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Normalité à part

Justice au singulier - philippe.bilger, 13/06/2012

Par prudence, que le président de la République et VT fassent normalité à part.

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C'est à la fois dérisoire, vaudevillesque et navrant.
Dérisoire parce qu'après tout il ne s'agit que d'un tweet adressé à un candidat qui peut faire valoir des arguments au soutien de sa cause.
Vaudevillesque parce que cette péripétie initiée par la compagne du chef de l'Etat paraît renvoyer, plus qu'à du politique, à une histoire intime, à des relations amoureuses, de rejet, de jalousie peut-être (explication "idiote" selon Valérie Trierweiler) qui n'auraient jamais dû apparaître dans l'espace public. A tort ou à raison, sur ce plan que la dignité maintient secret, à l'abri de tous, François Hollande se voit, sans qu'il y soit pour rien, atteint et, pire, offensé.
Navrant parce que l'entrée fracassante de VT, dans la campagne des législatives, se produit d'une part au plus mauvais moment et d'autre part contraint le Pouvoir à distraire son attention des difficultés graves de la France et de l'Europe pour s'attacher, même si peu que ce soit,à une séquence ridicule et très préjudiciable (Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, Libération, nouvelobs.com).
La compagne du président, à l'évidence, jouit d'un caractère entier et répugne à demeurer en lisière, comme une potiche. Elle a raison et une telle personnalité n'a rien qui puisse par principe décevoir ou irriter les Français à condition qu'elle n'oublie pas qu'une limite fondamentale doit être mise à l'expansion de sa nature : elle n'est que la compagne du chef de l'Etat, elle n'est pas élue.
Il n'est pas absurde que VT veuille réfléchir à ce que devra être son rôle auprès d'un Président puisqu'elle souhaite continuer son activité professionnelle, ne pas se fondre dans une sorte d'effacement noble et presque de néantisation délibérée de soi pour complaire à une certaine tradition.
Mais pourquoi a-t-elle ainsi brûlé les étapes, s'immisçant dans une sphère qui aujourd'hui n'aurait pas dû la concerner, donnant des armes à la droite la moins délicate qui soit oscillant entre moquerie ravageuse et surestimation de l'événement, accablant une partie de la gauche, réjouissant l'autre, notamment celle pas encore remise de la victoire de François Hollande et hostile à l'influence et à la présence agissante de VT auprès de lui ?
Comment n'a-t-elle pas perçu qu'avec ces 137 signes, elle accomplissait bien plus qu'un geste provocant ? Alors que François Hollande depuis le 15 mai avait accompli avec élégance et compétence un début de quinquennat remarquable, elle a, par son acte, mis à bas une construction fragile, une adhésion citoyenne à la fois forte et forcément conditionnelle. Elle a comblé les adversaires du président, elle a affaibli celui-ci et rendu l'avenir incertain.
Peut-être cet accès fortifiera-t-il Ségolène Royal dans sa circonscription mais probablement aura-t-il un effet négatif, même infinitésimal, sur le plan national.
Surtout, alors que Carla Sarkozy murmurait à l'oreille de son mari, faisait nommer celui-ci ou celui-là, mettait en oeuvre à sa manière une politique amoureuse non dénuée d'effets au moins culturels, elle le faisait en douce de sorte qu'on supputait, on présumait, on craignait mais on n'avait aucune certitude.
VT, elle, n'appartient pas à cette catégorie de femmes de pouvoir qui insinuent dans les coulisses. Sur le devant de la scène elle s'expose, parle et agit. Elle se veut et, avec François Hollande, se sait libre. Il n'empêche que sa comparaison avec Danielle Mitterrand n'a guère de sens. Cette dernière ne manquait pas de convictions parfois discutables, s'engageait sans crainte ni retenue mais à ma connaissance elle ne s'est jamais permis de contredire ou de battre en brèche, dans la gestion du pouvoir au quotidien, une position arrêtée par son époux.
Imaginons une seconde que le couple Sarkozy, hier, ait été au centre d'une telle polémique: je reconnais volontiers que les dénonciations politiques et médiatiques auraient été au paroxysme.
Au fond, ce qui peut, ce qui doit être reproché à VT, c'est de nous avoir fait revenir en arrière. Alors que la normalité était en effet de nouveau à l'honneur, sa grave maladresse nous a replongés dans tout ce qu'on n'a pas aimé durant 5 ans, souvent ce mélange indécent de vie privée et de vie publique. Maintenant François Hollande va devoir batailler dur pour persuader que ce n'est qu'un accroc sur un beau vêtement, une tache sur un devoir réussi, un gros mot dans un langage châtié, une malheureuse exception pour confirmer une règle tenue avec constance, une minuscule dérive pour un Pouvoir exemplaire.
Par prudence, de grâce, que le président de la République et VT fassent normalité à part.


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