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La droite se décongèle

Justice au singulier - philippe.bilger, 12/07/2013

François Hollande est trop fin pour ne pas sentir ce qui survient et qui le menace. La droite se décongèle.

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Ce n'est pas moi qui radote. C'est l'actualité.

Le 14 juillet, le président de la République, qui, je l'espère, sera pour une fois réellement interviewé, nous offrira ses réponses de l'Elysée. Un petit reniement mais nul doute que lui-même ou ses conseillers parviendront à le justifier. Au coeur d'une telle crise, on n'en est plus à compter les cuillères.

Je ne serai pas lassé de l'entendre, d'abord parce que François Hollande s'adonnera à ce qu'il fait de mieux : la parole explicative, alors que nous préférerions l'action décisive, et qu'ensuite, l'exercice ne sera pas si simple sur le plan politique.

Certes le Front de gauche, pour l'instant, ne représente plus un extrémisme dangereux car pour qu'un Jean-Luc Mélenchon ait besoin de s'occuper, toutes affaires cessantes, du condamné Jérôme Kerviel en le comparant à Dreyfus, il faut que son parti n'ait plus de quoi se mobiliser pour des causes justes et honorables.

Mais le Front national progresse et, d'une certaine manière, est porté par une situation économique et sociale, légitimé par une politique pénale verbale et verbeuse et guère contesté par un pouvoir dont les méthodes de gouvernement et les résultats n'enthousiasment pas. Un "centre de gravité" (Le Monde). Marine Le Pen regarde passer les événements et les échecs et engrange : elle n'est même plus obligée, comme son père, pour exister, de créer des polémiques absurdes et destructrices.

Surtout, la droite, enfin, se remet à bouger.

Que le sort aime l'ironie !

Le rejet des comptes de campagne 2012 de l'ancien président par le Conseil constitutionnel, aussi cinglant et offensant qu'il ait pu apparaître, avait semblé occulté, voire totalement décrédibilisé par l'après-midi du 8 juillet où, dans une liesse aussi intense que factice, l'UMP célébrait celui qui l'avait fait perdre et ruinée en se congratulant d'être ostensiblement et masochistement solidaire.

Le discours de Nicolas Sarkozy, une fois oubliée l'adhésion chaleureuse de l'instant, lui ressemblait trop, avec son contentement de soi et ses attaques inélégantes, alors qu'il était, lui au premier chef, coupable d'une fraude, pour susciter par la suite la même approbation et ne pas être perçu comme le propos dilatoire d'un chef ayant mis son parti dans une nasse et jouant cependant au fier-à-bras.

Dès le lendemain, des réactions négatives étaient formulées aussi bien par François Fillon que par Jean-François Copé qui, pour être prêt à tout tant que Sarkozy lui sera utile, n'éprouvait pas l'envie, cependant, de se voir traiter comme un gamin.

Je m'étais pris à regretter que ces critiques soient venues trop tard comme si des adultes n'auraient pas pu avoir le courage de les proférer dès le 8 juillet et, pourquoi pas ?, en réponse au propos autarcique de Nicolas Sarkozy. Mais, si je me suis gardé de la moindre dénonciation à ce sujet alors qu'elle me brûlait l'esprit, cela tenait au fait que j'attendais le discours de François Fillon, le 11 juillet, annoncé comme important par ses soutiens.

Alors qu'on pouvait craindre qu'à nouveau l'élan promis soit un feu de paille, on n'a pas été déçu par le fond de l'allocution de l'ancien Premier ministre. Il a exprimé tout ce qui convenait sur le recours malsain à l'homme providentiel, sur un parti congelé qui ne pouvait pas attendre indéfiniment qu'un sauveur vînt lui donner la permission d'exister, sur les faiblesses d'un homme encerclé par les affaires et sur le droit qu'avait quiconque, pour la France et contre le socialisme, de se préparer pour 2016 (20 minutes).

J'avoue que ces pensées tellement nécessaires et si retardées par la peur ou l'opportunisme m'ont fait du bien, tant je craignais que de mois en mois, d'année en année, à force d'obtempérer au refus de l'inventaire et de ne pas oser confronter Sarkozy à des rivalités qu'il ne tolérerait pas, on emmenât ce dernier, comme "dans un fauteuil", vers la primaire 2016 où, dans une telle configuration, il aurait été plébiscité.

