parce qu'en réalité, il l'a admis, il n'avait plus qu'à laisser faire ou défaire. Ce qui démontre que l'origine des parents des personnes sollicitées est indifférente à la qualité ou à la médiocrité des ministres.

Enorme point commun entre Nicolas Sarkozy et François Hollande : ils ont manqué de talent, d'intuition et d'objectivité pour le choix de leur ministre de la Justice. Une charge pourtant à ne pas confier à n'importe qui.

Pourquoi ?

Parce qu'ils ne se sont jamais dit pour espérer ne pas se tromper : Et si, pour une fois, on essayait, pour un ministre, la compétence ?


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