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Les enfants ont-ils des devoirs ?

Droits des enfants - jprosen, 5/10/2013

Inéluctablement aborder la question des droits des enfants  - c'est-à-dire des personnes de moins de 18 ans à répondre à une interpellation sur leurs obligations. C’est  même souvent un préalable comme on se doit de condamner le terrorisme pour être … Continuer la lecture

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Inéluctablement aborder la question des droits des enfants  - c'est-à-dire des personnes de moins de 18 ans à répondre à une interpellation sur leurs obligations. C’est  même souvent un préalable comme on se doit de condamner le terrorisme pour être autorisé à en parler.

"Vous ne parlez jamais de leurs devoirs !" "Les enfants ont des devoirs avant d'avoir des droits, et déjà celui d’obéir et de se taire!" " C'est bien parce qu'on  leur dit qu'ils ont des droits qu'ils se croient tout permis!" " Mon fils me menace si je la tape d'aller porter plainte contre moi !", "Ma fille  ne sortira pas avant 18 ans, après elle fera ce qu'elle veut. Jusque là c'est moi qui commande!" variante de la phrase entendue il y a encore quelques décennies "Ma fille m'appartient. Je fais ce que je veux jusqu'à sa majorité  "(1) qui justifiait toutes  les formes de violences, y compris celles relevant de la cour d'assises." Avec en prime ce beau slogan un brin nostalgique : "La France pays de l'enfant-roi"  On pourrait abonder encore et encore ce florilège.

Il faut toujours - dans l'avenir d'autres devront s'y colleter - restituer certaines vérités ignorées ou négligées pour le commun des mortels- même si nul n'est censé ignorer la loi (2), par pur calcul politique pour d'autres. Oui, le monde de l'enfant-roi n'existe pas. En tous cas la France n'est pas ce pays. Les petits roms aux conditions de vie abominables et nombre d'enfants qui vivent dans nos banlieues pourraient en témoigner s'il le fallait.

Aussi, dans la mesure où cette question sera à nouveau sur le devant de la scène à l'occasion des débats autour et sur la future loi Famille, parlons de ces devoirs qui pèsent sur les plus jeunes.

*

Plusieurs registres normatifs s’imposent à tout à chacun et donc aux enfants.

Des règles existent, et pas seulement des lois juridiques, qui amènent à poser aux enfants des exigences de comportement et obligent à rendre des comptes sur les défaillances enregistrées.

Déjà, comme tout un chacun, l'enfant doit respecter la discipline familiale ou scolaire. Il est important que les parents ou les enseignants assument, chacun pour leur compte le franchissement des règles. On doit s'inquiéter quand certains (3) ont en eu la velléité en France des policiers à l’école voire un commissariat comme en Grande Bretagne. Et que dire du fait de confier à un tribunal comme au Texas d'être juge pénal du comportement scolaire, notamment en jugeant les élèves absentéistes. On mélange les registres. La discipline doit respecter la loi de la République, mais la République n'a pas à être juge des débordements disciplinaires.

Autres registres normatifs : la morale et l’éthique personnelle. Petit à petit les enfants acquièrent la culture du bien et mal - la morale-  ; ils ont même leur propre éthique différente de leurs frères et soeurs. Les adultes ne manquent pas d'instituer ces dimensions, puis d’en jouer en amenant les enfants à culpabiliser pour finalement prévenir des passages à l'acte. L'enfant se retient car il sait que ce n’est pas bien de faire ce qu'il était tenté de faire. Ce n'est pas seulement la crainte de la sanction qui le retient que le fait qu'il ait compris le sens et le bien fondé de la règle qu’il a fait sienne.

Reste bien sûr le registre de la loi qui lui-même est riche. Très tôt et très fortement l'enfant peut engager sa responsabilité tant civile que pénale.

L'obligation de réparer

L'enfant qui cause un dommage matériel ou moral va être dans l’obligation de le réparer. Cette réparation prendra la forme d'une indemnisation financière (5). Peu importe que le préjudice ait été voulu ou pas, que l’auteur ait été conscient ou pas du dommage causé. L'enfant qui sortant précipitamment d'une boulangerie renverse une personne âgée et la fait choir au sol au point où elle se fracture le col du fémur est responsable. Celui qui avec le bâton qu'il tient dans sa main tout en se balançant crève l'œil d'un camarade de jeu sera aussi tenu pour responsable : il avait la maîtrise de ce bâton, il y a un lien entre l'enfant, le bâton et le dommage (6). Il sera condamné indemnisé. C’est aujourd’hui plus le lien de causalité avec le dommage que la faute qui fonde la nécessité de réparer.

Prenant en considération que généralement l'enfant sera insolvable, notre droit  - art. 1384 al 5 C.civ. - vient au secours de la victime en avançant que les parents ou tuteur seront tenus pour civilement responsables. Il leur reviendra d'indemniser la victime (7). Mais s'ils ne le font pas, l'enfant pourra être sollicité de s'acquitter de cette dette une fois devenu plus solvable.

Bref, il est inexact d'affirmer que l'enfant qui cause des dégâts n'aura  jamais à les réparer.

Venons-en à la responsabilité pénale

Là encore il faut combattre les clichés.

1) L'enfant - spécialement le jeune enfant - ne pourrait pas être condamné pénalement. Faux.