Ce qui est nouveau, et que j'avais pressenti, a trait aux effets préoccupants, pour Nicolas Sarkozy, de ce retour effectif en politique suivi d'un retrait qui ne trompe plus personne. Auparavant, nous avions une discrétion relative alliée officieusement à une multitude de contacts et d'influences. Au moins officiellement, il n'y avait rien. Maintenant, on a constaté ce que valait sa prétendue réserve. Il va en découdre mais, ayant trahi une promesse de plus - celle de demeurer à l'écart de la vie politique -, il va aussi en recevoir. La toute nouvelle détermination de François Fillon est la manifestation la plus éclatante de ce statut qui ne protège plus Nicolas Sarkozy et qui peu à peu va libérer tout ce qui retenu depuis des années - notamment depuis le mois de mai 2012 - servira à mieux appréhender et comprendre les raisons de la défaite, les graves erreurs du quinquennat et à mesurer l'impact dévastateur de la personnalité présidentielle d'alors.

Pourquoi François Fillon alors qu'il a été Premier ministre durant cinq ans d'un homme qu'aujourd'hui il combat, suivant en cela l'exemple de quelques-uns qui se sont tus durant l'exercice du pouvoir pour se réveiller trop tard : Roselyne Bachelot, Bruno Le Maire, Luc Chatel, François Baroin et Jean-Pierre Raffarin ? Pourquoi François Fillon comme porteur d'un espoir pour une droite intelligente, honorable pour l'état de droit, digne pour le comportement personnel, vigoureuse mais démocrate, courageuse mais à l'écoute ?

Parce que d'abord - très brutalement dit - il n'y a que lui. Je n'en vois pas d'autre pour 2017 qui puisse convaincre au nom des exigences que je viens de rappeler et faire revenir au bercail des citoyens que l'hostilité multiforme à l'encontre de Sarkozy et de sa pratique du pouvoir et de l'Etat avait conduits, un temps, dans le camp de François Hollande sans qu'ils soient le moins du monde socialistes. Ni obtus au point de prêcher en permanence une guerre civile intellectuelle et politique.

Parce qu'ensuite, en dépit des affaires graves, même scandaleuses qui ont surgi des tréfonds du quinquennat pour mettre en cause Nicolas Sarkozy, ses amis, ses collaborateurs, François Fillon a réussi l'exploit de n'être sali par rien, éclaboussé par aucune. Pour cinq années de ce type, cela relève du miracle et il n'est pas utopique de concevoir qu'un engagement de République irréprochable pourra être tenu par un tel homme.

Bruno Le Maire qui, avec prudence, propose des analyses fortes et clairvoyantes a souligné, au sujet de Nicolas Sarkozy, qu'il ne souhaitait pas de "restauration" et a proposé à la droite à venir une ligne de conduite qui est autant un ferment pour demain qu'un désaveu pour hier : "Parlons avec plus de mesure, agissons avec plus de force" (Nouvel Observateur).

Tous ceux qui rendent visite à Nicolas Sarkozy dans sa retraite tellement fréquentée, si peu paisible affirment qu'ils rencontrent "un bloc de haine" qui déteste tout le monde. Aussi peu président donc, en profondeur, aujourd'hui qu'hier.

François Hollande n'aura pas la partie facile.

La France va mal. Je le répète : mon sentiment est que nous sommes gouvernés par des amateurs de bonne volonté même si je continue à célébrer les avancées impressionnantes et l'indépendance de la justice. Et à apprécier la personnalité présidentielle qui tente de réussir par là où Nicolas Sarkozy a échoué. Sauver sa politique grâce à elle. Mais cela n'aura qu'un temps.

Le président aura un adversaire de plus, pas encore au meilleur de sa forme certes mais qui à l'évidence commence à se dégourdir l'esprit et le corps.

Il est trop fin pour ne pas sentir ce qui survient et qui le menace.

La droite se décongèle.


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