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A droite toute, mais modérément ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 2/11/2014

Comment pratiquer ce grand écart qui consiste à la fois à ne pas laisser le FN seul en pointe mais à se distinguer de lui ? A droite toute, mais modérément ? Comment persuader les Français qu'une opposition sera forte, vigoureuse, même radicale mais qu'elle n'empruntera pas les chemins de l'extrémisme ?

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La situation de la France est explosive. Pas seulement à Sivens, Rennes ou Toulouse. Le Premier ministre a raison : elle est inflammable. Et je ne suis pas sûr que l'appel au calme lancé par notre excellent ministre de l'Intérieur soit écouté...

Sur le plan politique, pour l'ensemble des droites, elle devient complexe et va nécessiter d'avisés tacticiens plus que des bretteurs sans cervelle.

Plusieurs données me semblent incontestables.

La réalité nationale, avec l'augmentation de la délinquance et de la criminalité et les réponses ectoplasmiques du pouvoir, les guérillas urbaines qui manifestent une détestation certaine pour notre terreau républicain, l'amateurisme désordonné du gouvernement à quelques exceptions près et un président de la République qui descend sans que cela soit compensé par l'audace et le courage d'une politique appelée à réussir, sert le Front national. Celui-ci n'a même plus besoin de parler, de protester. Le factuel et sa piètre gestion plaident pour lui.

Marine Le Pen et le FN sont considérés, et de loin, à droite comme les premiers adversaires de François Hollande devant Nicolas Sarkozy : 60% contre 21%! Devançant même le score obtenu à gauche par Jean-Luc Mélenchon - 41% - alors que Martine Aubry se situe à 22% (Journal du Dimanche).

Je continue à penser que lors de la prochaine élection présidentielle, Marine Le Pen sera fatalement au second tour sauf si on comprend qu'à sa démarche incroyablement habile et globalisante, il convient d'opposer une riposte politique faisant moins fond sur la morale qu'elle ne transgresse pas, que sur les impasses d'un programme qui, à force de vouloir tout embrasser, manquera de fiabilité démocratique et de cohérence technique. Qu'on le déplore ou non, il y a des mesures radicales et extrêmes qui ne seront jamais compatibles avec notre manière de concevoir la République, non pas solitaire mais solidaire par contrainte.

Je persiste dans cette certitude qu'elle sera battue avec, évidemment, un score infiniment supérieur à celui obtenu par son père face à Jacques Chirac parce que les Français, aussi désespérés qu'ils soient, aspirant virtuellement à de l'inédit, ne seront sans doute pas encore prêts en 2017 à sauter le pas. Même si Marine Le Pen a déjà gagné dans les têtes puisqu'on ne cesse d'évoquer sa victoire comme possible, et pas seulement face à François Hollande. Elle est parvenue à ancrer dans la conscience publique l'inéluctabilité de sa présence au second tour de 2017.

La droite classique, pour laquelle en gros le FN éprouve de l'aversion même si en détail il accepte ici ou là des accommodemments, ne peut pas ne pas tenir compte du rôle prédominant qu'a Marine Le Pen dans l'opposition au pouvoir socialiste. Elle va être obligée de puiser sinon dans le vivier du moins dans la méthode, faute de quoi elle sera irrémédiablement distancée alors même qu'elle est la seule alternative opératoire et plausible pour 2017.

Comment pratiquer ce grand écart qui consiste à la fois à ne pas laisser le FN seul en pointe mais à se distinguer de lui ? A droite toute, mais modérément ? Comment persuader les Français qu'une opposition sera forte, vigoureuse, même radicale mais qu'elle n'empruntera pas les chemins de l'extrémisme ?

Cette synthèse à effectuer entre un projet décapant et une offre rassurante sera d'autant plus difficile à mener à bien que les citoyens ne sont plus dupes. Le dernier sondage Odoxa montre qu'une importante majorité a jugé "raté" le retour de Nicolas Sarkozy et qu'il n'apportait "rien de nouveau". Bruno Le Maire a lucidement exposé la problématique en déclarant que la droite ne peut plus se permettre un échec en 2017 et dans les années qui suivront (Le Parisien).

Quel que soit le vainqueur de la Primaire en 2016 - ouverte et pluraliste - entre Nicolas Sarkozy (avec un parti qu'il aura instrumentalisé à son seul service), Alain Juppé, François Fillon ou Xavier Bertrand, une double exigence lui sera imposée.

La première : faire une campagne présidentielle d'un nouveau type où il promettra moins qu'il ne tiendra au pouvoir.

La seconde : ne pas se gargariser de mots d'ordre éthiques face au FN mais envisager des perspectives qui sauront à la fois le rendre inutile et redonner sens et fierté, sur le plan intellectuel et politique, à une droite défaite en 2012 et moribonde depuis.

Il y a parfois des miracles.


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