En France, dès 7-8 ans, l'enfant est considéré comme doué du discernement - il sait distingué le bien et le mal, le permis et l'interdit - au point où on peut lui imputer  les faits sanctionnés par la loi pénale qu'il aura commis. On le tiendra pour coupable. Le tribunal pourra affirmer cette culpabilité dans un jugement qui sera inscrit au casier judiciaire. (8)

2) Coupable peut être très tôt mais protégé de toute peine ! Faux là encore.

Certes jusqu'à 13 ans l'enfant tenu pour coupable ne peut pas faire l'objet de peines (prison, amende, travail d'intérêt, ...). Le juge ne peut prononcer que des mesures éducatives : liberté surveillée (c’est-à-dire suivi par une équipe éducative) ou placement en institution jusqu'à 18 ans (9).

Depuis 2002, on peut également prononcer des "sanctions éducatives à l'égard du jeune âgé de 10 ans au moment des faits : une série d'interdictions -  ex. : fréquenter tel  lieu ou telle personne - ou d’obligations de faire -fréquenter l'école, psychothérapie, stage citoyen, mesure de réparation pénale, etc.-.

3) Oui, mais les peines sont symboliques ! Une nouvelle fois faux et archi faux tant en droit qu'en fait.

Certes un jeune de plus de 13 ans bénéficie de l'excuse atténuante de minorité qui veut que la peine encourue soit la moitié de celle encourue par un majeur.

Certes encore jusqu'à 16 ans –âge au moment des faits - on ne peut pas lui en retirer le bénéfice. Elle est absolue

Mais elle revient relative aux 16 ans : le jeune peut se voir dire qu'au regard de sa personnalité ou au regard de la nature ou de la gravité des faits (sic), il avait le jour des faits la maturité d'un adulte quoiqu'étant mineur sur le papier. Le juge, peut et depuis 2007 parfois doit lui retirer le bénéfice de l'excuse atténuante de minorité. (10). Le jeune sera alors jugé comme un adulte et pourra être puni comme tel. On a vu avec l'affaire du Boën sur Lignon qu'un jeune criminel de 16 ans encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Concrètement aujourd'hui presque 800 jeunes sont en prison et chaque année 4500 peines de prison fermes sont prononcées et 15 000 avec sursis simple ou mise à l'épreuve.

Bonjour le laxisme de la loi et des juges.

La tendance lourde - dans tous les sens du terme -dans la décennie 2002-2012 a été de punir les plus de 16 ans comme des adultes. On n'a pas pu abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans (11). On a alors vidé ce statut ders 16-18 ans d'une grande partie de son contenu avec les peines plancher, le tribunal  correctionnel pour mineurs (12), l'instauration du flagrant délit pour les mineurs. On a aussi introduit la contrainte' éducative notamment à travers les Centres éducatifs fermés.

Plus grave on voulait que le jeune soit jugé d’abord sur son acte quand en vérité l'enjeu pour protéger la société est bien de tenter d'éradiquer sa délinquance en s'attachant à modifier sa personnalité et ses conditions de vie, en restaurant l'autorité parentale et d'une manière générale son rapport à la loi. Pour cela il faut du temps et autre chose qu'une justice distributive de sanctions ; il faut du travail social, des éducateurs, des psychiatres notamment. Des lieux de contrainte comme la prison ou les CEF peuvent être utiles, mais ne sont pas une fin en soi.

On le voit, foin d’angélisme notre droit et  les tribunaux ne sont pas laxistes. L’enjeu politique demain est bien de reconnaître aux enfants des droits à la hauteur de leurs responsabilités. De nouveaux droits, une capacité accrue de les exercer, un meilleur accès à la reconnaissance de ces droits … d’enfants.

Il faut pour cela avoir à l’esprit désormais que le respect des droits de la personne ne commence pas à 18 ans.

Les moins de 18 ans ont des droits propres, des droits d’enfants comme celui de bénéficier de la présence d'adultes exerçant leurs responsabilités d'adultes. Ce qui suppose que la société identifie ces adultes et clarifie leurs responsabilités

Bref un enfant sujet de droits – d’où découleront des devoirs – et objet de responsabilités privées et de politiques publiques.

 

 

(1) Alors fixée à 21 ans

(2) C'est la seule matière non enseignée à l'école

(3) Le président du conseil général des Hauts de Seine N. Sarkozy avait prévu l’implantation de policiers dans dix collèges. La démarche a vite capoté

(4) Au Texas

(5) Il  y a aussi une réparation pénale

(6) On est responsable  des choses qu'on a sous sa garde (art. 1384 al. 4 C civ.)

(7) D'où l'importance de l'assurance chef de famille généralement incluse dans l'assurance appartement. Il conviendrait de la rendre obligatoire puisque l'enfant est un risque depuis l'arrêt Bertrand de 1997 : on ne peut échapper à cette responsabilité du fait de l'enfant qu'en plaidant la force majeure ou la faute de la victime.

(8) Faut-il seuil préfixe (10 ou 12 ans) comme le demande la CIDE ?

(9) Ces mesures éducatives peuvent être vécues comme des sanctions. Elles le sont aussi le plus souvent. Le placement par exemple

(10) Quitte à la rétablir s’il ose le faire

(11) Pour revenir à 1906

(12) Le TCM est censé jugé les plus de 16 ans - y compris majeurs - déjà condamnés ayant commis des faits punis de 5 ans de prison.  Il s'agit de noyer le juge des enfants parmi d'autres juges pour combattre sa compassion  naturelle encore ses jeunes et s'assurer de sanctions plus sévères. Le TCM n'est toujours pas supprimé malgré ce qu'avancent, sans réactions des medias devant cette inexactitude, des responsables de l'UMP ou du Front National.

 


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