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Syrie : « Hollande essaie d’éviter à la France d’être exclue de la table des négociations », par Jean-Bernard Pinatel

Actualités du droit - Gilles Devers, 27/09/2015

Il n’y a qu’en France que la mission des Rafale sur un camp...

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Il n’y a qu’en France que la mission des Rafale sur un camp d’entraînement de Daech a reçu un peu d’écho. Contradictoire, illisible, inutile… et contestable en droit car justifier cette attaque par la légitime défense, hum hum… Sur la Syrie, la France a tout faux, et depuis le début. Notre ministre des affaires étrangères qui appelait à l’élimination physique d’El-Assad, qui saluait le bon boulot sur le terrain d’Al-Nostra, la filiale d’Al-Qaida, ou qui dénonçait comme consternante et absurde la visite de parlementaires à Damas. Et qui continue de nous gratifier de sa suffisance…

Désormais, ce sont les deux alliés de la Syrie, la Russie et l'Iran qui paraissent en position de force pour imposer leur stratégie, claire : lutte contre tous les djihadistes en Syrie, par l’action au sol, en renforçant l’armée syrienne, et en maintenant en place El-Assad. Daech est très fort et cette volonté d’une reconquête par le terrain est un redoutable enjeu militaire. Aussi, la Russie et l’Iran veulent blinder le cadre politique et juridique, car tout le monde devra s’aligner. Cette semaine, au siège des Nations Unies, ce sera une activité diplomatique intense, avec au centre du jeu Poutine et Rohani. Que pèse désormais la France ? 

Nous aurons encore souvent à revenir sur la question syrienne. Pour aujourd’hui, je vous propose cette interview du général Jean-Bernard Pinatel, fin connaisseur de ces questions comme on le voit sur son blog Géopolitique et géostratégie.

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LE FIGARO. - François Hollande a confirmé dimanche qu'un camp de l'Etat islamique a été détruit lors d'un raid aérien impliquant six avions français. Les avions américains évoluant déjà dans la zone syrienne, quelle efficacité peut-on attendre de frappes aériennes françaises ?

Général Jean-Bernard PINATEL. - L'efficacité des frappes françaises est un élément tout à fait secondaire de la décision prise par François Hollande. Déjà en Irak, les sorties effectuées par l'aviation française représentent moins de 10% du total des missions.

La décision de François Hollande est l'aveu que la stratégie du «ni Assad, ni Daech», dont il était le promoteur, était une erreur de plus dans son évaluation de la situation syrienne. En effet, dès le début de l'affaire syrienne, François Hollande s'est trompé sur plusieurs points. Premièrement, par idéologie, il a cru à un printemps arabe en Syrie, alors qu'on assistait aux prémices d'une guerre civile confessionnelle financée par l'Arabie Saoudite, le Qatar et aidée par la Turquie. Il s'est trompé aussi sur la capacité de résistance interne du régime d'Assad aidé par l'Iran, le Hezbollah libanais et la Russie. Il s'est trompé encore, comme d'ailleurs Barack Obama, sur la capacité de résistance de Daech aux frappes aériennes américaines. Malgré plus de 3000 sorties, Daech, vaincu par les Kurdes à Kobané et par les milices chiites irakiennes et iraniennes à Tikrit a poursuivi son offensive vers le Sud : prise de Ramadi, chef-lieu du gouvernorat d'al-Anbar en mai 2015, prise de Palmyre en juin 2015.

Les États-Unis, pragmatiques comme toujours, ont compris début 2015 que sans l'aide de troupes étrangères au sol, Bagdad risquait de tomber et comme Obama se refusait à renvoyer des troupes américaines en première ligne, la seule option était d'accepter, après la chute de Ramadi, de se coordonner avec les forces iraniennes commandées par général Qassem Soleimani. Le préaccord sur le nucléaire iranien est en partie une conséquence de cette réévaluation. De même aujourd'hui où les forces d'Assad plient sous la pression de Daech, les Américains, du moins à un niveau opérationnel, vont coordonner leur action avec les forces armées russes, ne serait-ce que pour éviter des méprises qui seraient lourdes de conséquences. Les aviateurs français vont aussi devoir procéder de la sorte.

F. – L'Assemblé générale des Nations Unies se tient en ce moment à New York. Dans ce contexte, quelles visées diplomatiques la décision de frapper maintenant Daech en Syrie sert-elle ?

J.-B. P. – Malgré ses erreurs et à juste titre, François Hollande essaie d'éviter à la France d'être exclue de la table des négociations qui va rassembler toutes les parties prenantes engagées dans le combat contre Daech. La France l'avait été, de facto, lors de l'accord Irano-américain sur le nucléaire à cause des positions de Laurent Fabius, alignées sur celles, extrémistes, des israéliens.

Mais ce sont l'Iran et la Russie qui possèdent les cartes décisives dans cette affaire car ils sont les seuls intervenants extérieurs à ce théâtre d'opération à avoir des troupes au sol. Et on ne pèse réellement dans l'issue d'un conflit que de cette façon.

Poutine va certainement essayer d'obtenir une résolution de l'ONU qui légitime son intervention terrestre en Syrie et tout le jeu diplomatique des Occidentaux sera d'essayer d'obtenir que cette intervention, comme la leur, soit coiffée par un commandement onusien afin d'éviter que la Russie et l'Iran ne tirent diplomatiquement et vis à vis de l'opinion mondiale tout le bénéfice d'un succès éventuel contre l'État islamique.

F. – D'après un sondage Odoxa pour «Le Parisien», 61% des Français sont favorables à ce que les troupes françaises participent à une intervention militaire au sol en Syrie contre Daech. Quel est le poids des considérations électoralistes dans ce type de décision ?

J.-B. P. – Oui, les Français ont raison, et Vladimir Poutine pense la même chose. Il vaut mieux fixer et écraser Daech en Syrie et en Irak que d'avoir à lutter contre les djihadistes sur notre sol.

Mais il faut le souligner haut et fort, compte tenu des réductions d'effectifs et de budget que les Armées françaises ont subies depuis le début des années 2000, nous n'avons pas les moyens humains et matériels de faire face à un engagement au sol en Syrie même si nous le décidions, excepté de façon limitée avec nos forces spéciales.

En effet l'Armée française, outre les engagements en France (opération Sentinelle : 7000h), dans le Sahel (opération Barkhane > 3000 h) et en Centrafrique (Sangaris), assure le déploiement de 12.000 autres soldats répartis dans le monde : forces de souveraineté dans les DOM-TOM (8000 hommes) ; forces de présence et sous mandat en Afrique et Moyen-Orient (5000 hommes). Et il importe de se souvenir de cette règle : lorsqu'un homme est engagé en opération, cela signifie qu'un autre se remet en condition en fin de mission et qu'un autre s'entraîne pour effectuer la prochaine relève.


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